Quatre jours passés à AWS re:Invent: Amazon Web Services résolument optimiste
Lors de la douzième édition de sa méga-conférence organisée à Las Vegas, Amazon Web Services nous a paru sûre d’elle en prenant parfois un ton quelque peu fanfaron. Peu importe pour AWS que l’ensemble du secteur des services cloud soit bouleversé par l’arrivée de nouveaux développements tels que l’IA générative, car l’entreprise pense avoir les meilleurs cartes dans son jeu, encore faut-il évidemment les jouer à bon escient.
Vegas, baby! L’argent roule, les boissons coulent à flots et à la réception des hôtels, on vous jette un regard critique si vous osez seulement demander la clé de votre chambre. La cité du désert, où tout est permis et où il n’est encore et toujours pas bien difficile de mettre à mal le reste de votre vie en une seule nuit d’enfer, a retrouvé tout son lustre après le douloureux intermède corona. En 2022, Las Vegas a accueilli quasiment cinq millions de participants à des conventions sur un total d’un peu moins de 39 millions de voyageurs. Il s’agit certes là d’une minorité, mais les hôtels-casinos, les restaurants et autres lieux de plaisir n’aiment que trop les voir arriver: c’est qu’un participant à des conventions dépense en moyenne 970 dollars (885 euros) durant son séjour, soit quelque 180 dollars de plus qu’un touriste traditionnel.
Plus de cinquante mille de ces porteurs d’un badge ont assisté durant la dernière semaine de novembre à AWS re:Invent, la conférence annuelle pour les partenaires du fournisseur de services cloud Amazon Web Services (qui fait évidemment partie du géant technologique Amazon). Ils y ont entendu des discours thématiques présentés par des personnalités internes à AWS comme le CEO Adam Selipsky, en plus de quelque deux mille sessions en petits groupes pour tous les services spécifiques fournis par AWS. Et ils sont évidemment très nombreux. Tellement même qu’il est possible que personne au sein d’Amazon Web Services ne sache combien de genres de services cloud différents l’entreprise propose. Et cela est surtout dû au fait que les solutions d’AWS sont nettement développées à… la tête du client.
‘Nous utilisons nous-mêmes une expression à cet égard: customer obsession’, explique Steph Lone, Global Leader for AWS’ Solutions Architecture pour les secteurs des médias et des loisirs. ‘Nos clients parlent plus facilement avec des gens issus de leur propre industrie et qui ont déjà mené à bien le processus du passage au cloud. Moi, par exemple, j’ai supervisé au sein de la firme de médias américaine CBS, où j’ai travaillé pendant 25 ans avant de rejoindre AWS, tout le travail technique sous-jacent à plusieurs Super Bowls et March Madnesses (d’importantes compétitions sportives regardées par des millions de spectateurs aux Etats-Unis, ndlr) et je sais donc ce qui est nécessaire pour travailler à ce type d’échelle avec une infrastructure cloud. Il n’est en fait pas question de technologie, mais bien de solution. La technologie, nous l’adaptons aux besoins du client.’
Large éventail
L’éventail des use cases démontrés lors d’AWS re:Invent est incroyablement large, et les secteurs qu’ils desservent, diffèrent nettement. La banque britannique NatWest utilise par exemple Amazon Bedrock, un service géré incorporant des applications intelligentes via une API, afin d’envoyer des messages hyper-personnalisés à ses 16 millions de clients. Pour la Banque Mondiale, le principal institut de collaboration au développement sur Terre, le fournisseur de logiciels d’IA Alteia utilise le cloud AWS pour aider à découvrir rapidement où des travaux routiers sont absolument nécessaires dans les pays en voie de développement: un élément important dans leur évolution économique. Ce système AWS combine des téraoctets de données ouvertes et l’apprentissage machine aux données de satellites, afin de savoir où se trouvent les points faibles, moyennant un minimum de coûts.
Pour le fabricant d’articles de sport Adidas, des systèmes AWS sont utilisés à différents échelons du métier, comme la création de produits, les stratégies commerciales, l’analyse de données et le système ERP (Enterprise Resource Planning) qui forme l’épine dorsale des activités du géant allemand.
Et pour l’éditeur japonais de jeux vidéo Nintendo, AWS a débranché le système de serveur monolithique sous-jacent à la boutique de téléchargements eShop de Nintendo pour en faire une architecture basée sur les micro-services: des composants indépendants les uns des autres qui font tourner chaque processus as-a-service et qui communiquent constamment les uns avec les autres. Aujourd’hui déjà, Nintendo réalise quasiment la moitié de son chiffre d’affaires via les ventes numériques et s’attend à ce que ces digital unit sales prennent très vite le dessus: l’entreprise à l’origine de Super Mario avait donc besoin d’une infrastructure capable d’évoluer plus vite.
‘Le meilleur des moments, le pire des moments’
La liste des histoires de clients passées en revue semble infinie, tout comme l’est le nombre de liaisons AWS chez ces mêmes clients, qui sont montés sur le podium dans le centre de conférences de l’hôtel-casino The Venetian, pour chanter les louanges d’Amazon. Au niveau mondial, Amazon Web Services est le numéro un du marché des infrastructures cloud, comme l’indiquent les chiffres de Synergy Research Group: avec ses 32 pour cent, l’entreprise possède même une solide avance sur l’acteur classé deuxième, à savoir Microsoft, dont le nuage Azure possède une part de marché de 22 pour cent (Google occupe la troisième place avec 11 pour cent, suivie par les ‘acteurs plus modestes’ que sont Alibaba, IBM, Salesforce, Oracle et Tencent).
