‘Mon crédo est de penser comme un leader et d’agir comme un challenger’
Dans la Silicon Valley, plusieurs garages sont de véritables temples du tourisme. L’un d’entre eux est situé 367-369 Addison Avenue à Palo Alto, où Hewlett et Packard ont fondé leur entreprise. Nous avons rencontré l’actuel (jeune) ‘country manager’ de HP Inc. pour évoquer le passé et l’avenir.
HP existe depuis 80 ans, mais a connu voici 4 ans la fameuse scission entre HPE et HP Inc. Comment l’avez-vous ressentie ?
dirk SLACHMUYLDER: J’ai commencé chez HP Corp. en 2011, mais j’y avais déjà travaillé précédemment. A l’époque, nous étions une grande famille, mais avec 2 entités autonomes qui collaboraient surtout au niveau des grands clients. Il faut dire que nous avions déjà des modèles commerciaux différents. Dans les grandes entreprises, HP travaillait plutôt en direct, alors que le marché des PC et imprimantes était surtout abordé via un réseau de distributeurs. Au final, nous nous sommes séparés comme 2 acteurs équivalents.
Comment HP Inc. a-t-elle évolué ces dernières années ?
SLACHMUYLDER: Nous sommes autonomes depuis 2015 et avons finalement connu un beau parcours. Nous disposions d’une belle liberté pour nous positionner sur le marché comme une start-up. Certes, une start-up qui avait déjà un passé, mais avec un esprit entrepreneurial que je n’avais encore jamais vu auparavant. En Belgique, nous avons bien réussi et continuons sur cette voie. Nous bénéficions dès lors d’une grande liberté pour nous profiler comme challenger sur le marché. Depuis 2015, nous misons beaucoup sur l’innovation. Pour réinventer l’avenir grâce à la technologie. C’est très agréable dans la mesure où cela fait référence à nos racines de départ. Car HP n’a-t-elle pas été l’un des fondateurs de la Silicon Valley.
Dans le B2B, c’est surtout la sécurité qui fait la différence.
HP Inc. cible surtout les imprimantes et les ordinateurs. Dans le cas des imprimantes classiques, le marché est sous pression. Comment l’abordez-vous ?
SLACHMUYLDER: En Belgique, nous sommes leader du marché des imprimantes grand public avec quelque 70 pour cent de parts de marché. Il s’agit d’un marché à la baisse et il est clair que nous n’allons pas croître dans ce créneau. Nous devons dès lors miser sur l’innovation et nous aligner sur la demande des clients. C’est ainsi que nous commercialisons une imprimante qui peut s’installer sans connaissances spécifiques et qui permet d’imprimer facilement au départ d’un ordinateur portable ou d’un smartphone. Sans oublier évidemment le design pour s’installer dans un salon. Et comme les utilisateurs du marché domestique pensent qu’imprimer coûte cher, nous proposons une sorte de formule d’abonnement qui permet d’imprimer moins cher, certes avec des cartouches HP.
Pour sa part, le segment professionnel est différent. C’est un marché mature où l’on compte 10 à 12 acteurs. Je suis convaincu qu’une consolidation va avoir lieu. C’est ainsi que dans ce domaine, nous avons racheté le département Imprimantes de Samsung, tandis que nous proposons de nouvelles solutions permettant de proposer de nouvelles approches dans la gestion documentaire ou les services gérés. Ce marché est stable, voire en légère baisse, mais des opportunités existent.
Enfin, il ne faudrait pas oublier le marché graphique, encore largement caractérisé par l’impression analogique. Ainsi, 64% du marché est toujours analogique. Sur ce créneau, nous avons 50% de parts de marché et nous investissons dans des segments à potentiel de croissance, comme l’impression personnalisée. Songez aux étiquettes de Nutella avec le nom du client. Ou un carnet de voyage qui doit être régulièrement adapté en fonction de nouveaux restaurants. La tendance en matière de digitalisation est de ne plus imprimer des gros volumes, mais d’imprimer en ‘flux tendu’. Nous avons des imprimantes qui vont jusqu’à 40.000 pages par minute, qui permettent d’imprimer des livres en gros volume et qui peuvent en outre être personnalisés.
HP tente de s’imposer dans l’impression 3D. Qu’en est-il ?
SLACHMUYLDER: J’estime que ce marché doit encore décoller. Nous n’en sommes encore qu’aux prémices car si l’impression 3D existe depuis 7 ans déjà, elle ne représente que 0,1% de la production mondiale totale. Mais cette part de marché devrait passer à 1 ou 2% dans les 3 prochaines années. Soit 10 à 20 fois plus. J’y vois plusieurs raisons. D’une part, l’écologie. Avec la 3D, nous pouvons réduire la masse de déchets. Par ailleurs, le besoin de spécialisation est toujours plus grand. La personnalisation est toujours plus poussée, ce qui est l’un des avantages de l’impression 3D. En outre, nous devons miser sur cette technologie qui est la seule chance pour l’Europe occidentale de se réindustrialiser. Nombre de nos industries sont désormais délocalisées, alors que cette technologie permet à des start-up de travailler à nouveau en local.
