Contrôle de l’employeur sur l’utilisation d’Internet : nouvelle jurisprudence?

Dans un arrêt du 2 septembre 2008, la Cour du Travail d’Anvers a donné raison à un employeur qui avait congédié sur le champ un employé pour avoir abusé de l’Internet.

Dans un arrêt du 2 septembre 2008, la Cour du Travail d’Anvers a donné raison à un employeur qui avait congédié sur le champ un employé pour avoir abusé de l’Internet.

L’employé avait lui-même adapté la configuration de l’ordinateur de son entreprise de manière à continuer à pouvoir utiliser l’ancien pare-feu alors que l’entreprise travaillait entre-temps avec un nouveau pare-feu qui offrait une meilleure protection.

A l’occasion de simples contrôles de routine dans le cadre de la gestion réseau, il était apparu que la machine sur laquelle se connectait l’employé n’avait plus de connexion Internet via la voie normale. A l’aide d’un analyseur de protocoles, on contrôla le trafic Internet du PC suspect. A ce moment, il apparut que l’employé avait, les jours précédents, surfé sur Internet exclusivement pour des affaires privées, avait participé à des sessions de chat via MSN et envoyé des courriels personnels. Pour cette raison, il fut mis à la porte sans pardon. L’employé contesta son licenciement devant le Tribunal du Travail d’Hasselt mais se vit débouté. Cette sentence vient donc maintenant d’être confirmée par la Cour du Travail.

L’argument principal de l’employé était que les éléments de preuve justifiant son licenciement avaient été obtenus illégitimement. L’employeur devait en effet respecter les dispositions de la convention collective de travail (CCT) n° 81. Celle-ci stipule qu’en principe et en dehors de quelques strictes exceptions, l’employeur ne peut procéder à des contrôles individualisés de l’utilisation d’Internet sans en avoir préalablement averti l’employé. L’employeur n’avait pas suivi cette procédure. La Cour du Travail se trouvait donc confrontée à la question de savoir si l’on pouvait tenir compte d’une preuve indûment obtenue dans l’appréciation d’un licenciement immédiat. Dans sa réponse, la Cour affirme que le non-respect des règles de la CCT n° 81 n’était pas suffisamment grave pour rejeter du procès les preuves rassemblées par l’employeur. Selon la Cour, il ne s’agit que de fautes de procédures limitées qui n’entachent pas la fiabilité des éléments probants. En outre, ces erreurs n’ont pas empêché l’employé d’avoir eu un procès juste.

La question de savoir si, dans un procès, on peut tenir compte de preuves indûment obtenues a été posée plusieurs fois ces dernières années dans la jurisprudence. Dans un arrêt du 2 mars 2005, la Cour de Cassation décrétait que le juge pouvait autoriser de tels éléments de preuve sous trois conditions : cela ne pouvait pas mettre en péril le droit d’obtenir un procès honnête, l’obtention illégitime de la preuve ne pouvait pas en entacher la crédibilité et il ne pouvait s’agir d’exigences de forme qui sont prescrits sous peine de nullité. Moyennant ces trois conditions, le juge peut donc considérer que l’illégitimité lors de la récolte des preuves ne fait pas le poids face à la gravité de l’infraction ou n’a pas de répercussion sur le droit qui est protégé par la norme négligée.

La sentence du 2 septembre 2008 à la base de cette colonne se trouve d’ailleurs dans la lignée de la jurisprudence récente de cassation. Cela signifie-t-il maintenant que les règles de la CCT n° 81 ne s’appliquent plus et que le droit de contrôle de l’employeur sur l’utilisation d’Internet dans l’entreprise est étendu ? Certainement pas.

Dans un arrêt de cassation du 10 mars 2008 se trouve par exemple mentionné que les juges peuvent tenir compte du fait que, pour l’obtention de preuve, les règles légales aient été éventuellement transgressées volontairement. Le juge peut aussi mettre en balance la faute lors de l’obtention de la preuve par rapport aux faits que l’on dévoile avec celle-ci. Tout indique donc que la jurisprudence serait bien moins bienveillante avec un employeur éventuel qui voudrait expressément et systématiquement rechercher, au mépris de toutes les règles et de manière brutale, des comportements indésirés sur Internet. Celui qui inciterait les employeurs à ignorer dorénavant les règles de la CCT n°81 transmettrait donc un message erroné. Par ailleurs, le respect des règles de cette CCT, tout comme celles des autres conventions collectives de travail déclarées obligatoires, peut également être forcé par d’autres voies.

Jos Dumortier

Cette Opinion est parue dans le n° 9 de Business ICT.

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