Kristof Van der Stadt

Le virage des tech bros

Kristof Van der Stadt Rédacteur en chef chez Data News

Il y a des images iconiques. Copain, copain, prenant la pose aux 1er et 2e rangs, ils rayonnaient. Les leaders de la big tech dont Elon Musk, Mark Zuckerberg, Sundar Pichai et Jeff Bezos ont joué les premiers rôles lors de la prise de pouvoir de Donald Trump. Tout sourire, seul Zuckerberg gardait quelque peu ses distances. Même s’il deviendra viral sur son réseau social et d’autres. Non pas pour son signe hitlérien en fait, mais pour son regard appuyé dans le décolleté de l’amie de Bezos : la seule femme dans l’assemblée de techies qui, sur les mêmes réseaux sociaux, ont été longuement critiqués pour le manque de classe de leurs vêtements.

© Getty Images

Voilà qui en dit déjà long en soi, même s’il ne faudrait pas oublier que ces porte-drapeaux des techs ont en fait acheté leur place. Il est frappant de constater à quelle vitesse ces égéries de la tech se sont ralliés derrière le président réélu. Une sorte d’assujettissement public tout bonnement scandaleux. Exit les principes d’autrefois, in with the new. Le revirement de Musk a été opéré voici bien longtemps déjà : ses donations de plus de 250 millions $ pour la campagne de Trump lui ont permis d’être nommé co-responsable du Department of Government Effeciency (DOGE). Après quoi les autres leaders de la tech ont aussi viré de bord. Zuckerberg : à l’époque menacé par Trump de bannissement à vie s’il s’occupait des élections de 2024. Trump qui considérait la vérification des faits sur Facebook comme ridicule. Or désormais, Zuck n’y voit plus vraiment une priorité. Quelques commentaires d’utilisateurs – les ‘community notes’ comme on les appelle non sans une certaine ironie sur X – devront suffire. Zuck s’est d’ailleurs fendu d’un chèque de 1 million $ pour les frais d’investiture.

Passons à présent à un autre broligarque. Bezos a également fait don de 1 million $. Avant les élections, le patron d’Amazon ET propriétaire du Washington Post avait déjà retiré son soutien à l’équipe de Kamala Harris. Désormais, il espère que son entreprise spatiale Blue Origin bénéficiera d’un coup de pouce.
Et encore 1 million $ du CEO d’Alphabet, Sundar Pichai. ‘Son’ Google est sous le feu des critiques de certains républicains pour sa gestion de modération des contenus. Alphabet est par ailleurs impliquée dans deux procès antitrust aux USA que Pichai entend bien torpiller. Mais à l’instar de ses collègues broligarques, il mise sur des contrats publics et l’espoir de voir sa stratégie en IA se concrétiser.

Il est frappant de constater à quelle vitesse ces égéries de la tech se sont ralliés derrière le président réélu. Exit les principes d’autrefois, in with the new

Et puisqu’il est question d’IA, le patron d’OpenAI, Sam Altman, était de la partie, mais davantage en arrière-plan. Pourtant, il avait aussi fait un don de 1 million $. Grand absent : Satya Nadella. Mais ne vous méprenez pas : le CEO de Microsoft avait aussi émis un chèque de 1 million $ et évoquait déjà les investissements en IA avec le président. Et n’oublions pas les autres invités prestigieux qu’étaient le CEO d’Apple, Tim Cook, le CEO de TikTok, Shou Zi Chew, et le CEO d’Uber, Dara Khosrowshahi, qui avaient aussi – eh oui – mis chacun aussi 1 million $ sur la table.

Comme quoi la tech a le bras long au pays de l’Oncle Sam qui ne peut désormais plus rien lui refuser. L’intérêt particulier face à l’intérêt général ? L’argent face aux principes ? Et l’allégeance ne se limite pas à l’argent. Il est question de revirement de la politique. De remise en cause de droits acquis et de l’instauration de nouvelles obligations. L’abandon de la modération sur les réseaux sociaux, le refus de combattre les fausses nouvelles ainsi que l’arrêt de programmes de DEI. Trump ne veut plus entendre parler de discrimination positive des genres et de programmes de diversité et d’inclusion, faisant pression sur les entreprises. Et nombre d’entre elles aux USA ont bel et bien renoncé à leur politique en faveur des minorités. Or ces multinationales américaines vont peut-être opter pour une politique cohérente, ce qui risque de freiner la stratégie européenne en matière de diversité. « Nous entrons dans une ère trumpienne et devons choisir si nous allons y adhérer », soupirait récemment le dirigeant de l’une des plus grandes sociétés IT. Le moment est venu pour nos entreprises de monter au créneau et de montrer qu’elles croient en l’utilité de programmes de DEI et qu’elles s’y tiendront. Elles ont en tout cas notre soutien.

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