Campagne contre la transcription de la directive européenne sur la rétention de données

Stefan Grommen Stefan Grommen est rédacteur de Data News.

La Ligue des Droits de l’homme, l’Ordre des Barreaux flamands et francophones et l’Association pour les clients en télécommunications et Internet (Tik) lanceront sur Internet début septembre une pétition contre la transcription de la directive européenne sur la rétention de données dans la législation belge.

La Ligue des Droits de l’homme, l’Ordre des Barreaux flamands et francophones et l’Association pour les clients en télécommunications et Internet (Tik) lanceront sur Internet début septembre une pétition contre la transcription de la directive européenne sur la rétention de données dans la législation belge.

Sur le site web [bewaarjeprivacy.be], tous ceux qui ont quelque chose à dire à propos d’une obligation de rétention générale et préventive de données Internet et téléphoniques peuvent désormais déjà se faire entendre et signer. En septembre, l’initiative prendra une autre dimension et la Ligue des Droits de l’homme descendra alors dans la rue pour mettre la campagne de sensibilisation encore plus en évidence. De quoi s’agit-il exactement ? Voici trois ans, la Commission européenne a ratifié la directive relative à la rétention de données. Cette directive oblige les offreurs de services Internet et de téléphonie à conserver les “données de communication” de leurs clients (toutes les informations sur la longueur, la situation et la date d’une communication téléphonique, mais aussi la date précise et la taille des SMS et des e-mails) pendant un délai allant de six mois à deux ans. L’Europe part du principe que nos données doivent toujours être disponibles pour les enquêtes sur le crime organisé. En dépit de protestations massives, la mesure a été adoptée en quatrième vitesse en réaction aux attentats terroristes à Londres en juillet 2005. Dans notre pays, la directive n’avait jusqu’à présent pas été transposée dans une loi nationale. Alors que le délai pour le premier chapitre, celui qui porte sur la conservation des communications téléphoniques, a en fait déjà expiré le 15 décembre 2007. La campagne de diffamation concernant les élections et l’absence d’un gouvernement fédéral n’y ont pas été étrangers. Pour transposer le chapitre de la directive relatif à la conservation des données Internet, les pouvoirs publics ont eu un peu plus de temps, jusqu’au 15 mars 2009 pour être précis. Mais cette fois encore, pas un mot n’a été soufflé à propos de la mesure. Tandis que chez nos voisins, de très nombreuses pétitions et plaintes ont déjà été lancées. L’année dernière, une proposition de loi a bien été mise sur la table, mais elle a rapidement fait l’objet d’un avis négatif de la Commission pour la vie privée. La fameuse proposition, envoyée par la Justice, l’IBPT et la “Federal Computer Crime Unit” (FCCU), voulait tirer le maximum de la directive et, sur certains plans, aller même plus loin que l’Europe. Ainsi, même l’enregistrement du comportement de navigation sur Internet des belges serait également pris en considération. Dans l’intervalle, la Commission pour la vie privée travaille à une proposition de loi adaptée et équilibrée, un compromis qui pourrait être accepté par toutes les parties concernées. Même si, manifestement, la Commission elle-même a bien du mal à s’en sortir. “L’avis aurait dû être prêt la semaine dernière, mais entre-temps, la publication a déjà été reportée deux fois”, confirme le responsable de la communication Emmanuel Vincart de la Commission pour la vie privée.

“La commission décide normalement en collégialité, mais dans ce dossier, cela s’est jusqu’à présent avéré être impossible. Il s’agit donc d’une matière extrêmement sensible. Dès aujourd’hui va commencer une procédure écrite, en vertu de laquelle tous les commissaires peuvent transmettre leurs remarques par e-mail. Dans environ trois semaines, ces observations seront alors reprises dans l’avis définitif.”

Utilité Que le dossier ait pour ainsi dire été gelé et que le gouvernement n’ait encore pris aucune décision, ce sont des bonnes nouvelles pour la Ligue des Droits de l’homme et les autres partenaires qui sous-tendent le projet “bewaarjeprivacy”. “En fait, nous voulions déjà donner le coup d’envoi de la campagne plus tôt”, explique Maartje De Schutter de la Ligue des Droits de l’homme, “mais maintenant, nous allons attendre la fin de la trêve estivale et que les parlementaires se remettent au travail.” La Ligue et, dans son sillage, l’Ordre des barreaux flamands et francophones, la Vlaamse Vereniging van Journalisten (VVJ) et l’Association nationale pour les clients en télécommunications et Internet (Tik) soulignent que la mesure est une atteinte inacceptable à notre vie privée et que sa nécessité et surtout sa proportionnalité doivent en être sérieusement mises en doute. Un autre problème est le prix de tout ceci. Les coûts opérationnels afférents à l’obligation de conservation seraient très élevés. Des études réalisées dans d’autres pays montrent que pour les gros opérateurs, ils peuvent facilement atteindre les 100 millions d’euros par an. Beaucoup de choses dépendent aussi de la longueur du délai de conservation. Plus le délai de conservation est long, plus la capacité de stockage nécessaire est élevée et plus le prix grimpe. Et si les coûts sont à charge des opérateurs, ils les répercuteront évidemment sur leurs clients, de sorte que le prix des abonnements pourrait fortement grimper. Débattre de l’utilité de la directive n’a que peu de sens à l’heure actuelle, “mais les dégâts peuvent certes encore être limités”, disent les instigateurs de “bewaarjeprivacy”. “Pour les hommes politiques, il est naturellement impossible de dire : nous ne le faisons pas, mais nous pouvons encore aller avec nos partenaires devant la Cour Constitutionnelle”, toujours selon De Schutter. “L’implémentation de la directive doit être conforme à la Constitution, ce qui ne semble pas être le cas pour l’instant. L’Allemagne et l’Irlande ont d’ailleurs déjà déposé une plainte devant la Cour européenne de Justice.” Pour le ministre Van Quickenborne, la transposition de la directive dans la législation belge doit assurément rester aussi peu coûteuse que possible. Il n’admet pas que le consommateur doive payer les frais supplémentaires qu’engendre l’obligation de conservation. Van Quickenborne ne prône donc pas une transposition maximale, mais opterait de préférence pour une solution minimale et bon marché (moins coûteuse) selon laquelle les données dont il est question ne seraient conservées “que” pour six mois. Tout comme aux Pays-Bas, où la Première Chambre a cette semaine réduit le délai de conservation de douze à six mois. “Six mois, parce que l’Europe l’exige”, dit-on là-bas. [www.bewaarjeprivacy.be/fr]

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