Chercher des coupables… ou se regarder en face?

L’article “Interdire les ordinateurs portables ou enseigner autrement?” publié vendredi dernier dans l’édition électronique de Datanews et le débat portant sur ce sujet à Radio 1 m’incitent à vous faire part de certaines réflexions

L’article “Interdire les ordinateurs portables ou enseigner autrement?” publié vendredi dernier dans l’édition électronique de Datanews et le débat portant sur ce sujet à Radio 1 m’incitent à vous faire part de certaines réflexions.

Ma première réaction a été: “les enfants font à nouveau parler d’eux”. Est-ce là le début d’une nouvelle discussion sur la jeunesse bruyante et révoltée? Les enfants ne peuvent en effet plus faire de bruit sur les terrains de jeux ou en rue, ils doivent regarder calmement la TV le soir pour ne pas perturber leurs parents surmenés. Or voilà qu’ils font de nouveau parler d’eux sur les bancs de l’école.

Le “loup gris” que je suis, possède quand même une expérience de quelque 32 années de professorat à l’Université d’Anvers. Je suis donc bien placé pour affirmer que j’en ai vu passer des étudiants durant cette période. Et je ne vais certainement pas prétendre que rien n’a changé. Les jeunes sont à coup sûr plus émancipés aujourd’hui. Heureusement! L’étudiant a accès à quasiment tous les organes stratégiques de l’université, il peut exprimer son avis sur la qualité des cours et des enseignants et peut à tout moment faire valoir ses droits. Ces enfants ont grandi avec une foule d’appareils et d’applications modernes: TV, DVD, PC, GSM, iPod, iPad, SMS, MMS, Wii, e-mail, Instant Messaging, YouTube, Facebook, Twitter,… font partie intégrante de leur vie.

Mais l’enseignement supérieur a lui également évolué. Nombre de professeurs sont (enfin) devenus accessibles pour leurs étudiants. Le travail de ce personnel académique a cependant aussi fortement changé. La revendication d’une recherche d’élite au niveau international est toujours plus grande. La culture de la réunion a également gagné les universités et les écoles supérieures, et les professeurs sont noyés sous une montagne de travail administratif.

Les professeurs étaient et sont encore toujours demandeurs d’une mise à disposition d’immenses auditoires, afin de pouvoir consacrer du temps à la recherche scientifique. Moi-même, j’ai connu cette tendance. Au cours de mes premières années, je devais enseigner trois fois par semaine le cours “Systèmes d’informations” aux étudiants de première candidature (bachelor), parce que le plus grand auditoire n’offrait “que” 250 places assises. Aujourd’hui, je dispense ce cours une fois par semaine dans un auditoire “moyen” de 750 places assises. Avant, j’écrivais au tableau, et l’étudiant essayait de suivre le raisonnement et réécrivait sagement tout ce que je notais. Dans ce “petit” auditoire, le silence régnait alors la plupart du temps en… maître. Dans un vaste auditoire, l’utilisation du tableau est pratiquement impossible. L’on fait dès lors habituellement appel aux slides Powerpoint “modernes” qui sont mises au préalable à la disposition des étudiants via la configuration pédagogique électronique. Lorsqu’un étudiant curieux se présente au cours, il a en fait déjà toute la matière à sa disposition.

A propos de la qualité des slides, l’on pourrait certainement écrire une, voire plusieurs pages. Les slides statiques comportant beaucoup de texte ne sont certainement pas adaptés à la culture des “images animées” avec lesquelles nos jeunes ont grandi. Il est évidemment très malaisé de généraliser, mais les présentations et les slides de nombreux professeurs doivent parfois paraître très ennuyeuses pour les jeunes. Sur le plan du transfert de la connaissance multimédia, les institutions académiques accusent énormément de retard.

C’est vrai que dans un “vaste” auditoire, il y a généralement davantage de bruit. Cela est dû au fait qu’un grand groupe de personnes est réuni et qu’il a déjà à sa disposition le cours dispensé par le professeur. Chercher la cause du bruit dans l’utilisation de l’ordinateur portable, c’est cependant aller très loin. Et oui, ces portables sont effectivement utilisés pendant le cours pour surfer sur le net ou pour envoyer des messages. Les étudiants d’aujourd’hui appliquent le principe du multitâche: ils font des centaines de choses en même temps. Ne plus autoriser les ordinateurs portables dans les auditoires, c’est en revenir au Moyen Age.

Les professeurs doivent aussi oser se regarder en face. Leur matière doit redevenir passionnante en recourant au matériel multimédia moderne. Cela exige toutefois de très gros efforts aux dépens des activités scientifiques. Nous devons aussi oser réfléchir à l’opportunité de dispenser encore tous les cours “ex cathedra”. Le premier professeur à proposer un cours multimédia sur l’Apple Ipad, sera sans aucun doute salué comme il se doit par ses étudiants. Qui va cependant relever ce défi?

Prof. dr. Carlos De Backer Universiteit Antwerpen

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