“Nous pouvons traiter énormément de données, ce qui stimule l’innovation”
Le département IT détecte si une personne risque de présenter un comportement de jeu problématique, mais doit par ailleurs proposer une expérience de jeu la plus séduisante. “Cette dualité m’inspire, confie Peter Thijs.
Comment se positionne l’IT au sein de Napoleon?
PETER THIJS: Nous sommes une entreprise de loisirs, mais totalement guidée par la technologie. Nous avons 3 grands piliers: nos casinos de Knokke et Middelkerke, nos magasins d’arcades et de paris sportifs (25 au total) en Flandre et en Wallonie, et notre site Web. Ce site propose des loisirs en ligne et notamment des jeux de casino, des dice games, du live casino et des paris sportifs. Nous faisons énormément de développements logiciels, sauf au niveau des jeux puisque le régulateur établit une distinction très stricte dans ce domaine. Nous avons évidemment plusieurs partenariats exclusifs avec des fournisseurs de jeux. Il existe quelques méga-fournisseurs qui distribuent leurs jeux à l’échelle mondiale, mais on trouve également des acteurs de niche qui proposent du contenu intéressant. C’est ce contenu exclusif qui représente pour nous un différentiateur. En revanche, la manière dont nous proposons ces jeux à nos joueurs ne fait pas vraiment la différence. Il faut aller beaucoup plus loin que simplement présenter un jeu. Nous y ajoutons notre touche Napoleon et cherchons à établir de manière responsable une relation avec les joueurs et à gagner la confiance de ces joueurs: tout cela avec des logiciels donc. Cela étant, nous veillons également à ce que les joueurs prennent leurs responsabilités et allons jusqu’à leur demander s’ils ont encore suffisamment de contrôle sur leur comportement de jeu, entendez s’ils jouent responsable.
N’est pas un équilibre délicat entre éviter un comportement de paris problématique et veiller à s’assurer des revenus récurrents?
THIJS: Nous n’avons aucun intérêt à ce qu’une personne connaisse des problèmes. Car c’est tout d’abord un drame pour la personne en question, mais aussi mauvais pour la réputation du secteur de même que pour nous. Cela doit rester un loisir agréable pour le joueur. Car celui-ci peut nous recommander auprès de sa famille ou d’amis, ce qui crée une onde positive. Nous avons mis en place de très nombreux systèmes de détection. Nous traquons tout et nous collectons de très nombreuses données. Nos systèmes-experts classent les joueurs en différentes catégories sur la base de leur comportement de jeu, ce qui nous permet de savoir si une personne évolue vers un comportement à risque. On peut évidemment se contenter de générer des rapports à la fin de la journée et établir des statistiques, ce qui est la solution de facilité. Mais il risque alors d’être trop tard pour tel joueur. Nous préférons travailler en temps réel et l’appelons via notre service à la clientèle. Nous n’attendons pas qu’il soit trop tard.
Faut-il s’imaginer un véritable centre d’appels?
THIJS: Effectivement. D’une part, il y a les messages automatisés, mais aussi une approche très personnalisée. Nous disposons d’un système d’intelligence artificielle auto-apprenant, construit par un fournisseur externe spécialisé, qui analyse chaque action d’un joueur, certes dans un contexte hautement régulé. Nous nous appuyons sur leur expertise démontrée et savons que ce modèle ne fera que s’améliorer à mesure qu’il est utilisé. Je pense que nous avons ainsi trouvé la meilleure solution du marché en permettant même aux joueurs à problème d’être éventuellement orientés vers une aide psychologique. Comme je l’ai dit, le jeu responsable est inscrit dans notre ADN et nous permet de faire la différence. Reste que si l’on pointe trop du doigt certaines personnes, celles-ci risquent de se sentir agressées et de se réfugier dans l’illégalité où elles ne sont pas stigmatisées.
Les sites de paris illégaux sont-ils toujours un problème?
THIJS: Environ 20% des joueurs adultes continuent à rechercher des loisirs sur le marché illégal. Certes, ils peuvent y avoir la paix, mais ils n’y auront aucune protection. Sur ce marché, impossible de savoir si l’on a affaire à des jeux honnêtes et de réelles chances de gains. Et si vous reverrez un jour votre argent.
