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Réduire le salaire des informaticiens plus âgés? Pourquoi pas!

Je collabore étroitement avec des Néerlandais depuis quasiment le début de ma carrière professionnelle. C’est ma faute, je sais…! L’une des différences majeures entre nos cultures est que nous, les Belges, avons appris à réfléchir avant de parler alors que nos voisins du Nord ont beaucoup plus le coeur sur la langue. Et ils ont une fois de plus fait honneur à leur réputation la semaine dernière. Le sujet a d’abord été abordé dans la presse ICT puis repris le lendemain dans la presse belge: les entreprises ICT néerlandaises veulent réduire le salaire des collaborateurs plus âgés pour l’adapter aux tarifs pratiqués sur le marché. Révolutionnaire?

Ils mettent clairement le doigt sur un problème fondamental pour tous les acteurs du secteur des services. Et la Belgique ne fait pas exception à la règle. Nous sommes tous coupables dans le secteur de la nonchalance avec laquelle nous avons géré durant les années de gloire de l’ICT les salaires et les différents avantages offerts à des personnes qui étaient encore des spécialistes à l’époque mais qui se banalisent aujourd’hui sous la pression de la technologie en évolution constante et de la concurrence menée par des pays offshore et nearshore à bas salaires. Les prix sur le marché diminuent, les coûts ne cessent d’augmenter et sont trop peu variables.

Tous les collègues/concurrents du secteur y sont confrontés, tout le monde réfléchit à des solutions, mais personne n’ose en parler par crainte de relancer la guerre des talents. Les premiers à s’adapter risquent en effet de voir leurs collaborateurs rejoindre la concurrence plus généreuse dans l’espoir que la situation se règle d’elle-même et que tout redevienne comme avant. Mais cela n’a aucun sens. La situation ne sera plus jamais comme avant. Le marché de l’ICT a fondamentalement changé. Il s’agit aujourd’hui d’une industrie qui a atteint l’âge adulte et qui est frappée de plein fouet par la mondialisation. Seul un délégué syndical belge a réagi, de la manière habituelle : non, c’est inacceptable. Mais comment allons-nous solutionner le problème?

Je suis d’avis que ceux qui seront les plus rapides à s’adapter en Belgique et par extension en Europe seront les seuls à avoir une chance de survivre de façon durable dans notre secteur en consolidation. La loi cliché simple et couramment utilisée de Darwin. Mais c’est là précisément que le bât blesse en Belgique. Le changement et la flexibilité sur le marché du travail ne sont pas vraiment nos points forts. Les organisations syndicales représentées dans nos conseils d’entreprise ne soutiennent pas le changement. Nous nous en tenons fermement à un système unique d’indexation des salaires exprimée en pourcentage qui fait que les travailleurs les plus chers deviennent toujours plus chers. De surcroît, nous pensons que le salaire doit augmenter chaque année de façon continue et linéaire avec l’âge tout au long d’une carrière fructueuse.

Si nous ne voulons pas perdre le secteur ICT également, nous devons intervenir sans tarder. Nous devons tous oser bouleverser de façon drastique notre modèle de carrière et surtout notre modèle de salaire. Un salaire en fonction du travail à accomplir et non pas en fonction de l’âge. Un système basé sur des résultats au lieu d’une rémunération basée sur des tâches.

L’âge est-il un facteur en la matière ? Peut-être, mais pas nécessairement et certainement pas le seul. Nous devons accepter une solidarité entre la génération de spécialistes ICT plus coûteuse (et oui, en général la plus ancienne) et la nouvelle génération de digital natives qui doivent se voir offrir la chance de percevoir un salaire correct et de s’épanouir. La courbe des salaires doit devenir une courbe de Gauss et pas une comparaison linéaire du premier degré. Les personnes situées à l’extrême droite de la courbe de Gauss sont-elles disposées à partager non seulement leurs connaissances et leur expérience, mais aussi leur salaire avec la génération suivante? Un exercice difficile et une mise en oeuvre qui l’est tout autant dans un pays comme la Belgique qui se caractérise par un marché du travail hyper-régulé et des possibilités restreintes en termes de flexibilité. Presque tout doit être réglé collectivement, de façon presque marxiste. Il en résulte, comme diraient les Néerlandais, un système de travail avec la flexibilité d’une bordure de trottoir.

Une grande partie de nos spécialistes ICT chevronnés sont en effet devenus trop coûteux par rapport à leur valeur sur le marché et à ce qu’ils offrent aux clients. Leur emploi est aujourd’hui menacé par des spécialistes offshore et nearshore bien moins chers (et en général beaucoup plus jeunes) qui inondent le marché. Et notre propre génération de jeunes ne se voit pas vraiment offrir la possibilité de participer à cette économie ICT toujours florissante vu que nous ne pouvons plus les payer suffisamment et les former efficacement ‘on the job’.

L’introduction collective d’un système de salaire fixe-variable où la rémunération variable serait redistribuée au profit de la jeune génération de spécialistes ICT s’impose donc. Je suis pour !

Dans le cadre économique au sens large, nous n’assumons pas notre responsabilité en tant que société et nous léguons les charges financières à la génération suivante. Aidons-la plutôt à préserver sa place dans notre économie de services. Pour que les Indiens, les Roumains et les autres nouvelles nationalités dans l’économie ICT ne soient pas les seuls à pouvoir contrôler notre autoroute de l’information dans un avenir plus ou moins proche. #

Hans Vets est depuis mars 2012 CEO de Logica Belgium, désormais CGI. Il commence sa carrière chez Origin, avant de créer en ’99 la start-up The Vision Web, rachetée en 2004 par Ordina dont il deviendra CEO pour la Belgique jusqu’en janvier 2011.

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