Par ailleurs, la technologie ne cesse de s’améliorer. Nous travaillons pour l’instant sur de petites surfaces, mais nous allons passer de 40 sur 40 sur 40 cm à près de 3 m sur 3. Bientôt, l’impression en 3D sera moins chère et plus rapide que les moulages traditionnels. Je pense que nous allons alors vraiment connaître une croissance exponentielle. Au niveau de l’impression 3D, la Belgique n’a d’ailleurs pas à rougir. En Allemagne, en France et en Italie, les volumes sont un peu supérieurs, mais le marché y est aussi plus grand.
Où en est le marché du PC ?
SLACHMUYLDER: Au niveau du PC également, nous sommes leader dans le monde grand public, avec quelque 25%. Dans le marché domestique, Apple est traditionnellement l’acteur majeur dans le segment premium. Depuis un an et demi, grâce à nos investissements en recherche et développement, nous sommes devenus un concurrent. Le ‘gaming’ est également un marché en explosion où nous n’étions jusqu’ici pas présents, mais où nous commençons désormais à percer. On assiste en outre à une percée formidable des convertibles. Il s’agit d’appareils coûteux qui génèrent de belles marges. L’an dernier, nous avons progressé de 14%. Ce n’est donc pas parce que le marché est en stagnation dans son ensemble que nous ne pouvons pas croître dans des marchés de niche.
Voilà pour le marché grand public, mais qu’en est-il des entreprises ? Est-ce toujours votre principal débouché ?
SLACHMUYLDER: En Belgique, quelque 25% de notre chiffre d’affaires provient du B2C et 75% du B2B. Notre part de marché est en outre plus élevée dans le B2B. A ce niveau, c’est surtout la sécurité qui fait la différence. Dans le contexte des entreprises, la sécurité représente un défi majeur car la majorité des attaques se fait par des appareils comme les smartphones, imprimantes et tablettes. Lors du choix d’un tel appareil, la sécurité est dès lors cruciale et j’ose affirmer sans vantardise que nous sommes l’acteur majeur sur ce marché, avec notamment nos capteurs d’empreintes digitales intégrés. Il s’agit d’ailleurs là de fonctions supplémentaires qui tirent le prix moyen vers le haut.
Nous pensons que nous verrons déferler une vague d’utilisateurs supplémentaires, aidés par Windows 10.
Windows 10 a-t-il eu un impact sur les ventes ? Cet OS est désormais constamment mis à jour et on ne voit plus apparaître de ‘nouvelle’ version qui nécessitait autrefois l’achat d’une nouvelle machine.
SLACHMUYLDER: Depuis que Windows 7 n’est plus supporté, nous avons vu une augmentation du nombre d’appareils de type ‘desktop’. Nous pensons d’ailleurs que cette croissance va se maintenir, d’abord parce que le nombre d’appareils ayant plus de 5 ans est plus élevé que jamais. Nous pensons donc que nous verrons déferler une vague d’utilisateurs supplémentaires, aidés par Windows 10, surtout dans le B2B. Toutes les grandes et moyennes entreprises vont franchir le pas à la fin de l’année et renouveler leur parc informatique.
Par ailleurs, nous estimons que les entreprises vont investir davantage par appareil. Les ‘millennials’ et la génération Z font toujours moins de différence entre le bureau et la maison, ce que l’on constate d’ailleurs dans le design des appareils et dans les choix faits par les entreprises.
HP a 80 ans. Est-ce un avantage ou un inconvénient sur un marché de start-up, où les nouvelles technologies se succèdent à un rythme effréné ?
SLACHMUYLDER: Nous essayons de nous positionner comme une start-up. Cela peut paraître incroyable, mais c’est une mentalité que nous entendons cultiver. C’est une question de personnes, mais aussi de R&D, où il s’agit de voir venir les grandes tendances et d’y répondre le plus rapidement possible. Nous n’avons pas la rapidité de réaction d’une start-up, mais la technologie est souvent surestimée dans un premier temps, puis ensuite sous-estimée. Il est donc bon de pouvoir penser à long terme. Par ailleurs, il est important de voir comment on peut rester compétitif par rapport à ces start-up. La différence se fait au niveau de la qualité des produits et des personnes. Par ailleurs, il faut veiller à offrir de l’innovation pertinente au marché.
Il me semble en effet difficile de se positionner comme une start-up lorsque l’on est leader du marché.
SLACHMUYLDER: C’est surtout une question d’attitude. Dans la grande structure avant la scission, il était presque normal d’être n° 1. Et lorsque le marché baissait d’un côté, on parvenait à le faire croître d’un autre. Mais désormais, la situation est tout autre. Mon crédo est de penser comme un leader et d’agir comme un challenger. Lorsque l’on parvient à maintenir cette ambition vis-à-vis de nos clients et partenaires, je pense que l’on pourra rester une marque de confiance. Nous devons continuer à trouver de nouvelles manières de s’améliorer encore à l’avenir.
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