Externalisation, état numérique et IA: que dit l’accord fédéral sur l’ICT?
La technologie ne joue pas un rôle prépondérant dans l’accord gouvernemental de 202 pages, mais elle apparaît dans divers domaines. Voici les projets les plus importants.
Fiscal
Sous le gouvernement précédent, le système des droits d’auteur avait été réduit, au grand dam de nombreuses entreprises (ICT) qui payaient en partie leurs employés en droits d’auteur, ce qui est plus avantageux fiscalement.
De Wever I prévoit que le régime fiscal des droits d’auteur sera étendu aux professions non numériques. Mais il n’est fait aucune mention de changements apportés au régime en vigueur depuis 2024. Il semble donc que beaucoup plus de personnes pourront l’utiliser, mais pas que les anciennes dispositions reviendront.
Autre changement en matière d’impôts: la disparition de l’exonération fiscale pour le forfait PC Privé. En vertu de cette mesure, un employeur sera autorisé à rembourser 60 pour cent du prix d’achat d’une configuration informatique privée aux employés, exonéré d’impôt.
Consultants informatiques externes vs. internes
Les services gouvernementaux qui nécessitent une expertise spécifique, pourront encore et toujours faire appel à des consultants à cette fin. Mais pour les fonctions IT non spécialisées ou les tâches récurrentes, l’emploi régulier deviendra la norme. Si des ressources externes sont recrutées, cela pourra se faire via Smals, eGov et auprès du secteur privé.
Plus d’e-Box, moins de notifications
La boîte aux lettres numérique du gouvernement, l’e-Box, sera développée plus avant, l’accord de coalition mentionnant explicitement ‘la suppression de plusieurs canaux de notification’. Il y aura une synergie maximale entre e-Box Citoyen et e-Box Enterprise, ainsi qu’une coopération plus étroite avec les régions et les autorités locales.
Gouvernement numérique
Le portemonnaie numérique continuera d’être développé, et de nouveaux services gouvernementaux numériques seront par défaut liés à ce genre de plateformes numériques. Les services existants seront progressivement intégrés. L’ambition est que le gouvernement fédéral puisse effectuer toutes les transactions et interactions avec les citoyens et les entreprises par voie numérique d’ici 2030. Même si une voie non numérique est toujours garantie pour les personnes moins à l’aise sur le plan numérique.
En matière de développements techniques, le gouvernement aspire à atteindre une uniformité maximale, afin de garantir ici aussi l’interopérabilité. Les normes ouvertes et les API standardisées en constitueront la base.
Une stratégie belge en matière de données est en cours d’élaboration pour réglementer l’utilisation, le partage et la vente des données, même s’il est souligné que ce marché des données devra se dérouler dans le respect de la protection des données personnelles.
Il y aura également une ‘cloud first stratégy’ souveraine et une politique sur l’utilisation de l’IA en vue d’améliorer le fonctionnement du gouvernement. On ignore si le terme souverain fait ici référence à une voie indépendante séparée des pays voisins, ou à une focalisation sur des environnements cloud souverains, déconnectés de l’internet public et de leurs fournisseurs (étrangers).
Le SPF BOSA élaborera une stratégie globale pour la numérisation du gouvernement, qui devrait conduire à une organisation axée sur les données, qui utilise à la fois les systèmes IT et l’IA de manière responsable.
Le service gouvernemental sera également chargé de mettre en place une véritable gouvernance des données, dirigée par un chief data officer. Ce service devra veiller à la compatibilité et l’interopérabilité des différents projets de données au sein du gouvernement fédéral. Une nuance intéressante à apporter ici est que l’objectif est de parvenir à des solutions ICT modernes, où les solutions proposées par Smals devront ‘soutenir la comparaison avec celles des fournisseurs commerciaux’. Cela suggère que Smals devra affronter plus souvent les acteurs privés, lorsqu’il s’agira de fournir des services IT au gouvernement.
Justice
La numérisation de la Justice, en chantier depuis plusieurs décennies, se poursuivra également sous ce gouvernement, même si tout cela reste relativement flou. L’accès à la Justice devra être facilité par la numérisation, et le pouvoir judiciaire sera à cet égard un partenaire ICT à part entière, précise le texte.
Il y aura une base de données publique pour les jugements et les décisions. Les outils et algorithmes que la magistrature utilise aujourd’hui et qui sont utiles aux citoyens, seront également mis à la disposition du public. Just-on-Web (le Moniteur) sera étendu, afin que les actes de modification sous-seing privé et les comptes annuels puissent être transmis de cette manière.
