Comment le plus ancien terrain de golf au monde accueille à présent une toute nouvelle technologie

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Kristof Van der Stadt
Kristof Van der Stadt Rédacteur en chef chez Data News

Aucun sport n’échappe à la numérisation, même pas le golf. Lors de The 150th Open en Ecosse, les fans ont en effet pu suivre pour la toute première fois la position de la balle et le trajet qu’elle accomplit vers le trou et ce, pour chaque coup frappé par n’importe quel joueur.

Il n’y a pas qu’au Tour de France que les téléspectateurs sont chouchoutés par toutes sortes de données. Tandis que les coureurs accomplissent les dernières étapes et que les ultimes statistiques apparaissent sur votre TV, navigateur ou appli mobile, d’autres sports profitent aussi de la numérisation et de ce que les données peuvent offrir. Data News a répondu à l’invitation de NTT Data pour se rendre à St Andrews, sur la côte écossaise de la Mer du Nord, connue pour être ‘The Home of Golf’. C’est sur ‘the Old Course’ que la 150ème (!) édition du tournoi de golf The Open servait de décor au lancement d’une innovation technologique dans ce sport.

‘Ce que nous présentons cette semaine à The Open, c’est un showcase de ce que l’IT peut apporter au jeu et à sa pratique. Mais dans l’année, il y a encore 51 autres semaines qui sont importantes pour notre sport’, déclare en souriant Steve Otto. Otto est le Chief Technology Officer de The R&A: The Royal and Ancient Golf Club of St Andrews. L’un de ses objectifs manifestes est de veiller à ce que St Andrews demeure dans les années, voire les décennies à venir ‘The Home of Golf’. En font aussi partie d’autres événements et tournois, y compris pour amateurs. ‘Ce que nous montrons à The Open, nous voulons en fin de compte l’introduire à tous les niveaux. Nous recherchons donc des solutions évolutives et durables. Mais finalement, notre objectif est de rendre aussi le golf plus accessible, attractif et inclusif. Et c’est là que la technologie peut à coup sûr jouer un rôle’, explique Otto.

ShotView

Ce qui saute littéralement le plus aux yeux à The 150th Open, c’est ShotView: une technologie de réplique numérique – jusque là encore inconnue dans le golf – donnant aux fans un accès complet aux données de tous les joueurs participant au tournoi. Et ce, de manière visuellement attractive. C’est ainsi que le fan peut suivre pour chaque joueur la position de la balle et le trajet qu’elle accomplit en direction du trou, en ce compris les chiffres et statistiques nécessaires, le tout parfaitement présenté sur un rendu visuel du parcours de golf. Un jumeau numérique (digital twin) donc, ‘mais ce n’est encore qu’un début’, insiste Laurence Norman, Vice President Sports Technology chez NTT Data. ‘Nous collectons les données en temps réel, mais dans un véritable jumeau numérique, on trouve encore bien d’autres sources de données et surtout aussi des données historiques. Tel n’est pas encore le cas à présent. Mais c’est ce que nous nous proposons de faire dans les années à venir: continuer de collecter de plus en plus de données et en alimenter le modèle’, poursuit Norman. ‘Actuellement, il est surtout question d’impliquer les fans dans le tournoi et de leur offrir une plus-value. Il leur est en effet impossible de suivre physiquement et simultanément tous les joueurs, mais grâce au jumeau numérique et à ShotView, ils bénéficient d’un beau complément leur permettant de suivre digitalement ce qui se passe’, prétend encore Laurence Norman. ‘Mais à terme, nous entendons à coup sûr introduire des données à propos de la météo et du vent par exemple. Cela pourrait se traduire par de nouvelles fonctions ou scénarios dans l’environnement du jumeau numérique.’

A terme, nous entendons à coup sûr introduire dans l’environnement du jumeau numérique davantage de données relatives à la force du vent par exemple.

LIDAR

Pour pouvoir capter les millions de points de données des golfeurs et les afficher visuellement, il faut de la technologie. Or ce n’est pas vraiment évident au golf. ‘Dans le Tour de France, on peut déjà effectuer de nombreux mesurages en fixant un traceur à la selle du vélo, ce qui est fait. Au golf, c’est nettement moins évident. Il n’est pas possible d’intégrer aisément des capteurs dans une balle, un fer, un driver ou un tee. Tel n’est pas le cas non plus dans un environnement de jeu’, explique Tom Winstanley, CTO chez NTT Data UK&I. Comment faire alors? En recourant à LIDAR (LIght Detection And Ranging of Laser Imaging Detection And Ranging, ndlr): une technologie qui détermine la distance d’un objet ou d’une surface au moyen d’impulsions laser. Cette technologie peut du reste aussi être utilisée dans les ‘super-radars’ de notre pays, mais dans le secteur automobile également, elle est utilisable dans les voitures (semi-)autonomes.

