Kristof Van der Stadt

Je vous souhaite une excellente année nouvelle, sans ‘AI-slop’

Kristof Van der Stadt Rédacteur en chef chez Data News

Internet a toujours été un lieu de rencontres: d’idées, d’opinions, d’actualités, de photos et de vidéos amusantes. Mais plus que jamais aussi de bric-à-brac mieux connu sous l’appellation AI-slop (bouillie d’IA). Ne serait-il pas temps d’effectuer un grand nettoyage numérique en 2026?

Si j’avais pu choisir le mot de l’année, j’aurais opté pour ‘AI-slop’. Au dix-huitième siècle, ‘slop’ désignait la boue de l’égout, puis ce qu’on donnait à manger aux cochons sous forme de bouillie. Slop, littéralement ‘déchet liquide’, résume parfaitement ce qui s’est passé en 2025 sur internet. Non pas une brillante percée d’une super-intelligence artificielle dont certains CEO et investisseurs rêvaient, mais un tsunami de choses (très) ordinaires, médiocres, souvent même erronées submergeant les algorithmes et détériorant radicalement le rapport signal-bruit d’internet. Cela ne représente pas un progrès, mais une pollution. Ou comment l’IA a cette année encore dégradé notre internet à tous en une décharge numérique. Le genre à continuer à avoir de réels impacts négatifs sur notre climat avec son énorme consommation d’énergie et d’eau. Une véritable pollution pour générer quoi? Du pur bric-à-brac numérique.

N’importe qui peut utiliser l’IA aujourd’hui, mais tout le monde n’est pas capable de réfléchir. La technologie offre de la vitesse, mais pas de profondeur. Plus de rendement, mais pas forcément meilleur. Plus de contenu, mais de plus en plus dénué de sens. C’est une forme plus récente de spam: un excès de bruit dans lequel le journalisme de qualité, la rigueur académique et la véritable expertise humaine se noient. Le fait que notre langue évolue ainsi vers des textes plus génériques, souvent complètement secs, n’est même pas le problème majeur. Tout cet IA-slop touche au cœur notre confiance dans l’information. Qu’est-ce qui est encore vrai? Qu’est-ce qui reste une opinion réelle? Une vraie photo? Une vraie vidéo amusante? L’IA peut assumer certaines tâches de votre flux de travail, mais cela ne signifie pas qu’elle peut vous remplacer ou qu’elle est un vrai substitut au jugement humain. Cela aussi illustre 2025 d’ailleurs: de plus en plus d’études affirment que notre dépendance croissante à l’IA peut affecter nos compétences critiques – et que cela se produit plus rapidement que nous ne le pensons. Mais en général, cela ne nous empêche pas vraiment de trouver le sommeil. Réflexion personnelle, talent propre et citations inspirantes de leadership sur LinkedIn? Nous laissons tout cela aussi à l’IA. La quantité de déchets sur LinkedIn – ce réseau d’affaires où l’authenticité surtout devrait faire la différence – est scandaleuse.

Bien sûr, il est tentant de croire que la technologie signifie inévitablement du progrès. Au fait, je vis moi-même assez longtemps dans ce monde technologique pour me qualifier de fan de tech, mais aussi d’esprit critique. Parce que le progrès sans qualité, c’est principalement une régression déguisée. Ce que nous avons observé en 2025, fut en partie une nouvelle percée technologique, mais surtout aussi une explosion de battage médiatique qui menace de saper le contenu d’internet et de mettre de plus en plus sous pression notre capacité collective à discerner les informations pertinentes et fiables. Selon moi, la limite critique a été atteinte à présent que les moteurs de recherche et les plateformes de réseaux sociaux eux-mêmes sont pollués par la production des modèles qu’ils tentent de promouvoir. Je ne peux mieux le décrire que comme une sorte de consanguinité numérique dans laquelle des modèles d’IA sont formés sur le contenu synthétique de leurs prédécesseurs.

