Stefan Dierckx

Les raisons de l’échec (provisoire) du crowdfunding en Belgique

Stefan Dierckx est CEO et co-fondateur de Projective, une entreprise spécialisée dans la gestion de projets dans le secteur financier européen.

L’on sait que les Belges n’aiment guère prendre des risques démesurés avec leurs économies. En comparaison avec ses voisins, le Belge préfère investir de manière sûre avec suffisamment de garanties à la clé. Mais alors, le crowdfunding (financement participatif) en Belgique est-il a priori condamné? Pas vraiment, selon Stefan Dierckx, CEO de Projective.

Par rapport aux Pays-Bas, notre pays ne représente pas (encore) grand-chose sur le plan du crowdfunding. Chez nos voisins du nord, l’on recueille vingt fois plus d’argent grâce aux plates-formes de crowdfunding que chez nous. Pourquoi? Et que peut-on y faire?

Qui pense crowdfunding en Belgique, pense spontanément startups: de jeunes entrepreneurs qui cherchent de l’argent pour créer une entreprise. Mais ce n’est là qu’un type de crowdfunding, de surcroît particulièrement risqué. Des statistiques dans le domaine du capital-risque, il apparaît qu’en moyenne, une à deux startups sur dix devien(nen)t des entreprises à succès. Comprenez: vous avez une à deux chance(s) sur dix de revoir votre argent.

Même si le Belge n’est pas enthousiaste vis-à-vis de ce type de crowdfunding pour startups, notre modèle y est basé. La loi est non seulement complexe, mais elle est aussi conçue pour protéger les citoyens contre les trop grands risques. L’investissement ne peut dépasser 1.000 euros par personne, et par projet, l’on a fixé un plafond de 50.000 euros. Pour des montants supérieurs à 300.000 euros, il faut prévoir un prospectus. C’est évidemment nécessaire, mais cela ne ferme pas la porte à bien d’autres types de crowdfunding.

Est-ce que cela signifie que tous les Néerlandais sont des capital-risqueurs? Non. La majeure partie de l’argent récolté via les plates-formes de financement participatif se compose de prêts accordés à des entreprises existantes, un investissement nettement moins risqué. Généralement, il s’agit de PME assez modestes installées dans la région et recherchant du crédit pour financer leur stock saisonnier. Pour ce genre de fond de roulement, elles s’adressent à des sites tels geldvoorelkaar.nl.

Ces prêts participatifs sont moins chers que dans les banques – où l’on demande parfois jusqu’à 10 pour cent d’intérêt – et sont accessibles à tout un chacun. Les banques refusent des prêts en raison de certains ratios sur le bilan. Mais sur ces plates-formes alternatives, les entreprises peuvent récolter des fonds.

Adapter le modèle

Si l’on veut qu’il y ait des plates-formes de crowdfunding plus fructueuses en Belgique, il faut adapter notre modèle. D’une part, il faut abaisser les seuils d’accès, afin de permettre chez nous aussi les prêts participatifs néerlandais. Une réglementation transparente et simplifiée pourrait déjà faire évoluer les choses.

D’autre part, il convient de répartir les risques autant que possible. Car même si tous les Néerlandais ne sont pas des capital-risqueurs, ils prennent néanmoins sensiblement plus de risques que nous. On l’observe très clairement au commerce de produits dérivés chez les clients de la vente au détail. Aux Pays-Bas, il représente une partie substantielle de l’ensemble des opérations d’investissement, alors que chez nous, il est quasiment inexistant. Le Belge préfère la sécurité. Il faut donc rechercher des alternatives, pour le rassurer.

La banque comme intermédiaire

C’est précisément pourquoi il existe ici en Belgique une formidable opportunité pour les banques. Celles-ci peuvent jouer un rôle en vue grâce à leur facteur confiance et ce, tant au niveau des prêts participatifs pour les entreprises en place qu’à celui du financement participatif à risque pour les startups.

Si en raison du ratio sur bilan évoqué ci-avant, une entreprise n’obtient pas un prêt auprès de la banque, cette dernière peut orienter son client vers une ‘organisation soeur’, une plate-forme de crowdfunding de la banque, sur laquelle elle aura une modeste commission. Ce faisant, l’investisseur sera quelque peu plus rassuré – c’est la banque qui renvoie en effet vers la plate-forme -, et l’entreprise obtiendra quand même son prêt participatif.

Pour les startups, la banque peut assumer encore plus intensément son rôle d’intermédiaire. Elle peut par exemple appliquer les principes d’un fonds d’investissement sur le crowdfunding et donc regrouper plusieurs startups dans un même fonds. De cette façon, l’investisseur n’est pas poussé vers le ‘tout ou rien’, tout en insufflant à moindre coût de l’oxygène dans l’économie.

La révolution internet, les médias sociaux et la globalisation offrent aux entrepreneurs des opportunités pour faire savoir de manière nettement plus simple et économique qu’ils recherchent du financement. Le crowdfunding peut faire souffler un vent frais dans notre climat d’investissement et veiller à ce que les Belges tirent un meilleur rendement de leur argent. Il est temps que les banques assument leur rôle d’intermédiaire, revoient leur modèle commercial et examinent comment le crowdfunding peut s’y intégrer.

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