Apple l’emporte aux dépens de l’innovation

Le jugement ne me fait pas bondir de joie. Je suis pourtant un fan d’Apple, je ne le cache pas. Je suis un fier Apple Fanboy, parfois au grand désappointement de mes bons amis de chez Microsoft. Mais malgré le fait qu’Apple se soit de nouveau enrichie d’un milliard de dollars et ai gagné son procès contre Samsung, je ne suis pas du tout satisfait.

Le jugement ne me fait pas bondir de joie. Je suis pourtant un fan d’Apple, je ne le cache pas. Je suis un fier Apple Fanboy, parfois au grand désappointement de mes bons amis de chez Microsoft. Mais malgré le fait qu’Apple se soit de nouveau enrichie d’un milliard de dollars et ai gagné son procès contre Samsung, je ne suis pas du tout satisfait.

C’était là plutôt un événement médiatique: un procès portant sur des violations de brevets avec un véritable jury américain composé de dix membres qui devaient décider si Samsung avait effectivement enfreint les brevets d’Apple et copié l’entreprise américaine de manière éhontée. Et de prononcer un verdict ‘coupable’ avec comme résultat le versement d’1 milliard de dollars à Apple.

Peu importait ce milliard pour Apple. Un milliard de plus ou de moins, bof! Non, ce qui importait pour Apple, c’était la victoire morale et, évidemment, son exigence de faire retirer tous les modèles Samsung Galaxy des rayons. Et cela, je le regrette vraiment.

Samsung a réagi vertement en déclarant qu’il était frappant de constater que la loi sur les brevets avait été elle-même violée pour conférer à une entreprise comme Apple le monopole des ‘rectangles aux coins arrondis’. Les Coréens gardent le sens de l’humour.

Honnêtement parlant, la précédente tablette de Samsung ETAIT une complète contrefaçon de l’iPad. Une impudente copie. Et la version précédente du smartphone Galaxy ÉTAIT une copie complète de l’iPhone. Encore plus honteux. Mais si nous poursuivons dans l’honnêteté, avouons que le nouveau Galaxy S3 prend largement le dessus sur l’iPhone et que les nouvelles tablettes avec leur ‘form factor’ modifié représentent une évolution supérieure à ce que l’iPad propose aujourd’hui. En d’autres mots, Samsung a copié Apple et l’a simplement dépassée sur le plan de l’innovation.

Quoi de plus logique alors qu’Apple soit montée sur ses grands chevaux. Quoi de plus logique qu’Apple ait voulu à tout prix protéger son territoire. Et elle est passée maître en la matière avec sa grosse artillerie juridique. J’ai pu le constater par moi-même, il y a quelques années de cela. Lorsque je reçus un coup de fil de Cupertino me demandant si je voulais bien stopper mon entreprise, Newton Engineering. Telle est en effet l’appellation de mon SPRL, et quand Apple sortit son propre Apple Newton, un avant-goût très précoce de l’iPad, voilà qu’une minuscule SPRL située à Assenede en Belgique devint subitement la cible du ‘legal council’ de Cupertino. C’est alors qu’un de leurs avocats grassement rétribués me téléphona pour que je cesse immédiatement mes activités. Heureusement, j’ai pu leur démontrer que j’avais fondé mon entreprise des années avant qu’il soit question de l’Apple Newton, mais j’ai quand même ressenti la menace de la ‘legal force’.

Brevets Samsung a donc perdu. Elle n’avait pas besoin de copier. Mais le grand perdant dans l’ombre, c’est Google qui, avec son système d’exploitation Android, est le ‘driver’ derrière les tablettes et smartphones de Samsung. Et qui a encore l’année dernière racheté Motorola pour pas moins de 12 milliards de dollars, non pas pour ses produits, son personnel ou ses clients, mais uniquement pour son portefeuille de brevets. Une façon pour Google de se couvrir contre le risque qu’Apple puisse tourner ses super-forces juridiques contre elle.

Et c’est là que le bât blesse. Les brevets sont l’élément vital de l’industrie technologique, mais il est devenu quasiment impossible d’encore pouvoir manoeuvrer dans la jungle des droits de la propriété intellectuelle. Dans la formation des ingénieurs, la matière ‘Droit’ n’était pas la plus populaire, et encore s’agissait-il principalement ici de marques commerciales et de brevets. Rien de plus ennuyeux, selon moi. Mais aujourd’hui peut-être une notion essentielle si l’on veut survivre et innover.

Je connais pour l’instant beaucoup de startups qui renoncent, parce qu’elles sont totalement incapables de s’armer dans leur lutte pour la propriété intellectuelle face à des acteurs tels Google qui peuvent se permettre de dépenser plus de douze milliards de dollars dans Motorola pour s’approprier un portefeuille de brevets.

Dans le procès opposant Apple à Samsung, le grand perdant n’est pourtant ni Samsung ni même Google. Le grand perdant, c’est l’innovation. Dans ce monde high-tech, il devient quasi impossible de continuer à innover, si l’on ne peut pas continuer à capitaliser sur le passé. ‘Standing on the shoulders of Giants’, avait déclaré Newton pour qualifier sa découverte des lois de la physique, parce qu’il avait pu capitaliser sur le gigantesque travail des savants qui l’avaient précédé.

Ce qui était autrefois le noble but du concept du ‘brevet’, à savoir protéger les droits des inventeurs, est malheureusement réduit en cendres avec le jugement rendu dans l’affaire Apple contre Samsung. Dommage, oui dommage pour l’innovation.

Peter Hinssen Peter Hinssen est entrepreneur en série, partner d’Across Group, président d’Across Technology et auteur du livre ‘The New Normal’.

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