Alexander Maertens
Il vaut mieux sortir une startup technologique hors de Belgique
Récemment, Data News a publié sur son site web une opinion de Cedric Deweeck, dans laquelle il argumente qu’il est tout aussi intéressant de créer une startup technologique en Belgique. Bien que je sois un fan de Cedric et de ce qu’il veut atteindre avec Slide.li, je voudrais ici nuancer quelque peu son point de vue.
Récemment, Data News a publié sur son site web une opinion de Cedric Deweeck, dans laquelle il argumente qu’il est tout aussi intéressant de créer une startup technologique en Belgique. Bien que je sois un fan de Cedric et de ce qu’il veut atteindre avec Slide.li, je voudrais ici nuancer quelque peu son point de vue.
C’est possible, mais tel ne doit pas nécessairement être le cas
Il est évident que l’on peut créer une startup ici. Beaucoup de Belges l’ont déjà démontré en suffisance. Mais si des options s’offrent à vous, pourquoi choisir la pire? Dans mon raisonnement, je compare le pays où un entrepreneur veut s’installer avec un fournisseur de cette entreprise. Vous payez certains services, comme un cadre légal et des avantages spécifiques, dont quelqu’un ayant le statut d’indépendant peut bénéficier.
Sous un angle purement objectif, la Belgique est un fournisseur nettement trop coûteux par rapport à l’étranger. Je ne vais pas m’approfondir trop sur ces coûts sous peine de m’éterniser. Il existe en effet des tas d’exemples, mais le plus évident est la création d’une société. Si vous voulez en Belgique bénéficier d’une protection au cas où quelque chose tournerait mal, optez pour une S.A.R.L. (pas personnellement responsable).
Pour cela, vous devez d’abord déjà disposer d’un capital de départ de 12.400 euros, ce qui est impensable pour la plupart des débutants.
Ensuite, il y a les frais de notaire et les autres “petits” coûts qui se montent vite à 1.500 – 2.000 euros. Ces premiers 12.400 euros, vous les retrouvez à votre disposition après la fondation, mais vous devez quand même pouvoir les sortir. Les créateurs qui veulent débuter de rien et sans investisseurs, sont donc déjà dans les problèmes, avant même de pouvoir vraiment entreprendre.
C’est comparable à la création d’une LTD en Grande-Bretagne par exemple: 500 euros si vous travaillez avec des intermédiaires reconnus et vous disposez de votre LTD le jour même, alors qu’ici, vous devez attendre quelque temps, avant que la greffe ait acté les statuts de votre S.A.R.L.
Ce n’est pas SOIT San Francisco SOIT la Belgique
Dans le débat sur l’endroit idéal pour créer une startup technologique, l’on fait trop référence à San Francisco. Et je rejoins entièrement Cedric, lorsqu’il déclare en avoir assez que l’on glorifie SF comme LA place rêvée pour les startups. Mais un entrepreneur avec un peu de vision sait parfaitement que l’on y aboutit dans une ville d’entrepreneurs où l’on n’est qu’un numéro parmi tant d’autres.
Qui plus est, San Francisco n’est pas une bonne idée pour de nombreux concepts. La Belgique n’est cependant pas une alternative plus valable. Quiconque crée une startup ciblant le monde des entreprises préférera par exemple Boston ou New York (plus proche des clients potentiels).
Dans son opinion, Cedric évoque une seule fois le fait qu’il est préférable de rester en Europe. Mais c’est déjà un tout autre point de vue que de se limiter à la Belgique. Ici aussi, je pense comme lui. Londres et Berlin sont de véritables ruches et offrent de meilleures ‘conditions’.
Ce n’est pas le bon débat à avoir
Ce que je remarque dans l’opinion de Cedric – et dans beaucoup de débats sur ce sujet -, c’est que l’on envisage surtout l’atmosphère, l’endroit où se trouvent les clients et la possibilité de trouver des investisseurs.
Abordons d’abord l’atmosphère. San Fransisco est un environnement qui inspire, et il y règne une ambiance d’entreprenariat motivante. L’entrepreneur qui y base ses décisions, fait toutefois fausse route.
La mentalité en Belgique peut s’améliorer, et c’est ce qu’elle est en train de faire, mais là n’est pas l’essentiel. Pour la motivation et le dynamisme, vous devez y veiller vous-même, et vous entourer de personnes que vous rechercherez ici aussi.
L’endroit où se trouvent les clients: voilà déjà un argument plus fort. En effet, il ne faut pas nécessairement se rendre dans la Silicon Valley pour dénicher des clients, si vous ciblez les entreprises. Vous en trouverez tout aussi rapidement en Belgique. Des startups comme Engagor et Octopin le prouvent. Mais dans ce cas, vous devrez accepter de consacrer une grande partie de votre budget aux voyages.
Pour une startup B2C, l’aspect géographique est déjà certainement moins important, même si cela peut aider au niveau des ventes que les gens voient que vous êtes établi dans une assez grande ville américaine. Cela crée la confiance surtout chez les Américains (formant quand même un grand groupe-cible). Mais alors, cela revient à positionner votre produit de manière suffisamment ingénieuse.
