A qui profiterait une scission de Google?
Le gouvernement américain semble pousser à la scission de Google dans le cadre d’un nouveau procès. Divers activistes y voient une possibilité d’ouvrir le marché publicitaire.
Après une décision de justice rendue en août (que Google conteste), le géant technologique Google est officiellement en situation de monopole. L’une des options possibles, mais de grande envergure, consiste à scinder l’entreprise.
Dans une nouvelle affaire antitrust initiée début septembre, le Department of Justice (DOJ) du gouvernement américain, va encore plus loin. Selon l’agence de presse Bloomberg, le ministère américain de la Justice souhaiterait démanteler complètement Google. Cela pourrait avoir des conséquences majeures, surtout pour le secteur de la publicité, qui pèse quelque 300 milliards de dollars par an.
Comment en est-on arrivé là ?
Google est actuellement impliquée dans plusieurs procès antitrust concernant sa branche publicitaire et elle a déjà été condamné à plusieurs reprises. Et tandis qu’en Europe, cela entraîne souvent des amendes de plusieurs milliards, une condamnation pourrait avoir davantage de conséquences aux Etats-Unis.
Dans la pratique, Google a été condamnée à plusieurs reprises pour constitution de cartels ou abus de pouvoir autour de sa branche publicitaire. La Commission européenne était déjà parvenue à la conclusion que Google privilégiait son propre service Google Shopping dans ses pages de recherche. Le procès intenté aux Etats-Unis au mois d’août portait sur le statut du moteur de recherche en tant que norme. Google a versé beaucoup d’argent à Apple et Firefox, entre autres, pour que son moteur de recherche soit présent ‘par défaut’ sur leurs navigateurs. Selon le juge, Google pouvait ainsi créer un monopole sur les publicités en ligne diffusées via ce moteur de recherche.
Dans la dernière affaire en date, le DOJ affirme que Google détient un monopole sur le marché des services de publicité (en ligne). La firme gère l’ensemble du système: des services destinés aux éditeurs d’annonces, en passant par les plates-formes d’enchères en ligne, jusqu’aux systèmes de diffusion des annonces auprès des utilisateurs. Elle prélèverait ainsi une partie de chaque vente publicitaire en ligne. Les accusations de cartel signifient que Google aurait forcé plusieurs éditeurs à quitter le marché et aurait également augmenté les coûts pour les annonceurs ayant des ‘intérêts monopolistiques’. S’il n’y a qu’un seul fournisseur, il peut facturer davantage: telle est l’idée.
Google peut-il être scindée?
Une solution possible pour le DOJ est de démanteler ce système. Par exemple, en se débarrassant de Google Ad Manager. Il s’agit là d’une plate-forme sur laquelle les entreprises peuvent acheter et vendre des publicités en ligne. Elle a été créée après le rachat de DoubleClick et d’AdX par Google en 2008. Grâce à cette plate-forme, Google contrôle ‘90 pour cent des éditeurs utilisant la technologie publicitaire pour leurs annonces en ligne’, selon le DOJ. Cela donnerait à l’entreprise le pouvoir d’un monopole.
Selon le DOJ, ce pouvoir permettrait à Google de facturer des frais supplémentaires pour les publicités, tout en excluant des concurrents du marché. Cette augmentation du prix des publicités ferait également monter le prix des produits.
S’attaquer à ce monopole signifierait donc que les consommateurs ordinaires en profiteraient, selon Sacha Haworth, directrice de Tech Oversight Project, une organisation à but non lucratif qui entend museler les grandes entreprises technologiques. ‘Google a surfacturé les annonceurs et les éditeurs de plus de 2 milliards de dollars, et cela uniquement durant les quatre dernières années’, a-t-elle déclaré au magazine technologique Ars Technica, entre autres, dans le cadre du procès. ‘Cela a provoqué une inflation des prix publicitaires. Cela a également fait augmenter le coût des transactions et, avec lui, les coûts qui nous sont répercutés, lorsque nous achetons des choses en ligne. La question est bien sûr de savoir si tout cet argent supplémentaire éventuel profitera également au consommateur en cas de scission.
Haworth pense qu’une scission de Google ouvrira la voie à des modèles publicitaires nouveaux et innovants, qui pourraient laisser plus de choix aux consommateurs quant à la manière et au lieu où ils souhaitent être suivis. Les modèles publicitaires qui offrent une alternative au modèle de traçage basé sur des données n’ont actuellement pas beaucoup de chance de s’imposer, estiment les experts, car Google n’a pas grand-chose à y gagner.
Cela prendra du temps
Il va sans dire que tout le monde ne voit pas de manière aussi positive une éventuelle scission. Dans les milieux boursiers surtout, on suit le déroulement de ces procès avec une certaine crainte. Les analystes d’Evercore ISI, entre autres, ont déjà revu à la baisse leurs estimations de la valeur boursière de la société-mère de Google, Alphabet. ‘Nous pensons que le scénario du pire est plus probable que ne le suppose le marché’, déclaré l’entreprise à Yahoo Finance. Si Google est scindée, voire contrainte de supprimer plusieurs de ses contrats d’exclusivité actuels, cela pourrait entraîner une forte baisse de ses revenus, estiment les analystes du marché.
Mais Google est bien entendu loin d’être scindée. Le processus avec le DOJ dure depuis quelque deux semaines maintenant et pourrait se prolonger des semaines encore avant de passer à l’inévitable phase de l’appel. Google affirme déjà que l’intégration de ses différentes technologies publicitaires garantit la rentabilité pour les éditeurs et les annonceurs. L’entreprise croit que cela profitera à la confidentialité si Google gère seule toutes les plates-formes et possède donc seule les données des utilisateurs. Toujours selon Google, il y a beaucoup de concurrence, si l’on prend en considération les différentes formes de publicité en ligne.
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