Voici à quoi ressemble ShotView.
Voici à quoi ressemble ShotView.© NTT Data

Drones

Les données que LIDAR capte, sont cartographiées sur le jumeau numérique du St Andrews Old Course. Cela se traduit par une simulation réaliste du paysage et de l’environnement et sert de base à une expérience data interactive. Pour créer ce jumeau numérique, NTT Data a fait appel en partie à des données de paysage open source. Pour affiner et compléter ces données, on utilise des drones afin de collecter des données d’image supplémentaires.

Nous souhaitons que même les joueurs amateurs puissent comparer leurs performances avec celles des joueurs professionnels. Dans ce but, nous avons besoin de données fiables.

Via ShotView, les fans présents en Ecosse purent donc pour la première fois visionner, comme le ferait un oiseau en vol, la façon dont une balle est exactement envoyée d’un point A vers un point B: en ce compris les marqueurs cliquables nécessaires pour appeler par exemple le profil data d’un joueur. ‘C’est précisément sur ce trajet que nous désirons encore progresser. Nous voulons que même les joueurs amateurs puissent comparer leurs performances avec celles des joueurs professionnels. Nous y sommes occupés, mais il faut pour cela disposer de bonnes données dans lesquelles on peut avoir confiance’, explique Steve Otto.

‘Sur ce plan, nous collaborons à merveille avec The R&A. Notre objectif commun est d’amener les fans le plus près possible de l’action par le biais de données. Et le golf est aussi clairement un jeu de statistiques. De petites variables ont un gros impact, les détails sont importants et plus le fan accède à des données, plus son expérience globale s’enrichira’, ajoute Laurence Norman de NTT Data.

Data Wall

On évoque ici continuellement des applications accessibles par le passionné sur un smartphone – qu’il soit visiteur du tournoi, ou à distance via le site web de The Open -, mais au centre du terrain de The Open, nous rencontrons un fameux élément physique: un énorme Data Wall de 20 mètres de large et de 5 mètres de haut. ‘400 tuiles LED qui forment en fait trois écrans’, précise Laurence Norman. Le premier affiche le flux de la station TV, le deuxième fait de même pour le ShotView le plus intéressant du moment – et non, vous ne manquerez aucun coup de Tiger Woods, mais un trou en un seul coup (rare) aura évidemment directement sa place sur le Data Wall – et le troisième est le ‘leaderboard’. Le tout quasiment en temps réel. ‘Comptez sur un délai de 30 secondes pour pouvoir exécuter le calcul exact et la visualisation’, signale Norman. Lors d’un tournoi de golf comme The Open, pas mal de choses tournent dans le nuage, mais d’autres encore localement.

Le Data Wall de The Open
Le Data Wall de The Open© NTT Data

Dans le container technique sous-jacent au Data Wall, on trouve deux ordinateurs de jeu qui se chargent de la visualisations des trajets des balles. C’est du reste le moteur du jeu Unreal bien connu qui est utilisé dans ce but. Il s’agit donc d’un calcul entièrement local pour assurer un rendu de tout ce qui se passe sur les grands écrans avec en permanence une équipe locale pour intervenir si besoin est et corriger une éventuelle erreur data occasionnelle. Au départ d’Ipswich près de Londres, une équipe de réserve est continuellement connectée (par vidéo) avec les techniciens de St Andrews, afin d’agir à distance si nécessaire.

Connectivité

On n’a jusque là pas encore évoqué la connectivité: comment les valeurs LIDAR des balles de golf sont-elles transmises par exemple? ‘Via un réseau wifi entièrement clos évidemment’, répond Laurence Norman. ‘En arrière-plan ou plus précisément ici sous la pelouse (rire), on dispose d’un réseau dorsal à fibre.’

‘Pour l’année prochaine, on prévoit d’installer un réseau 5G privé. Le site s’y prête, et cela nous offrirait plusieurs avantages. L’actualisation des scores serait plus fluide, et la latence plus faible serait aussi une aide pour de nombreuses applications. Mais en combinaison avec nos drones, la 5G privée pourrait offrir aussi de nouvelles possibilités. Je pense ici à des drones autonomes sur lesquels des actions seraient déclenchées, par exemple pour la sécurité.

Immersion dans le container technique sous-jacent au Data Wall.
Immersion dans le container technique sous-jacent au Data Wall.© DN/KVDS

Que nous réserve l’avenir?

