“Vous ne gagnerez pas la guerre des talents en irritant les gens”
Les CIO font face à une opportunité extraordinaire de doter l’ensemble des collaborateurs de la technologie appropriée. Mais dans le même temps, ils doivent investir dans des technologies très médiatisées.
Dans pratiquement toutes les zones géographiques et pour pratiquement tous les secteurs et les profils, Gartner anticipe une demande croissante soutenue pour des talents, mais aussi des cycles de recrutement plus longs. “Actuellement, recruter est difficile partout, mais conserver en interne les compétences technologiques nécessaires se révèle plus complexe encore”, estimait Mary Mesaglio, managing vice president de Gartner à l’occasion du récent Gartner IT Symposium de Barcelone.
Mais dans le même temps, Mesaglio y voit plus que jamais une opportunité pour les CIO. “L’IT se situe à l’épicentre de la solution. Du fait de la pandémie, les travailleurs où qu’ils soient dans le monde se sont formés aux compétences numériques nécessaires et ont également réclamé de meilleures technologies. En Europe, 72% de l’ensemble des travailleurs affirment que la technologie numérique est essentielle à leurs yeux pour mener à bien leurs tâches. Et 62% disent même que l’amélioration de leurs compétences numériques est importante pour réussir.”
Du recrutement et de la rétention aux prestations
Selon les analystes de Gartner, la technologie joue un rôle toujours plus important pour rendre les collaborateurs, et par conséquent l’ensemble de l’entreprise, plus efficace. Mais tout commence par le recrutement. “Nous avons mené une enquête auprès de personnes à la recherche d’un emploi. Et que ressort-il? Que pour 29% d’entre eux, un logiciel, une plateforme ou un site de sollicitation irritant ou fastidieux est une raison suffisante pour arrêter simplement l’ensemble du processus de sollicitation. Par ailleurs, 18% refusent même une proposition d’emploi concrète si la technologie se révèle agaçante et 13% rédigent même un avis négatif sur l’entreprise.”
Mais les problèmes ne se limitent pas au recrutement. “Au niveau des collaborateurs qui disposent d’une bonne expérience des applis d’entreprise, la chance est deux fois plus grande qu’ils restent dans l’organisation. Il s’agit là d’un impact que l’on ne peut pas négliger”, ajoute Mesaglio.
De même, les prestations proprement dites des collaborateurs s’améliorent, toujours selon l’enquête de Gartner, si ceux-ci disposent des outils techniques adéquats. Les collaborateurs qui ont tout ce dont ils ont besoin se sentent moins fatigués (17%), ont davantage envie de rester dans l’entreprise (25%) et prestent mieux (21%).
“Malheureusement, en Europe occidentale, seuls 24% des collaborateurs estiment disposer effectivement de toute la technologie nécessaire pour travailler de manière efficace. Vous ne gagnerez pas la guerre des talents en irritant les gens avec la technologie. Mais cela signifie surtout qu’une opportunité extraordinaire se présente pour les CIO de faire la différence”, estime Mesaglio. Ou comment renforcer votre personnel en déployant la bonne technologie et créer ainsi un environnement de travail où les gens apprécient de travailler, ce qui est plus que jamais important dans cette guerre des talents.
Supprimez les frictions
Le consultant de Gartner avance également trois conseils pratiques permettant au CIO d’accélérer l’avancée des choses. Tout d’abord, il est important selon Mesaglio de supprimer les frictions dans le travail. “Les frictions sont le grain de sable dans la chaîne de vélo. Le moindre grain peut faire la différence entre escalader une côte et devoir s’arrêter. Eh bien, il en va de même dans le travail. La ‘work friction’ est le moment où le travail devient inutilement compliqué. Or cette friction, vous n’en voulez pas dans votre entreprise. Dans de nombreux cas, vos collaborateurs sont déjà épuisés à la suite de la dernière crise et ne pourront surmonter cette irritation supplémentaire. Plus les points de friction sont nombreux dans votre organisation, plus le risque est élevé de voir vos collaborateurs quitter l’entreprise: jusqu’à 35%. C’est donc le bon moment d’identifier tous les points de friction puis de les éliminer. Précisons qu’il ne s’agit pas de supprimer des emplois, mais d’éliminer le travail inutilement complexe et le travail que personne ne veut vraiment faire. Investissez dans des outils et des compétences numériques pour y parvenir. Ce faisant, vous pourrez redonner à vos collaborateurs l’énergie nécessaire et les libérer afin qu’ils soient plus performants et plus heureux”, est le conseil sans ambiguïté.
Investissez dans l’augmentation IA
L’augmentation IA est susceptible d’élargir la portée du travail de vos collaborateurs. “Nous devons apprendre à nous focaliser sur l’impact car les travailleurs en ont assez des contraintes de productivité toujours plus fortes qui leur sont imposées dans leur processus de créativité. Ici également, la technologie peut apporter une réponse et aider les collaborateurs à avoir réellement de l’impact”, estime Mesaglio.
“Par augmentation IA, nous entendons la mise en oeuvre d’une combinaison de technologie d’intelligence artificielle, comme la vision par ordinateur, la reconnaissance d’images et de texte ou encore l’apprentissage machine. Cela renforce l’impact d’un seul collaborateur, ce que l’on constate quel que soit le secteur concerné. Dans la santé par exemple. En soi, l’IA ne va pas remplacer le médecin. Mais le médecin qui s’appuie sur l’IA va bel et bien remplacer le médecin qui n’utilise pas l’IA. L’emploi de demain sera ‘IA-enabled’, prévoit encore l’analyste.
Tester la mode du moment
“Investissez dans de la tech ultra-visible et ultra-tendance.” Eh oui, nous avons bel et bien entendu de tels conseils, même écrits noir sur blanc sur un transparent. Un peu étonnant dans le chef de Gartner qui, en temps normal, avertit constamment les CIO, dans le cadre de graphiques de ‘hype cycle’, sur les risques liés aux nouvelles technologiques très en vogue. Vous savez, ces graphiques qui évoquent les notions de peak of inflated expectations, de trough of disillusionment et de slope of enlightenment. “Certes, cela peut surprendre, reconnaît Mesaglio, certainement dans un contexte économique baissier, mais permettez-moi d’expliquer pourquoi il convient quand même d’investir dans une technologie dont les risques d’échec sont réels.”
“Les organisations qui investissent lors de périodes économiques difficiles restent en tête du peloton. Les organisations qui investissent ouvertement attirent les meilleurs profils. Et c’est important, car en tant qu’organisation, vous avez toujours un problème de talents”, explique Mesaglio.
Et de prendre un exemple. “Avez-vous déjà envisagé d’investir dans un intravers? Il s’agit d’un concept émergent de bureau virtuel qui intègre la technologie du métavers pour rassembler les collaborateurs dans une réunion immersive afin de leur permettre de collaborer et d’innover. Oui, le terme est tombé: métavers. Et non, nous ne sommes pas dans l’effet de mode: le métavers va s’imposer. Certes, il est encore un peu tôt, mais il est important de ne pas tarder. Imaginez ce que penseraient vos collaborateurs si vous investissiez même timidement dans ce type de nouvelle technologie immersive et que vous leur laissiez la possibilité de l’expérimenter pour voir l’impact qu’elle pourrait avoir.”
“Il faut en moyenne entre 5 et 10 ans avant qu’une technologie ne se généralise. Si vous investissez tôt dans une nouvelle technologie, vous attirez ces jeunes loups qui veulent être aux avant-postes”, conclut Mesaglio.
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