Oui, la pression est (trop) forte
L’informaticien belge ressent une forte pression au travail. Il travaille davantage que ce qui est prévu dans son contrat, voire le week-end et durant les vacances.
Les chiffres ne mentent pas: la situation est difficile dans le secteur IT belge. Près de 8 informaticiens sur 10 confirment qu’il est compliqué aujourd’hui d’attirer de nouveaux collègues. Et certes, il existe bien d’autres métiers en pénurie, mais les informaticiens semblent encore plus difficiles à trouver. Bref, l’informaticien est protégé. Seule une très petite minorité se fait du souci pour son emploi ou pour l’avenir du secteur IT en général. Au contraire, les recruteurs abordent activement les informaticiens. Ce qui met les RH devant un double défi: non seulement s’inquiéter des recrutements, mais aussi de la rétention du personnel IT.
Non seulement la situation est difficile dans le secteur IT belge, mais selon l’enquête Salaires de Data News, cette situation est même souvent très délicate. Près de 9 informaticiens sur 10 font état d’une trop forte pression au travail (figure 2). Par ailleurs, 56% ressentent ‘parfois’ cette pression et 23% ‘régulièrement’. Un constat d’autant plus alarmant que 1 informaticien sur 10 est ‘continuellement’ sous pression. “Cela ne m’étonne nullement, commente Kris Poté, VP de Capgemini. La demande de services IT est gigantesque et les informaticiens sont difficiles à trouver. Chacun pêche dans le même vivier. Or non seulement il n’y a plus de poisson, mais je me demande s’il y a même encore toujours de l’eau.”
Chacun pêche dans le même vivier. Or, non seulement il n’y a plus de poissons mais je me demande s’il y a encore toujours de l’eau
Gestion du travail
Certes, le phénomène n’est pas nouveau. Cela fait en effet des années qu’il y a plus de travail que d’informaticiens pour l’exécuter. “Certes, il existe un lien entre le fait que les informaticiens ressentent une forte pression au travail et le constat que la guerre des talents continue à faire rage, ajoute Ann De Ryck, directrice RH chez Inetum-Realdolmen. Le sentiment des informaticiens est dès lors compréhensible.” La réponse consiste en partie à offrir une plus grande flexibilité. “Si le collaborateur gère lui-même son lieu de travail et son temps de travail, il est davantage maître de son emploi. Il peut ainsi mieux équilibrer ses vies privée et professionnelle. Cela étant, le sentiment général subsiste qu’il y a pénurie d’informaticiens.”
“La pression au travail est une notion subjective”, poursuit Kris Poté. Ce qu’une personne ressent comme une forte pression peut ne pas être problématique pour une autre personne. Mais pour celui qui estime que la pression au travail est trop forte, l’employeur peut toujours trouver une solution. “Le travail à domicile peut être une partie de la réponse”, avance Kris Poté. Ce faisant, le déplacement domicile-travail est supprimé, ce qui permet un gain de temps. Une bonne chose, en somme. Les répondants à l’enquête Salaires affirment en tout cas travailler en moyenne 43 h par semaine, soit bonnement une demi-journée de plus que ce que prévoit leur contrat.
Proche de la saturation
La question se pose toutefois de savoir si la pression au travail peut s’exprimer en nombre d’heures prestées. “Le régime des 38 h est un concept du siècle dernier, considère Kris Poté. Aujourd’hui, on ne regarde plus le nombre d’heures prestées, mais le résultat fourni.” Or c’est peut-être précisément cette approche – combinée à la pression du client – qui fait que plus en plus d’informaticiens se perdent dans leur travail. Ainsi, 15% des informaticiens belges ont déjà été victimes de burn-out, apprend-on dans l’enquête Salaires (figure 3), tandis que 10% ont échappé de justesse à l’épuisement professionnel. En d’autres termes, un quart des informaticiens ont été très proches de la saturation – ou l’ont expérimentée.
Sur un marché déjà fortement sous pression et où trouver de nouveaux collègues se révèle très difficile, il n’est guère encourageant de constater que jusqu’à un quart des informaticiens connaissent des problèmes d’employabilité. “C’est un cercle vicieux, reconnaît Ann De Ryck. Pour l’éviter, nous mettons très nettement l’accent sur la prévention, tant auprès des collaborateurs que de leurs managers.” Il s’agit en effet de déceler à temps les signes avant-coureurs d’un burn-out. “Si vous intervenez suffisamment tôt, vous éviterez qu’une personne ne tombe malade de longue durée.”
Toujours connecté
Alors que le travail à domicile est souvent associé au terme ‘connexion’ – pour ne pas perdre le contact avec l’équipe -, le collaborateur doit veiller à être ‘déconnecté’ dans le cadre de la prévention contre le burn-out. Selon les chiffres de notre enquête Salaires, l’informaticien éprouverait des difficultés à se séparer de son PC ou de son smartphone le soir ou durant le week-end. Sans parler des courriels et autres messages via Teams ou WhatsApp en dehors des heures classiques de bureau (figure 4). Ainsi, 3 informaticiens sur 4 suivent leur travail durant le week-end ou les vacances.
Interrogés sur ce que leur employeur pourrait faire pour alléger la pression au travail, les informaticiens sont clairs: engager de nouveaux collègues. Or ceux-ci sont pratiquement introuvables, ce qui maintient le risque de burn-out. “Les chiffres sont particulièrement élevés”, estime Kris Poté. Mais il voit une amélioration à terme. “Le phénomène revêt à mes yeux une composante générationnelle. La jeune génération ne vit pas pour travailler, mais travaille pour vivre. Elle parvient à trouver un meilleur équilibre entre travail et vie privée.”
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