Le super-ordinateur Lucia, inauguré au coeur même de Charleroi, se classe à la 245e place du classement des High-Performance Computers (HPC).
Le prédécesseur de Lucia, le supercalculateur Zénobe, en exploitation depuis 2014 sur le site de l’Aéropole de Gosselies de Cenaero, est en fin de vie. Avec 4 millions de milliards d’opérations par seconde, son successeur offre une puissance de calcul 12 fois supérieure. Le nouveau super-ordinateur a été inauguré le 15 novembre dernier dans les locaux de l’A6K par une brochette de personnalités, dont le Ministre régional de l’économie Willy Borsus et le secrétaire d’État à la recherche scientifique Thomas Dermine.
Lucia est ainsi l’ordinateur le plus puissant de Belgique et il place la Wallonie au 245e rang du très sélect top 500 des ordinateurs les plus puissants du monde. Le HPC se trouve au rez-de-chaussée de l’ancien tri postal de Charleroi. Adossé à la gare, ce bâtiment de 6.000 m2 a été transformé voici 3 ans en un laboratoire industriel et technologique: l’Atelier 6000 (A6K). Il abrite un mixte de grands industriels, start-up, laboratoires, centres de recherche et de formation.
14,5 millions d’euros
C’est en 2020 que la Région wallonne a décidé d’investir 10 millions ? dans le remplacement de Zénobe par une machine Tier-1 située en plein centre-ville de Charleroi. Ce budget a été attribué au Centre de Recherche en aéronautique Cenaero pour l’adaptation du bâtiment (notamment au niveau de la stabilisation) et la mise en place du supercalculateur. Dans la foulée de l’annonce, Willy Borsus a annoncé un “rab” de 4,5 millions ?.
Raison du choix de l’A6K: faciliter et accélérer la conduite de projets mixant innovation et calcul intensif, et s’inscrire dans les différents écosystèmes numériques (wallon, belge et européen) du calcul intensif.
“Lucia va devenir une pièce maîtresse de l’écosystème physique et numérique de l’A6k, se félicite Thomas Dermine. On sait que l’ULB a décidé de co-localiser son nouveau datacenter dans le bâtiment. Une réflexion est en cours sur la création d’un échangeur de chaleur pour chauffer le bâtiment à partir des serveurs et sur l’approvisionnement du site en énergie verte. On est vraiment dans une logique globale de centre de recherche partagé et mutualisé.”
Ainsi, Lucia pourra-t-il échanger ses données avec le Collaborative Ground Segment situé à Transinne. Les entreprises et universités wallonnes membres du Consortium des Equipements de Calcul intensif, le Céci, auront également accès à cette nouvelle ressource, tout comme les 800 chercheurs des différentes universités sises en Fédération Wallonie Bruxelles. A l’échelle européenne et mondiale, l’outil de calcul intensif permettra de faire le lien avec les supercalculateurs du top mondial dont le récent LUMI, hébergé à Kajaani en Finlande. Lumi est le supercalculateur le plus rapide et économe en énergie d’Europe. Il est le fruit d’un effort conjoint de l’entreprise commune EuroHPC et d’un consortium de dix pays européens: Finlande, Belgique, Tchéquie, Danemark, Estonie, Islande, Norvège, Pologne, Suède et Suisse.
Lucia est un serveur Hewlett Packard Entreprise (technologie Apollo, intégration Axians) composé de 3 séries de noeuds. Le premier comprend 300 CPU pour une puissance de 1,1 Pflops. Le second agrège 50 CPU qui délivrent 2,72 Pflops. Le troisième est constitué de 2 CPU dédiés à l’intelligence artificielle, à hauteur d’une puissance de 0,19 Pflops. La mémoire vive est de 121 Toctets et le volume de stockage de 3 Poctets d’espace disque et de 4 Poctets d’espace d’archivage. Il devait être opérationnel d’ici février 2023. Il prendra le relais de Zénobe auprès de ses 300 utilisateurs actuels (à 85% des laboratoires universitaires et centres de recherche et 15% des entreprises).
Simulation des conditions spatiales
La principale valeur ajoutée de Lucia est sa capacité à conduire des opérations lourdes de modélisation et de simulation, évitant de devoir passer par la case du prototypage plus longue et coûteuse et parfois difficile, voire impossible à réaliser. Thomas Dermine prend deux exemples. “Un supercalculateur couplé à une infrastructure de recherche globale intéresse au plus haut point les acteurs de l’industrie spatiale. Pour la conception de nouveaux produits dans l’espace, on a besoin d’opérer des tests dans des conditions de pression et de température extrêmes qui simulent l’environnement de l’espace. Cela nécessite une infrastructure extrêmement chère. Lucia permettra de réaliser des simulations de ce type d’environnement de façon beaucoup plus rapide et moins chère.”
Le second exemple porte sur la création d’un jumeau numérique de la Terre. Thomas Dermine: “A partir des données satellitaires de Galileo et de Copernicus, il s’agit pour l’agence spatiale européenne de recréer un jumeau numérique du globe capable de simuler des scénarios, par exemple de réchauffement climatique, et d’en évaluer l’impact sur l’évolution du niveau des mers. Cela va nécessiter une puissance de calcul absolument hors norme pour laquelle ce genre d’infrastructure sera précieuse.”
Cette capacité augmentée de simulation élargit ainsi considérablement l’horizon d’innovation des entreprises. Clarisse Ramakers, directrice générale d’Agoria Wallonie déclare à ce sujet: “Lucia va permettre de bypasser les procédures de test ‘à l’ancienne’ pour lesquelles il faut réaliser l’innovation comme on la pressent avant de passer à la phase de fabrication. Il s’inscrit dans le projet européen WalHub qui doit permettre d’ouvrir l’accès à Lucia aux entreprises européennes afin qu’elles puissent simuler leurs innovations avant de décider d’investir. C’est le test before invest!”
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