L’IA rattrape son retard dans les jeux vidéo
Les adversaires informatiques des jeux vidéo ne sont intelligents que par la grâce des programmeurs. Mais la progression spectaculaire réalisée par la ‘véritable’ intelligence artificielle dans les labos percole peu à peu dans les secteurs des jeux.
Milestone est un formidable studio de jeux vidéo de 200 collaborateurs basé à Milan qui développent des jeux dans la plus grande discrétion. L’entreprise a vu le jour en ’96 comme spécialiste des jeux de course et a lancé des titres avec des fortunes diverses. Depuis sa reprise par le groupe allemand de médias Koch et poussé dans le dos par une demi-douzaine d’autres studios qui éditaient également des jeux de course (souvent meilleurs), l’entreprise s’est spécialisée encore davantage dans les courses de voiture, une niche dans une niche. Mais une spécialisation pas vraiment surprenante dans un pays où la voiture est reine. Par contre, peu de commentaires à faire concernant MotoGP et Ride, deux franchises de courses de voiture exploitées par l’entreprise. Sinon qu’il s’agit d’un pro- duit pionnier dans l’une des principales innova- tions de l’intelligence artificielle générées jusqu’ici par le secteur des jeux vidéo.
L’IA se fixe elle-même des objectifs à long terme.
16 millions d’heures de course
En partenariat avec Orobix, une société d’IA de Bergame, l’entreprise a en effet développé Milestone A.N.N.A. (Artificial Neural Network Agent), un ‘agent’ d’intelligence artificielle entraîné par un réseau neuronal issu des labos d’Orobix et ensuite intégré à MotoGP 19 et Ride 4. A.N.N.A. connaît toutes les finesses des motos que vous conduisez et des circuits sur lesquels vous roulez, précise Luigi Crocetta, éditeur du jeu. Il peut faire valoir pas moins de 16 millions d’heures d’entraînement. Sur cette base, il peut offrir au coureur des adversaires de meilleure qualité.”
A.N.N.A. est l’une des premières applications de la ‘véritable’ intelligence artificielle dans les jeux vidéo. Car non, l’AI pour jeux traditionnelle n’est pas de la ‘vraie’ IA, du moins pas selon les critères utilisés aujourd’hui par les scientifiques. Car l”intelligence’ de l’IA d’un jeu vidéo reste encore et toujours programmée par des développeurs humains. Certes, cela nous a valu à l’époque des applications qui étaient certes alors à la pointe du progrès. D’ailleurs, les actuels agents conversationnels utilisés dans les ‘helpdesks’ de première ligne sont basés sur la technologie d’analyse syntaxique de jeux conçus voici 40 ans comme Zork ou King’s Quest. Or des 30 dernières années, les jeux vidéo ont raté le train de l’apprentissage machine.
Du moins jusqu’il y a un an ou deux, lorsque les labos d’IA où cette même intelligence artificielle auto-apprenante a été développée ont commencé à l’utiliser comme ‘outil d’apprentissage’. DeepMind, une entreprise du groupe Alphabet (et donc maison-soeur de Google) a mis au point des ‘agents IA’ qui jouent des jeux dans le jeu de stratégie StarCraft II et le jeu de tir Quake III Arena. OpenAI, un labo de San Francisco dont l’un des cofondateurs est Elon Musk, adopte la même démarche dans son jeu de stratégie DotA 2.
Faire son propre arrêt au stand
Avec A.N.N.A. dans MotoGP et Ride, la direction prise est totalement opposée: un tel agent est bel et bien intégré dans le jeu vidéo. Avec toutefois une différence que le studio de développement fait par rapport à l’IA dans un jeu vidéo classique puisque l’agent qui participe à la course contre des joueurs humains décide en toute autonomie, sur base de l’état du moteur et des pneus, du meilleur moment pour faire un arrêt au stand. En d’autres termes, le système se fixe des objectifs à long terme et ne travaille pas seulement de manière tactique, mais aussi stratégique. “Nous n’avons pas expliqué pas à pas à l’AI ce qu’elle devait faire, explique Giuseppe Campana, ‘ lead machine learning programmer’ chez Milestone. “En revanche, nous l’avons conçue sur la base d’objectifs précis.”
A.N.N.A. est donc un agent IA ‘intégré’ qui fonctionne sur la console ou l’ordinateur indépendamment du réseau neuronal qui l’entraîne. L’étape suivante paraît évidente: proposer des jeux vidéo qui puissent, via l’internet, être directement alimentés par de l’intelligence artificielle auto-apprenante. Mais cette approche nécessiterait encore pas mal de progrès techniques et est d’ailleurs superflue aux yeux de Crocetta. “C’est difficile à expliquer sans donner à penser que je sous-estime notre jeu, mais une IA encore plus intelligente n’est pas nécessaire pour cette application. Cela reste de l’IA pour jeux vidéo et l’objectif n’est pas de l’améliorer constamment.
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