Une crise durant laquelle une grande partie de la population se voit contrainte de télétravailler constitue un test idéal pour les plateformes cloud. Comment les grands fournisseurs envisagent-ils l’avenir ?
Aurions-nous été en mesure de continuer à travailler en période de confinement si la pandémie était arrivée dix ans plus tôt ? Alors qu’il était encore à peine question de ‘cloud computing’. La crise du Covid-19 a obligé de très nombreux collaborateurs de faire du télétravail, tandis que de nombreuses entreprises ont été obligées du jour au lendemain de doter leur personnel de PC portables, de VPN et d’outils de collaboration. Par ailleurs, se pose la question de savoir si les collaborateurs vont vouloir abandonner leur liberté acquise.
Voilà bien un scénario idéal, du moins à première vue, pour une accélération de la numérisation et un grand pas vers le cloud. Le cabinet GlobalData estime en tout cas qu’après la crise, les services cloud vont connaître un regain de popularité. ” Le Covid-19 a soudainement démontré de manière évidente que les services cloud étaient essentiels pour assurer la continuité d’activité, surtout à présent que les entreprises doivent supporter leurs collaborateurs à distance dans la durée “, estime Gregg Willsky, analyste principal.
Alors que les employés travaillent désormais à la maison sur leur ordinateur portable, poursuit-il dans son raisonnement, la question de la migration dans le cloud apparaît soudainement bien plus évidente pour les entreprises. Celles-ci doivent en effet se doter d’outils de vidéo, de solutions de messagerie et autres outils collaboratifs capables de fonctionner non seulement dans l’entreprise, mais aussi en dehors. ” La demande de solutions à base cloud a véritablement explosé au moment où pratiquement chaque entreprise doit très rapidement s’adapter pour supporter son personnel en télétravail “, remarque Willsky. Et de prévoir que le marché des services cloud représentera pas moins de 661 milliards $ d’ici 2024.
661 milliards $. Valeur du marché des services cloud d’ici 2024.
L’impact de la crise
Comment les fournisseurs cloud s’adaptent-ils ? Ces dernières années, le ‘cloud computing’ a déjà connu une croissance soutenue puisque le marché représentait 197 milliards $ en 2018 et devrait, selon Gartner, atteindre 266 milliards $ en 2020. Les entreprises qui continuent à migrer dans le cloud le font en partie pour le télétravail, mais aussi parce que leur modèle économique s’est effondré en raison du confinement, comme c’est le cas pour les compagnies aériennes.
La crise va-t-elle véritablement provoquer une hausse massive de la demande de services cloud ? ” La situation est différente d’un client à l’autre, nuance Sophie Leca, EMEA PR manager chez AWS, l’un des plus grands fournisseurs de cloud au monde. Pour notre part, nous réfléchissons avec le client pour lui offrir une solution stratégique. Au cours des dernières semaines, nous avons collaboré avec de nombreuses organisations pour tenter de relever ce défi. Nous les aidons à optimiser leur architecture et les assistons pour qu’elles se focalisent sur leurs priorités, notamment la fourniture de services. ”
75 millions. Nombre d’utilisateurs qui travaillent quotidiennement avec Microsoft Teams.
Chez certains clients, l’activité s’est réduite, précise Leca, alors que d’autres mettent tout en oeuvre pour permettre le travail en ligne. ” Nous comptons de nombreux clients qui cherchent une solution pour permettre à leurs employés de travailler à distance, d’où un regain d’activité pour nous. ” En l’occurrence, AWS met surtout en avant son logiciel collaboratif, et notamment son service de conférence en ligne Chime.
La vidéo pour tous
Car, soyons clairs, ce sont surtout les outils collaboratifs et les applis d’appels par vidéo qui ont fait fureur ces derniers mois. ” Nous comptons désormais 3 millions de nouveaux utilisateurs journaliers sur Google Meet, confie Edward Boute, responsable Google Cloud Belux. Nous constatons une tendance massive à la hausse. Nous recensons d’ores et déjà 3 milliards de minutes de réunions par vidéo quotidiennes, soit un facteur de 30 par rapport à janvier. Il s’agit là de chiffres ‘astronomiques’. ”
Toujours pour Boute, l’évolution est d’autant plus positive que le logiciel de collaboration ouvre la voie à d’autres produits Google. ” Une fois cette solution adoptée, on constate que les entreprises s’intéressent plus facilement à d’autres services. C’est ainsi qu’elles stockent les vidéos de Google Meet sur un Google Drive pour les partager. La demande est énorme. ”
” A l’échelle mondiale, plus de 75 millions d’utilisateurs travaillent quotidiennement avec Teams, précise-t-on chez Microsoft. Soit un doublement sur une courte période. Des millions de personnes utilisent Teams chaque jour. D’ailleurs, nous avons enregistré fin avril un record de 4,1 milliards de minutes de réunions sur une seule journée. Soit une augmentation de 355% par rapport aux 900 millions de minutes à la mi-mars. ”
En coulisse
L’atout du cloud est de permettre à une entreprise d’adapter sa capacité à ses besoins du moment. A cet égard, la crise constitue un cas d’école idéal pour les fournisseurs qui doivent eux-mêmes s’adapter pour continuer à répondre à la demande. ” Beaucoup d’entreprises font déjà tourner les processus métier dans le cloud et celles-ci fonctionnent parfaitement, précise Edward Boute. Par ailleurs, on constate que certains secteurs voient leur consommation diminuer alors que d’autres l’augmentent sensiblement. Les usines qui sont arrêtées consomment moins, alors que d’autres secteurs comme la distribution, doivent mettre en oeuvre des mécanismes qui ne fonctionnent sinon que lors de pics comme le Black Friday ou le Cyber Monday. ” La fièvre des achats en ligne au moment où les magasins physiques sont fermés se ressent également dans les centres de données. Dans le même temps, des secteurs comme le voyage sont en recul et demandent donc moins de capacité. ” C’est toute la beauté du cloud, fait remarquer Boute. Si votre activité s’arrête, vos coûts diminuent directement. ”
Reste à savoir si la situation actuelle incitera les entreprises à intensifier leurs projets de numérisation. ” Nombre d’organisations ont accéléré leur migration vers le cloud “, estime un porte-parole de Microsoft. Pour sa part également, Sophie Leca d’AWS remarque que plusieurs clients se lancent dans l’innovation. Ainsi, le gouvernement flamand a décidé de construire un ‘chatbot’ pour répondre aux questions des utilisateurs. ” Force est de constater que les entreprises privées, les administrations et les associations à but non lucratif qui exploitent des produits cloud peuvent continuer à fonctionner. De même, les plus petites sociétés qui disposent du cloud peuvent mieux servir leurs clients. Je m’attends à voir le cloud faire partie intégrante de notre vie et de notre travail, dixit Microsoft. Je pense que nous allons évoluer vers un modèle plus hybride où les alternatives numériques seront intégrées aux méthodes de travail traditionnelles. L’impact de la crise a influencé l’état d’esprit de nombreuses personnes. Je pense donc qu’à terme, après avoir pris conscience de certaines possibilités offertes par la technologie, les entreprises envisageront plus sérieusement de revoir leurs modes de travail, leurs modèles organisationnels et leurs produits. ”
3 milliards. Nombre de minutes de réunions par vidéo quotidiennes sur Google Meet.
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