Au sein de notre famille, ce sont souvent mon fils et ma fille qui nous font savoir à mon épouse ou à moi que telle chose a été générée par l’IA. Ils sont nettement mieux formés à détecter l’AI-slop que nous et s’en offusquent même fortement. Ce n’est pas là une preuve empirique suffisante pour toute une génération, mais cela me montre bien que l’AI-slop constitue à tout le moins un problème, y compris dans ‘leurs’ canaux à la TikTok et Instagram. La semaine dernière, mon fils de 16 ans s’est surpris à être lui-même tombé dans le piège de l’AI-slop en prenant quelque chose (d’inoffensif heureusement) pour vrai. Il m’apparut à juste titre déçu de lui-même. Comme s’il se rendait soudainement compte de ce que peut parfois ressentir un ‘boomer’, lorsqu’il s’aperçoit que la vidéo amusante réalisée par une caméra nocturne d’animaux sauvages en extérieur a été purement générée par l’IA.

Ne vous méprenez pas: je suis encore et toujours intimement convaincu que l’IA représente un point-charnière. Il s’agit là de l’importante nouvelle vague technologique qui va changer fondamentalement la gestion de l’entreprise et, partant, de notre société: une évolution irréversible. Mais aujourd’hui, nous sommes coincés par cette vague de contenus sans âme, ce flot ininterrompu de photos générées et de fausses vidéos de plus en plus difficiles à distinguer des vraies. Est-ce pour cela que l’IA a été inventée? Le problème fondamental de l’AI-slop n’est pas seulement que la qualité est médiocre, mais qu’elle alimente une illusion de productivité qui, en réalité, freine l’innovation. Les dirigeants d’entreprise regardent les chiffres et constatent une explosion de contenus, mais ils oublient qu’un volume plus élevé de médiocrité ne fait qu’éroder la valeur d’une véritable expertise. Tout cet AI-slop est-il le résultat de ce que représente l’innovation IA? Non, bien sûr que non. Mais les grandes entreprises technologiques ne vont pas faire marche arrière. Au contraire, pourquoi le feraient-elles? Pour elles, ce qui compte, c’est continuer sans cesse à stimuler l’utilisation, à recruter du personnel supplémentaire et à se concentrer sur la fidélisation des clients existants (pour y associer des modèles de revenus sous-jacents). Pour moi, cette ‘shittification’ de nos informations et de notre divertissement n’est essentiellement pas un sous-produit du progrès technologique. Non, c’est un choix conscient que nous avons tous fait de mettre la quantité au-dessus de la qualité en 2025.

En 2026, il faudra nous débarrasser de cette fascination pour la rapidité avec laquelle l’IA peut générer tous ces contenus, et retrouver leur valeur intrinsèque. La véritable innovation de l’année à venir ne résidera pas dans le fait de publier encore plus rapidement des articles de blog génériques, mais plutôt dans le développement de filtres et de normes qui élèveront à nouveau la voix humaine par-dessus le bruit digital. Si nous ne le faisons pas, nous risquons d’avoir un internet certes infiniment vaste, mais dans lequel aucun mot ne signifie vraiment quoi que ce soit.

Donc, si nous le voulons vraiment, nous devons reprendre internet en main et agir collectivement. Lorsque nous entrerons en 2026, nous devrons avoir le courage de balayer notre écurie numérique remplie de boues synthétiques.

Alors, qu’en pensez-vous, allons-nous lutter contre l’AI-slop en 2026? Devons-nous en faire une résolution collective pour l’année nouvelle? En plus de perdre du poids, d’arrêter de fumer, de boire moins, de retourner à la salle de sport et de manger plus sainement: produire aussi moins de bric-à-brac? Un nettoyage numérique? Remettre la qualité au-dessus de la quantité? Ou suis-je après tout davantage ‘boomer’ que je ne le pensais?

Quoi qu’il en soit, je vous souhaite à tous une excellente année 2026: tant en ligne que hors ligne.

Votre serviteur tech,

Kristof Van der Stadt

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