Disposez-vous d’un logiciel qui détecte lorsqu’un joueur risque de se tourner vers un concurrent légal ou non?
THIJS: La détection du ‘churn’ se situe surtout de notre département marketing auquel nous fournissons certes des données. Mais ce qui m’intéresse surtout, c’est de savoir pourquoi des personnes nous quittent vraiment, car ces données permettent de tirer certains enseignements. Parfois, c’est simplement une mauvaise expérience de jeu. Mais parfois, ils sont attirés par des parieurs illégaux qui leur offrent par exemple 100 ? de jeux gratuits. Cela peut paraître séduisant, mais c’est souvent un piège caché.
Pour nous, il s’agit souvent de se battre à armes inégales. Mais c’est la raison pour laquelle nous misons sur la protection du joueur. Et nous remarquons que nos joueurs apprécient notre approche.
Vous avez exercé différentes fonctions de CIO dans plusieurs entreprises. Pourquoi avoir choisi Napoleon?
THIJS: Lorsque je suis arrivé voici un peu plus d’un an, je me posais certaines questions à propos du secteur. Cela étant, les valeurs de l’entreprise et la vision de notre CEO m’ont rapidement convaincu. Notre CEO – qui est très ‘IT-minded’ et a d’ailleurs un bagage IT – entend mettre sur pied une entreprise très moderne tout en insistant beaucoup sur nos valeurs d’entreprise. Et notamment ‘Play your best game’ qui porte sur l’amélioration continue ainsi que la réflexion et le travail dynamique et entreprenarial. Un deuxième leitmotiv important à mes yeux est ‘We’re in this journey together’. S’il y a un problème, ce n’est pas unique celui de Napoleon ou d’un seul département. Dès lors, nous recherchons ensemble la solution. Autre valeur ‘Say what you do, do what you say’. Et la quatrième est ‘Grow with us’ parce que nous estimons qu’il est également important que notre personnel évolue et se développe constamment, et puisse devenir la meilleure version de lui-même.
Comment votre département IT est-il structuré?
THIJS: Je préférerais disposer de tout le monde en interne. Mais en réalité, ce n’est pas encore possible. L’an dernier, nous avons pu grandir un certain temps de manière assez importante en faisant appel à plus de ‘nearshoring’ parce que nous avons un but précis pour lequel nous avions besoin rapidement de nombreuses ressources. Nous étions en train de construire une nouvelle plateforme pour notre stratégie multi-marché afin de pénétrer de nouveaux pays. Ces équipes sont à présent en phase de démantèlement et nous recrutons à nouveau en local. Mais trouver des informaticiens en Belgique – et je ne vous apprends rien – n’est pas une sinécure. Ceci alors même que nous faisons – j’insiste vraiment – de belles choses. (rire)
Tout CIO ne tient-il pas le même discours?
THIJS: Et pourtant, c’est la vérité. Même les projets apparemment ennuyeux avec beaucoup de champs d’entrée ne le sont pas car nous impliquons également des designers et attachons beaucoup d’importance à l’expérience utilisateur. En tant qu’informaticien, on ne peut qu’être fier du résultat final. Nous traitons aussi énormément de données, ce qui ouvre des perspectives d’innovation. Ce qui fait une grande différence avec bon nombre de secteurs plus traditionnels. Par le passé, j’ai notamment travaillé dans une compagnie d’assurances. Si vous y rencontrez votre client une fois par an, vous pouvez déjà être satisfait. Ici, les clients reviennent régulièrement, ce qui est très différent.
Mais pour en revenir à votre question, je précise que nous avons 6 architectes avec des expertises variées en cloud, données, etc. Ceux-ci sont surtout chargés de l’orientation et des cadres destinés aux équipes de développement: 12 squads et 3 squads en data intelligence (DI). Ensuite, il y les équipes qui font le lien entre le développement et les opérations, les équipes techniques de DevOps, le monitoring et le support technique 24/7 ainsi que le support à la clientèle. Soit environ 160 à 170 collaborateurs.