‘Ces rapports resteront encore un peu inchangés’, comme l’a suggéré le CEO Adam Selipsky durant son discours thématique d’une durée de pas moins de deux heures et demie dans The Venetian. ‘Nous avons réinventé le concept de l’infrastructure IT. Dans chaque région, nous avons trois zones de disponibilité, capables de fonctionner en totale indépendance l’une de l’autre, ce qui est intéressant si l’une d’elles connaît un problème. Nous trouvons incompréhensible que des concurrents ne possèdent qu’un seul centre de données par région: nous, nous les avons multipliés, car nous savons que nos clients doivent être absolument certains de la continuité de nos services.’
Selipsky a donné une impression relativement prétentieuse, lorsqu’il aborda sur le podium les différences entres AWS et la concurrence. Alors que pour tous les fournisseurs de services cloud – AWS compris -, il est question aujourd’hui de best of times, worst of times (meilleur des moments, pire des moments) à la Charles Dickens. Plus d’entreprises que jamais migrent vers les services cloud gérés. Avec un chiffre d’affaires mondial partagé de 563,6 milliards de dollars (quelque 514 milliards d’euros) et, selon le cabinet d’études de marché Gartner, une croissance de 20,4 pour cent à l’horizon de la fin de l’année prochaine, jamais encore autant d’argent n’a pris la direction des fournisseurs de services qu’aujourd’hui. Le hic, c’est qu’il y a de plus en plus d’éléments sur lesquels une différence doit être faite et qu’un géant comme AWS doit donc envoyer ses troupes sur plus de fronts que jamais.
Absence de serveur, et intelligence artificielle
Amazon Web Services a lors de re:Invent fait référence à quelques petites évolutions dans ses activités. Comme le besoin de solutions d’edge computing (informatique en périphérie de réseau) impeccables en des endroits où il n’y a pas ou quasiment pas d’accès à une connexion internet et où AWS utilise des données 5G notamment. Lundi, le fournisseur cloud annonça aussi trois nouvelles applications sans serveur pour les clients qui veulent faire évoluer leur infrastructure de manière automatique sur base des besoins du moment.
Et puis, il y a évidemment l’IA générative, une évolution capable de changer complètement le terrain de jeu. Lors du discours de Selipsky, nous avons même entendu à un moment donné quelques traits lancés en direction de Microsoft. Alors qu’à présent, personne dans l’industrie ne contredit le fait que le géant technologique, grâce notamment à son enlacement de plus en plus serré avec OpenAI, est en train d’effectuer de solides manœuvres dans le domaine de l’IA générative. Un écart de dix pour cent en parts de marché n’est pour autant pas énorme, surtout en ces temps changeants: tout peut encore arriver.
Mais Sri Elaprolu, en charge du Generative AI Innovation Center chez AWS, est confiant: ‘Notre force réside encore et toujours dans les services spécifiques à la clientèle et dans notre gamme que nous lui proposons en trois couches: notre infrastructure axée sur les applications d’IA, une couche intermédiaire d’outils où nous travaillons non seulement avec notre propre modèle Titan, mais aussi avec des modèles d’IA d’autres fournisseurs, et une couche supérieure avec des applications telles que notre chatbot Amazon Q.’
L’Europe n’est pas une pierre d’achoppement
Même l’Europe qui, dans le domaine des données personnelles, doit devenir en substance un silo hermétique sur ordonnance de l’Union européenne, n’est pas une pierre d’achoppement pour AWS. Pour éviter que des données sensibles de citoyens européens sortent des frontières du continent, le fournisseur cloud prépare actuellement un European Sovereign Cloud. Mais ce dernier s’inscrit aussi simplement dans la structure existante qu’AWS a acceptée, selon Lone, qui a aussi des entreprises européennes comme clients au sein même de son axe vertical de médias et de loisirs. Comme la station publique britannique BBC, l’entreprise allemande de médias ProSiebenSat.1 et la belge DPG Media. ‘Nous travaillons par définition avec des régions, où les données de nos clients doivent demeurer. Nous-mêmes, nous ne transférons aucune donnée des clients d’une région à l’autre, même si des clients peuvent en principe le faire eux-mêmes. Je ne vois aucune réticence chez nos clients à cause des nouvelles règles européennes en la matière.’
Lisez aussi: AWS promet un European Sovereign Cloud
Rien que des bonnes nouvelles donc, que ce soit sur le podium ou dans les salles de conférence d’AWS re:Invent. Tout semble couler de source chez le géant du cloud. On peut être sûr de soi et puis être comme les personnages-clés d’Amazon Web Services présents à cet événement. Vous avez dit arrogance! Il n’y a en fait pas meilleur endroit au monde pour présenter ce genre de show positif qu’à Las Vegas. Et cela marche: sinon, l’annonce de services extrêmement techniques tels qu’Amazon Aurora Limited Database et Amazon Redshift Serverless n’auraient pas recueilli autant de tonnerres d’applaudissements en provenance de la salle, comme s’il s’agissait de la présentation d’un nouvel… iPhone.
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