Véronique Van Vlasselaer
L’IA « human-out-of-the-loop » : l’humain se laissera-t-il mettre hors jeu ?
Dans l’univers infini de l’intelligence artificielle (IA), un concept est en train de s’imposer à une vitesse folle : l’IA « human-out-of-the-loop », c’est-à-dire les systèmes capables de fonctionner sans intervention humaine. Voilà qui annonce un changement important dans nos interactions avec la technologie. Et qui nous pousse à repenser les frontières entre l’intelligence de l’être humain et celle des machines. Jusqu’où sommes-nous prêts à aller ? Et quelles en seront les conséquences ?
L’IA « human-out-of-the-loop » permet à des systèmes intelligents de fonctionner de manière entièrement autonome, avec un minimum d’intervention, voire sans le moindre apport humain. Ces systèmes fonctionnent sur la base d’algorithmes avancés et ont accès à d’énormes quantités de données qui leur permettent d’accomplir des tâches complexes de manière autonome. Cela peut sembler futuriste, mais le développement de ce type d’IA existe depuis des années.
Certains systèmes de détection de la fraude, par exemple, sont déjà parvenus à détecter des transactions frauduleuses sans supervision humaine. Vu l’urgence de prendre une décision en pareil cas, le facteur humain a été mis hors circuit. Les possibilités semblent infinies, depuis les voitures autonomes jusqu’aux systèmes de service à la clientèle entièrement automatisés. Nous devons toutefois garder un œil critique vis-à-vis de chacune de ces applications et nous demander si renoncer au contrôle est bien souhaitable.
Avantages et risques
L’un des avantages les plus séduisants de l’IA « human-out-of-the-loop » est qu’elle permet de rationaliser les processus et de maximiser l’efficacité. Confier des tâches complexes à l’intelligence artificielle permettrait aux humains de consacrer davantage leurs talents aux responsabilités importantes. Cela aurait pour effet de stimuler l’innovation et d’accélérer considérablement le progrès.
Aussi prometteur que tout cela puisse paraître, la prise de décisions autonome n’est pas sans causer de soucis, notamment du point de vue de la responsabilité, des biais et des implications éthiques. L’éthique est sans aucun doute au cœur du débat concernant l’IA sans composante humaine. Qui est responsable en cas d’erreur commise par un algorithme d’IA ? Comment faire en sorte que ces systèmes ne figent pas et ne renforcent pas certains préjugés présents au sein de la société ?
Jusqu’où pouvons-nous faire confiance à des machines qui prennent des décisions lourdes de conséquences pour notre vie ? Où posons-nous des limites ?
Cette question se pose déjà de manière pressante dans le monde des universités et autres hautes écoles. Surtout avec le lancement d’un nouveau modèle d’IA dénommé o1 par OpenAI, la société à l’origine de ChatGPT. Il s’agirait du premier modèle réellement capable de raisonner. Là où les étudiants qui écrivent un essai avec ChatGPT risquent encore de se faire prendre en raison des limitations de l’IA générative, il se pourrait que cela appartienne bientôt au passé.
Le rôle des données synthétiques
L’IA entièrement autonome n’est pas encore pour demain. Outre les nombreuses questions éthiques, il reste encore différents défis à relever, comme le développement d’algorithmes robustes capables de gérer différents scénarios ou encore la mise en place de sources de données fiables et de mécanismes de détection des erreurs efficaces. Pour pouvoir fonctionner de manière autonome, les systèmes ont également besoin d’énormes quantités de données. Dans notre société des données en pleine expansion, la quantité n’est en principe pas un problème. La difficulté réside toutefois dans la disponibilité de données utilisables par les applications d’IA.
Il peut être difficile de collecter des données concernant certains scénarios pour lesquels elles se font relativement rares. Et il n’est pas toujours possible d’utiliser certaines données pour des questions de confidentialité, surtout en ce qui concerne les informations sensibles que personne ne souhaite rendre publiques. Dans les soins de santé, mais aussi dans les services publics et le commerce de détail, le respect de la vie privée peut donc être un obstacle à l’utilisation des données. La solution à ce problème réside dans le développement de données synthétiques.
Les données synthétiques sont générées par un algorithme qui imite les données du monde réel. L’anonymisation des données pourrait être une alternative, mais ce processus exige énormément de travail et n’est pas suffisamment précis pour des analyses détaillées. Les données synthétiques imitent les caractéristiques statistiques et les corrélations des données, ce qui donne un jeu de données parfaitement utilisable pour les tests et l’entraînement de modèles prédictifs. La collaboration d’esprits brillants et une focalisation sans relâche sur l’innovation contribueront peut-être à lever finalement les derniers obstacles et à créer de nouvelles possibilités.
Que nous réserve l’avenir ?
Les perspectives les plus fascinantes résident encore dans la collaboration entre l’humain et l’IA, c’est-à-dire les systèmes « human-in-the-loop ». La combinaison des possibilités de l’IA et de nos propres atouts uniques nous permet de créer une relation symbiotique portant notre potentiel collectif vers de nouveaux sommets. Imaginez un instant les avancées qui nous attendent si nous utilisons la puissance de l’IA pour accroître notre propre créativité, nos capacités de résolution de problèmes et nos connaissances intellectuelles.
Dans notre boule de cristal, nous entrevoyons des développements qui vont transformer notre monde d’une manière que nous sommes aujourd’hui incapables d’imaginer. Mais une chose est sûre : les défis, les dilemmes éthiques et l’incertitude marqueront de leur empreinte le chemin que nous devrons parcourir. Nous devons explorer ce territoire inconnu avec prudence, clairvoyance et une grande attention pour la préservation de nos valeurs humaines.
L’IA recèle le potentiel de créer un meilleur avenir pour nous tous. À condition que nous la cadrions avec soin, avec humilité et avec un grand respect pour la puissance de la technologie…
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