Nous travaillons d’ailleurs aussi avec des équipes multidisciplinaires. C’est ainsi que nous faisons beaucoup de prototypage et de tests. Cela donne beaucoup de liberté et de responsabilités à nos collaborateurs, ce qu’ils apprécient d’ailleurs. Nous ne sommes pas une ‘feature company’ où l’IT doit construire rapidement ce que les ventes ou le marketing viennent tout juste d’imaginer. L’ownership et l’accountability sont des valeurs que je prône.
La vie privée et la sécurité sont sans doute aussi des points d’attention?
THIJS: Evidemment, ces éléments sont étroitement intégrés dans nos systèmes. Nous avons par exemple un coffre RGPD spécifique où sont stockées toutes ces données personnelles spécifiques. Tout est crypté en interne et dans les communications. Et toute application ou toute personne qui a besoin d’informations doit disposer d’un mandat spécifique. Et c’est sans parler du régulateur qui nous surveille et avec lequel nous entretenons une bonne relation proactive. C’est ainsi que nos exécutables sont automatiquement hachés durant la production.
Nous détectons de très nombreuses tentatives de piratage et d’intrusion. Cela dit, nous faisons certes appel à Cloudfare qui nous assiste face aux attaques DDoS. Nous louons les services de pirates éthiques et envoyons régulièrement des ‘bounties’. Nous travaillons à ce niveau avec Intigriti qui nous transmet des reviews régulières. Vous savez, il ne faut pas s’en cacher: nous sommes une cible et devons donc investir.
Qu’en est-il de votre infrastructure IT?
THIJS: Nous travaillons dans un modèle à base de cloud. Les données opérationnelles résident sur notre plateforme de production, mais la toute grande majorité des données de gestion est dans le cloud. Cette solution nous offre nettement plus de possibilités d’analyse. Aujourd’hui, nous travaillons encore avec Google, mais nous allons migrer vers AWS. Nous sommes d’ailleurs en grande partie orientés vers les micro-services.
InterXion est par ailleurs un partenaire structurel pour notre centre de données et notre connectivité réseau. Nous collaborons avec plusieurs entreprises pour le support IT interne et pour la consultance supplémentaire. Je suis absolument en faveur de partenariats privilégiés, même s’il est parfois difficile d’atteindre la situation idéale.
Quels sont vos défis majeurs?
THIJS: Offrir aux gens un plaisir de jeu responsable et veiller à ce que ce soit chez nous qu’ils se sentent le mieux. Traduit en termes IT: attirer et fidéliser les joueurs sur notre plateforme. Les gens sont libres d’aller où ils veulent. Mais on change nettement plus facilement de jeu que de banque. (rire) Tout doit aussi aller toujours plus vite et les gens ont beaucoup moins de patience, de telle sorte que les performances de notre plateforme et toutes nos applications doivent être au top. Et oui, pouvoir faire face à des pics fait aussi partie du ‘jeu’. Si les Belges jouent un tournoi européen ou mondial, nous nous en apercevons vite. (rire) Nous devons donc prévoir partout la flexibilité et l’élasticité nécessaires.
Quels sont enfin les grands chantiers?
THIJS: L’évolution de notre plateforme. De même, l’amélioration de notre organisation interne, sans oublier certainement de nouvelles applis mobiles natives. Les discussions que nous avions autrefois avec Apple et Google – sur le fait d’autoriser des applications de paris sur leur boutique en ligne – ou sur les systèmes de paiement à utiliser – appartiennent désormais au passé. Nous pouvons et nous allons donc mettre de nouvelles applis pour les écosystèmes de Google, Apple et Huawei.
Peter Thys
1992 – 2003: Technum, Bentley Systems, eSpatial
Févr. 2004 – Mars 2005: Interim IT manager chez TNT Post Belgium
Mars 2005 – Sept. 2010: Markem-Imaje (e.a. Manager Solutions EMEA)
Sept. 2010 – Déc. 2015: Wolters Kluwer (o.a. CTO & CIO Transport Services Group)
Sept. 2016-Sept. 2020: CIO bij DELA Belgium
Depuis Octobre 2020: CTO de Napoleon Sports & Casino (siège social Erembodegem, près d’Alost)
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