L’IA sauvera-t-elle le département marketing ?
S’il présente de nombreux avantages pour le marketing, le numérique n’en induit pas moins de multiples bouleversements. L’Internet offre en effet plus de ‘leads’ que jamais, mais complique aussi la recherche des meilleurs prospects. L’automatisation constitue-t-elle une solution ?
Rares sont les domaines qui évoluent aussi rapidement que le marketing. ” Autrefois, le marketing était un département de taille réduite qui réalisait les brochures et était présent sur les salons pour nouer des contacts et collecter des cartes de visite pour le département des ventes, déclarait d’emblée Koen de Witte de la société Leadfabrics, spécialiste de l’automatisation du marketing, lors de la conférence Zen organisée par l’entreprise. Mais tout a changé avec l’arrivée de l’Internet. Aujourd’hui, tout le monde est une ‘cible’. Nous parlons à tout le monde en espérant trouver des personnes susceptibles de travailler avec nous, après quoi nous investissons du temps et des ressources humaines pour générer de l’intérêt en espérant qu’après avoir envoyé de nombreux courriels, ils voudront commercer avec nous. ”
Si l’entreprise investit beaucoup dans la collecte et la gestion de ces données, il importe de veiller à les exploiter utilement.
Voilà qui était peu efficace, concède de Witte, qui évoque l’évolution vers l”account based marketing’, à savoir de trouver les personnes qui sont vraiment disposées à faire des affaires avec votre société. L’objectif est de mieux exploiter les données de cette entreprise et de générer plus rapidement des ‘leads’ en ciblant précisément les personnes vraiment intéressées. En recourant à l’IA.
Mieux exploiter les données
” Nous ne connaissons pas nos acheteurs “, explique ainsi Kerry Cunningham, senior research director de Sirius Decisions. Lorsqu’un produit d’une entreprise est acheté, il n’y a souvent pas une seule personne. En général, il s’agit d’une équipe dont vous ne connaissez que quelques membres. Nous allons même négliger intentionnellement les autres personnes. Dès qu’un ‘lead’ est détecté, le reste est en général supprimé car il s’agit d’un duplicata. ” Du coup, des informations précieuses disparaissent, estime encore Cunningham, car un processus de vente est complexe et comprend de nombreux points de contact, sans que l’on sache vraiment ce qui fonctionne ou pas. ” Quel est l’élément de ce gigantesque processus qui a déclenché le choix du client d’acheter chez nous ? “, s’interroge Cunningham. La réponse réside selon lui dans l’intelligence artificielle : la collecte et mise à jour d’informations sur le processus de vente, puis la comparaison de ces données avec l’historique d’autre comptes. ” Il faut savoir à qui on a vendu, mais aussi chez qui on n’a pas réussi à vendre. Ce dernier aspect est plus difficile à trouver car la vente n’y attache en général pas d’importance. ”
Un système d’IA permettra de visualiser toutes ces informations et de trouver des informations récurrentes au niveau des ventes qui ont abouti, mais aussi des comptes qui n’ont pas abouti. Ce faisant, on peut obtenir un profil d’entreprises qui pourraient devenir de bons clients. ” Cela ne signifie pas évidemment qu’il faille négliger les processus. Un prospect ne va pas vous contacter simplement parce qu’il vous apprécie. Il ne sait pas que vous êtes son meilleur prospect, fait remarquer Cunningham. Il faut continuer à faire le maximum car ce n’est qu’en faisant de son mieux avec ses prospects que l’on obtient de meilleurs résultats plutôt que de mettre tout en oeuvre pour les autres prospects. ”
Pour étayer ses dires, Cunningham prend à témoin Scott Vaughan, CMO d’Integrate. ” Nous vivons dans un monde de marketing de type ‘permission based’, explique ce dernier. Et il n’est pas près de disparaître. ” Dès lors, il est d’autant plus important d’exploiter avec prudence les données dont dispose l’entreprise. ” Une fois que des personnes sont dans notre base de données, que faisons-nous ? Nous les spammons, ajoute- t-il. Veillez alors au moins à ce que ces personnes soient de vrais prospects. Si l’entreprise investit beaucoup dans la collecte et la gestion de ces données, il importe de veiller à les exploiter utilement. ” Et notamment d’intégrer des outils permettant de spammer (ou contacter si vous voulez) les bonnes personnes. ” Pour atteindre le meilleur taux de conversion, il est préférable de garder une petite liste de mailing avec davantage d’engagement “, poursuit Vaughan.
