Wietse Vanpoucke
Le potentiel des applications médicales risque de s’eroder en Belgique
Le marché des applications mobiles de santé, et plus particulièrement des applications médicales, connaît une croissance importante en Belgique. Aujourd’hui, il existe par exemple une application qui permet de détecter un cancer de la peau, ou encore une application équipée d’un capteur qui mesure votre taux de glucose. Plusieurs études scientifiques montrent que ces outils numériques peuvent offrir un potentiel énorme pour des conditions telles que le diabète, le sevrage tabagique, les maladies chroniques, le cancer, les maladies cardiaques ou l’asthme. Dans le contexte de la lutte contre le cancer, par exemple, il a déjà été démontré qu’ils peuvent réduire le nombre d’admissions à l’hôpital et sauver des vies. Pourtant, plusieurs obstacles juridiques (et sociétaux) empêchent aujourd’hui l’adoption d’applications médicales en Belgique, ce qui fait que leur potentiel est à peine exploité. En fait, de plus en plus d’entreprises Belges optent pour commercialiser leurs applications médicales dans d’autres pays. La Belgique risque ainsi d’être distancée dans la course à l’innovation, au détriment des patients.
La procédure de remboursement des applications médicales
Le principal obstacle juridique est la procédure de remboursement des applications médicales. Comme pour les médicaments, l’accès au remboursement est crucial pour que les entreprises puissent commercialiser ces applications. En effet, le coût d’utilisation d’une application médicale est ainsi partiellement ou totalement remboursé par le gouvernement, ce qui signifie que les patients ne déboursent rien – ou seulement un montant nominal – pour utiliser l’application en question. Les applications médicales sont ainsi accessibles à tous ceux qui en ont besoin.
Bien que cette procédure de remboursement ait été révisée en octobre 2023, elle reste très longue par rapport à nos pays voisins : alors que d’autres pays n’ont besoin que de quelques mois, en Belgique, la procédure prend au mieux un an, ce qui freine d’autant l’accès à l’innovation.
La procédure n’est pas suffisamment transparente
Par ailleurs, la procédure n’est pas suffisamment transparente. En effet, comme c’est le cas pour le remboursement des médicaments, les entreprises doivent prouver le rapport coût-efficacité (’L’application médicale a-t-elle un bon rapport qualité-prix ?’) avant de pouvoir prétendre à un remboursement. Bien que cela ne doit pas forcément être démontré selon les mêmes conditions strictes que celles qui s’appliquent aux médicaments, les études cliniques à long terme coûtent généralement des millions, ce qui rend le seuil de soumission d’un dossier de remboursement très élevé (en particulier pour les start-ups). De plus, la réalisation d’études coûteuses ne garantit pas l’obtention d’un remboursement.
Enfin, la procédure de remboursement révisée prévoit la possibilité d’un remboursement temporaire si l’application médicale offre une ‘grande valeur ajoutée’. Mais là encore, la transparence n’est pas au rendez-vous, et les entreprises ne savent pas quels sont les critères sur lesquels les autorités se basent pour déterminer cette valeur ajoutée.
Ces obstacles font aucune application médicale n’a été entièrement remboursée jusqu’à aujourd’hui en Belgique. Une révision de la procédure de remboursement aura lieu en octobre 2024, un an après son entrée en vigueur. C’est l’occasion pour le gouvernement d’aligner cette procédure avec la réalité, et de tirer parti du système de remboursement temporaire en établissant des conditions claires et transparentes. Les entreprises qui remplissent ces conditions auront ainsi la possibilité de démontrer leur rentabilité au cours d’une période d’essai définie. Grâce à l’expérience acquise, elles pourront évaluer si l’application médicale en question est réellement utile et rentable.
Le fait de se concentrer sur le système de remboursement temporaire basé sur une période d’essai permet d’éviter les procédures fastidieuses dans un secteur qui évolue rapidement. Les entreprises ambitieuses en pleine croissance ne courent ainsi pas le risque de devoir d’abord investir massivement dans des essais à grande échelle pour finir par ne pas obtenir un remboursement. Et en facilitant l’adoption des applications médicales, la Belgique peut se positionner comme moteur d’innovation et exploiter pleinement son vaste potentiel.
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