Les ‘travailleurs cyberflex’ et le piratage éthique
Attirer des experts dans des domaines tels que la cybercriminalité signifie que l’accord gouvernemental a des ambitions singulières en la matière. Une attention particulière sera portée au recrutement actif de profils spécifiques, et un parcours de carrière adapté sera créé pour ces personnes afin de les conserver le plus longtemps possible.
En outre, un cadre juridique sera généré pour le recrutement de ‘cyber-volontaires’ ou de ‘travailleurs cyberflex’ à la police. Ils seront sélectionnés et, après une courte formation, se verront confier des tâches spécifiques. Cela suggère que les personnes ayant une formation en cybersécurité pourraient être officiellement employées par la police, mais pas nécessairement à temps plein et sans avoir à suivre l’intégralité du processus de formation policière.
I-Police, la plateforme d’information qui regroupe différentes bases de données et applications, mais qui se trouve dans un creux depuis un certain temps déjà, sera révisée et actualisée.
Police Search sera déployée plus avant. Cela permettra également à diverses unités de police de consulter les données et les rapports d’autres services.
Des investissements seront réalisés dans l’expertise, les connaissances, la technologie et l’infrastructure pour intercepter et décrypter les communications codées et pour pouvoir analyser de volumineux fichiers de données.
L’accord gouvernemental fait également référence à la directive européenne NIS2 et précise qu’il souhaite autoriser le piratage éthique dans les services de police ‘dans des proportions et avec un contrôle adéquats’. La police recevra également des ressources pour mener des enquêtes sur les réseaux sociaux. Un cadre juridique sera également mis en place pour permettre une action rapide en cas de phishing ou de cyberattaques.
Défense
L’accord gouvernemental ne contient pas beaucoup d’éléments nouveaux en matière de défense nationale. La cyberdéfense et l’investissement dans l’IA sont cependant évoqués. Une coopération internationale est envisagée, dans laquelle ‘les acteurs numériques en vue’ sont désignés comme les acteurs ayant un certain pouvoir sur le marché.
IA
L’intelligence artificielle émergera dans divers départements. Voici les principaux projets en la matière:
En plus de la loi européenne sur l’IA (AI-act), on étudiera si des règles nationales sont nécessaires pour l’IA dans les soins de santé, mais avec une liberté diagnostique et thérapeutique pour le prestataire de soins de santé. Une stratégie conjointe en matière de données et d’IA pour la santé publique est envisagée.
Une politique concrète sera élaborée pour la police concernant l’utilisation de l’intelligence artificielle qui relève de la loi européenne sur l’IA. En collaboration avec les services de renseignement et de sécurité, il y aura également un terrain d’essai pour de nouvelles applications opérationnelles avec de nouvelles technologies.
La police pourra s’appuyer sur l’IA pour certaines tâches administratives. Il y est notamment question de la conversion de la parole en texte (speech-to-text).
L’accord gouvernemental contient également un passage stipulant qu’un compromis sera toujours recherché ‘entre le droit à la sécurité (qui est un droit de l’homme fondamental) et le droit à la vie privée’. Il est étonnant que le droit à la sécurité soit ici explicitement mentionné comme un droit de l’homme, car selon l’UE et l’ONU, la confidentialité relève également de ce droit.
La législation sur les caméras sera aussi adaptée pour permettre davantage de possibilités en matière de surveillance par caméras intelligentes. Il avait été annoncé précédemment que les caméras ANPR pourraient désormais également identifier l’utilisation du téléphone portable au volant.
Télécoms, 5G & 6G
Des investissements seront consentis dans un réseau 5G souverain, doté de son propre spectre, pour la modernisation des services d’urgence et de sécurité. Cela s’accompagnera d’une modernisation des salles de contrôle. Ce faisant, Arizona poursuit le travail de Vivaldi, puisque ces projets existent depuis 2022 déjà.
Les opérateurs télécoms devront pouvoir collaborer pour réaliser certains travaux, et le régulateur, l’IBPT, devra apporter des éclaircissements à ce sujet. Parallèlement, des efforts seront toujours déployés pour parvenir à une couverture optimale du territoire et pour éliminer les zones blanches où il n’y a actuellement aucune couverture mobile.
D’ici 2030, chaque entreprise devrait avoir accès à un débit internet d’1 Gbps via le réseau fixe ou mobile.
Et même si la 6G est encore loin, l’accord gouvernemental stipule également que les préparatifs en la matière doivent commencer, y compris une campagne d’information, pour le déploiement éventuel de la 6G.
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