Mais Norman distingue encore davantage de possibilités: ‘Je souhaiterais ajouter de la durabilité au data wall et au site web.’ Les visualisations afficheraient alors également l’impact détaillé sur l’environnement. ‘En outre, j’envisage de l’analytique prédictive: prévoir sur base de données le coup idéal pour un joueur. Mais ce qui nous en empêche jusqu’ici, c’est comme je l’ai déjà déclaré, un manque de données historiques, mais nous y travaillons. Il va de soi qu’il y a encore aussi des débats avec The R&A à propos de ce genre de technologie et de la marge d’erreur par exemple: ils pensent que nous ne pouvons que nous fourvoyer! (rire)’.

Steve Otto, CTO de The R&A, n’a rien contre la nouvelle technologie, mais continue par ailleurs de veiller à l’attractivité du sport. ‘Avec cette nouvelle technologie, nous pourrons cibler un nouveau public. Mais l’essence du sport doit rester les compétences des joueurs. Les applis et les analyses de données peuvent aussi aider ces derniers – sur le practice (le terrain d’entraînement pour les golfeurs, ndlr), ils les utilisent du reste largement, et l’analytique des données y est incontournable -, mais en fin de compte, c’est quand même l’ habileté, la force et la finesse du joueur qui lui permettent de faire la différence. Le golf est un sport de statistiques certes, mais c’est quand même le joueur qui doit sortir du lot.’

C’est le golfeur ou la golfeuse le ou la plus performant(e) qui l’emporte, pas celui ou celle qui possède la meilleure appli.

‘Integrated dataverse’

Steve Otto envisage par ailleurs bien d’autres possibilités dans les années à venir: ‘Comme le traçage sans marqueur par exemple. A présent, nous devons encore placer des points d’identification sur les gens afin de les introduire dans un environnement CGI, mais il y a moyen de faire mieux. Une utilisation plus intelligente de la vidéo est un autre objectif. J’aimerais ainsi insérer des caméras sur le tee (le petit bout de bois ou de plastique sur lequel repose la balle avant la frappe, ndlr). Et recourir à l’AI à des fins d’analyse du swing.’

‘C’est en examinant ce genre d’applications qu’on se heurte à des exigences spéciales’, ajoute Norman. ‘La vitesse et la force de la balle sont par exemple conditionnées par le mouvement du poignet lors de la frappe. Pour pouvoir filmer avec précision ce mouvement rapide du poignet, il faut disposer d’un matériel de prise de vue caractérisé par une vitesse de trame incroyablement élevée.’

Comment le plus ancien terrain de golf au monde accueille à présent une toute nouvelle technologie
© NTT Data

‘Si je peux encore ajouter un souhait, c’est réussir d’une manière ou d’une autre à mettre fin à la fragmentation des données. Chaque tournoi a ses propres systèmes data, tous les joueurs disposent dans leur practice de leurs propres applis et gadgets qui collectent et stockent leurs données. Selon moi, il y a important manque d’une source fiable unique. C’est ici que nous tentons avec The R&A de faire en sorte de pouvoir intégrer toutes ces données, de les récapituler de manière holistique et de les faire évoluer vers de précieux ensembles de données évolutifs et réutilisables. J’ai du reste déjà trouvé un nom pour cela (rire), à savoir l”integrated dataverse’.’ Tout ne doit pas obligatoirement trouver une place dans le métaver, heureusement.

Enrichissement mutuel avec d’autres sports

‘Du fait que nous sommes passionnés par le sport, que nous voulons rendre ce dernier plus accessible et inclusif, mais à coup sûr aussi que l’expérimentation de ce genre de technologie s’avère complètement pertinente pour notre coeur de métier’, répond de manière décidée Tom Winstanley, CTO chez NTT Data UK&I, à la question de savoir pourquoi NTT Data a conclu ce partenariat avec The Open. ‘Des choses comme les jumeaux numériques, les ‘data twins’, l’analyse des données sont toutes des applications que nous réalisons quotidiennement pour nos clients, partenaires et employés. Donc oui, il y a là de la pertinence, et c’est en même temps aussi un bien beau showcase pour nous.’

Tour comme le Tour de France donc, dont la société-mère NTT est partenaire technologique. Ou bien le sport automobile Indianapolis 500. On en vient à se demander dans quelle mesure la technologie sportive est interchangeable.

‘Oui, nous nous concertons assurément à propos de la technologie à introduire dans d’autres événements sportifs. Au niveau du groupe, nous disposons d’un ‘extended global team’ qui s’en occupe à fond. Le Data Wall se retrouve par exemple aussi dans la compétition Indycar. Et pour ce qui est de la technologie ‘digital twin’ du Tour de France, nous en avons déjà réutilisé des éléments pour le jumeau numérique dans The Open’, explique Winstanley. ‘Pour tous les projets que nous exécutons dans le cadre des partenariats, l’utilité concrète est évidemment la priorité absolue. Mais d’autre part, il est également important pour nous de sélectionner des technologies émergentes susceptibles aussi de plaire à nos clients professionnels.

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