Enfin, il y a les investisseurs. C’est vrai que l’on en trouve en Belgique aussi. Des capital-risqueurs viennent s’ajouter, et de grandes instances accordent davantage d’attention à l’importance et aux opportunités des startups. Voilà la bonne nouvelle, mais il y a les actions…
Si vous vendez en Belgique 51% de vos actions, vous n’êtes plus propriétaire, aux termes de la loi, et vous ne pouvez plus décider vous-même du sort de votre entreprise. Aux Etats-Unis, même si vous ne possédez plus qu’1% des actions, aussi longtemps que vous garantissez contractuellement votre position, vous restez le patron. Vous pouvez résoudre le problème en passant des accords avec vos investisseurs, mais c’est nettement plus compliqué de vous couvrir.
Et nous en arrivons ainsi à ce qui est pour moi l’essence même du débat: le volet technique de l’entreprenariat.
Créez donc une société en Belgique
Je peux comprendre que les inconvénients d’entreprendre en Belgique ne sont pas aussi sensibles pour quelqu’un qui n’a pas encore vraiment décidé de créer une société. Car ce n’est qu’alors que le petit jeu commence.
Un exemple tout simple: je paie à la commune de Koksijde quasiment 200 euros de “taxe environnementale” en tant qu’entreprise. Mais je travaille chez moi et ne fournis que des services. Je me demande donc en quoi je pollue davantage le milieu qu’un particulier. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, pour vous démontrer combien cela coûte cher d’entreprendre en Belgique avec tous ces “coûts cachés”.
Avant que vous puissiez mettre dans votre poche une partie de votre chiffre d’affaires, vous devez en verser plus de la moitié. C’est trop. Du moins pour un débutant qui opère avec des frais minima. Approfondir ce point me conduirait trop loin, mais Jonas Van De Steene a déjà répertorié tous les coûts qui incombent à un indépendant en profession secondaire. Pour l’indépendant en profession principale, ces frais sont encore multipliés.
Et nous n’avons pas encore parlé de la paperasserie et du temps que l’on perd à la remplir. Au fait, n’avons-nous déjà pas eu un ministre de la simplification? Que lui est-il donc arrivé?
L’échec est mortel en Belgique
Nous n’aimons pas en parler et pourtant, cela fait partie de la réalité. Tous les entrepreneurs ne réussissent pas dans leur action. Chaque mois, des milliers d’entre eux échouent. Rien qu’en Belgique… des milliers par mois… Echouer en Belgique, c’est pire que de commettre un délit, et je parle ici par expérience personnelle.
Attention: quand je parle d’échec, je ne veux pas encore dire la faillite. Moi-même, l’on ne m’a pas encore déclaré en faillite, mais mon premier concept (‘motivation store’) a échoué. Conséquence: mon prêt s’est transformé en une dette à 16% d’intérêt, et chaque créancier, si ‘petit’ soit le montant, fait directement appel à un huissier.
Cela m’est assez souvent déjà arrivé de payer le quadruple de la dette initiale, alors qu’un an à peine s’est écoulé. Récemment encore, j’ai reçu un courrier d’un huissier. Montant principal: 240 euros, total à payer 980 euros. La raison? Tous des frais supplémentaires de huissier.
Une autre conséquence peut par exemple être que votre comptable cesse ses activités, parce que vous ne pouvez pas le payer à temps. Il en résulte qu’aucune déclaration de TVA n’est plus faite.
Que fait alors le bureau de contrôle de la TVA? Il vous impose une amende 5.000 euros. Et il le fait intelligemment. Sur une déclaration de TVA, vous indiquez tant vos rentrées que votre liste de clients. Le bureau de TVA considère cela comme deux éléments séparés pour lesquels vous payez à chaque fois 2.500 euros.
Voici à quoi ressemblait le contenu de leur courrier:
• Montant principal: 249 euros
• Amende proportionnelle: 30 euros
• Amende non-proportionnelle: 2.200 euros
Fin de l’explication.
En tant qu’entrepreneur qui envisage l’avenir, je veux évidemment tout payer et me mettre en ordre, comme le souhaite tout un chacun ayant de bonnes intentions. Mais restons humains et cherchons des solutions réalistes. Non pas en punissant davantage les gens de manière aveugle.
Je n’ai pas besoin de milliards de soutien public. Je n’ai même besoin de rien. Simplement du temps et de l’espace pour travailler. Perdre chaque semaine un jour de travail complet en paperasseries/parlotes n’aide personne à progresser.
Conclusion
La scène des startups proprement dite n’est pas le problème en Belgique, ni la mentalité d’entreprendre, ni le capital. Le problème, c’est le cadre entourant l’entreprenariat. Un manque de transparence et de connaissance des choses.
Le fait que nous n’ayons quasiment pas de pension et absolument aucun filet de sécurité sociale (malgré que nous payons chaque année quasiment 3.000 euros de cotisation sociale en tant que petit entrepreneur), ne me gêne pas encore tellement. Par contre, je dénonce le comportement de vampire de la part des autorités vis-à-vis des entrepreneurs.
Mon conseil? Examinez en détail le coût d’une entreprise en Belgique et prenez alors votre décision. Personnellement, je me prépare déjà à déménager mes activités à l’étranger.
Ce texte a été publié à l’origine sur Bloovi.
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