Un être humain risque de décrocher après quelques ‘touch points’ non aboutis ou oublier d’envoyer un courrier, mais un système d’IA reste imperturbable.
L’assistant robot
Et comment exploiter au mieux cette liste de mailing ? Avec un assistant robot, selon Conversica, comme le montre Ameli Farber, director of global partnerships. Conversica a mis au point un assistant IA permettant de soutenir le marketing et les ventes. Et il ne s’agit pas d’un simple chatbot, insiste-t-il. ” Les chatbots sont limités à une plate-forme et à de la mémoire. Si vous dialoguez avec un chatbot sur un site Web et que vous revenez 10 minutes plus tard, le chatbot ne se souvient plus de vous. ”
Or l’assistant IA de Conversica vise précisément à suivre les conversations. ” L’entité IA fonctionne comme un junior dans une équipe qui assure le suivi du courrier, explique Farber. La plupart des fonctions comme la vente et le marketing exigent des compétences humaines pointues, pas le suivi du courrier. Du coup, l’IA est en mesure de lire le courrier, de le comprendre et d’y répondre. Notre modèle, baptisé Rachel Brooks, se comporte comme une personne virtuelle de notre équipe de vente. ”
L’avantage d’une telle solution d’IA, poursuit Farber, est d’être évolutive et de pouvoir écrire des milliers de courriers différents en fonction de la conversation avec un prospect. ” Elle n’est pas non plus frustrée, remarque Farber. Un être humain risque de décrocher après plusieurs ‘touch points’ non aboutis ou oublier d’envoyer un courrier, mais un système d’IA reste imperturbable et toujours poli. ”
Comment le système fonctionne-t-il en réalité ? L’IA écrit par exemple un courrier à toutes les personnes qui ont complété un bulletin durant une conférence en demandant d’être contacté par un vendeur. Si le prospect ne répond pas, le système essaiera à nouveau le lendemain, puis les jours suivants en fonction des réglages prévus. ” Le système conçoit lui-même les courriers avec une formation différente. L’IA sait également qu’elle ne doit pas envoyer du courrier tous les jours car les personnes n’apprécient pas “, ajoute Farber. Si le prospect réagit, son courrier sera qualifié de ‘hot lead’ et le vendeur concerné sera averti. Le système essaiera ensuite d’obtenir le numéro de téléphone du prospect pour le communiquer au vendeur. Par la suite, l’IA pourra même vérifier si le vendeur a fait son travail. Si celui-ci n’a pas téléphoné par exemple, l’IA pourra requalifier le prospect de ‘lead at risk’ et en informer le reste du département.
En l’occurrence, le bon fonctionnement dépend largement des réglages choisis par l’entreprise : plus l’IA pourra procéder à des essais, plus le processus sera fluide et adaptable. Même le ton des courriers peut être personnalisé, insiste Farber. ” Il est possible de former l’IA en fonction d’une base de données de courriers internes afin d’apprendre la culture propre à l’organisation. En fait, la formation est identique à celle donnée à un nouveau collaborateur. ” Cela étant, l’objectif n’est nullement selon Farber de remplacer les vendeurs humains. Au contraire, ceux-ci risquent d’avoir plus de travail. De nombreuses entreprises utiliseront notre IA pour suivre les ‘leads’ moins évidents, ceux pour lesquels les vendeurs n’ont pas le temps. Elle est mise en oeuvre pour trouver une aiguille dans une meule de foin pleine de ‘lead generations’. ”
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