Les jeux vidéo de l’avenir: chaîne de blocs et quantique

'No Man's Sky' (à g.) et 'C.L.A.Y.: The Last Redemption' (à dr.) utilisent des algorithmes pour construire le monde.

En prélude au très célèbre salon Gamescom, les développeurs de jeux se sont donné rendez-vous à Cologne pour le Devcom qui leur a permis durant deux jours d’échanger leur vision d’avenir sur les jeux.

La principale révolution attendue par bon nombre des 3.500 développeurs de jeux présents au Devcom concerne le Web3, entendez les cryptomonnaies, la chaîne de blocs, les NFT et autres technologies qui, aux dires de ceux qui la promeuvent tout au moins, induiront une véritable décentralisation de l’Internet. Et notamment au niveau des jeux vidéo qui, depuis l’arrivée du multi-jeu en ligne voici une vingtaine d’années, sont devenues de simples applications Internet.

On trouve désormais les premiers exemples de jeux basés sur la technologie crypto, et notamment Alien Worlds, CryptoBlades et Axie Infinity, trois jeux crypto qui tournent respectivement sur la chaîne de blocs WAX, Binance et Ethereum, et qui permettent notamment de gagner des devises numériques grâce à des combats en ligne face à d’autres joueurs.

Or ces jeux sont désormais dans une situation duale. En effet, de telles applications de jeu se situent en marge de l’industrie du jeu vidéo, sachant que les jeux éditeurs de jeux commerciaux ont fait leurs premières armes sur le marché crypto de manière très inconsistante, imprudente et opportuniste. C’est ainsi qu’Ubisoft, l’éditeur français à l’initiative de succès comme Assassin’s Creed, a lancé l’an dernier des NFT qui ne pouvaient être encaissés qu’en jouant durant 600 heures en continu au jeu Ghost Recon: Breakpoint entre-temps voué à l’échec commercial. En d’autres termes, jouer durant près de 6 mois un jeu à contre-coeur pour engranger des NFT qui selon le marché, ne valent pratiquement rien, voilà qui n’est sans doute pas la meilleure façon de procéder. “Dans l’industrie du jeu, la technologie crypto a acquis une telle réputation néfaste que le développement d’applications intéressantes s’en trouve pénalisé”, estime Miriam Verburg, ‘executive producer’ de l’éditeur canadien de jeux Bloom Digital Media, qui teste pour l’instant la technologie crypto dans ses futurs jeux.

Dans l’industrie du jeu, la technologie crypto a acquis une telle réputation néfaste que le développement d’applications intéressantes s’en trouve pénalisé.

Eléments de jeu universels

Cela étant, une analyse plus fine permet de constater que la technologie pourrait ouvrir des perspectives insoupçonnées. Ainsi, la technologie de la chaîne de blocs pourrait concrétiser un vieux rêve des éditeurs de jeux, à savoir la possibilité de transférer des avatars, voire des éléments de jeu, d’un jeu à un autre. Or un tel rêve est plus ancien que l’on pourrait le penser puisque dans les années ’80, des personnages bricolés par un joueur dans les jeux The Bard’s Tale et Ultima III pouvaient déjà être échangés entre ces deux jeux, tandis qu’en 2007, une initiative similaire voyait le jour sous la forme d’un avatar universel capable de voyager de Second Life à Entropia ainsi que vers d’autres mondes en ligne.

'No Man's Sky' (à g.) et 'C.L.A.Y.: The Last Redemption' (à dr.) utilisent des algorithmes pour construire le monde.
‘No Man’s Sky’ (à g.) et ‘C.L.A.Y.: The Last Redemption’ (à dr.) utilisent des algorithmes pour construire le monde.

“Le noeud du problème avec les jeux crypto actuels est que l’on va considérer les NFT qu’ils génèrent directement comme un article susceptible d’être échangé, indique Kelly Vero, une ancienne conceptrice de jeux qui opère désormais comme consultante auprès d’entreprises du monde numérique et qui partage son savoir-faire des applications Web3. “Il faut que cela cesse. Un élément numérique à base crypto doit pouvoir faire quelque chose pour vous en tant que joueur et l’objectif premier ne peut pas être d’inciter d’emblée à la vente. Certes, on doit pouvoir autoriser un marché en ligne pour de tels objets, mais cela doit être accessoire et il faut autant que possible décourager les achats spéculatifs.”

Tout simuler

Une autre révolution qui se profile à l’horizon du secteur du jeu concerne l’informatique quantique. Non pas que les éditeurs de jeux considèrent les ordinateurs quantiques comme une plateforme, sachant que l’on n’en recense que quelques dizaines dans le monde et que ceux-ci tournent dans les labos de géants de la technologie comme IBM, Google et Intel. Mais si un tel ordinateur quantique est connecté à un autre ordinateur, il lui est possible d’exécuter des calculs qu’un système informatique classique n’est pas en mesure d’effectuer. C’est ainsi que les ordinateurs quantiques sont notamment utilisés pour les prévisions météo ou le développement de nouveaux médicaments: comme ils scindent leurs données en ‘chambres’ numériques multidimensionnelles, il leur est possible de détecter plus rapidement des associations et des modèles entre divers points de données. Cette puissance de calcul ultra-rapide pourra, à mesure que la technologie quantique deviendra plus courante et moins chère, profiter également aux jeux vidéo, estime encore la conceptrice finlandaise de jeux Natasha Skult. “L’ordinateur quantique deviendra un outil permettant de présenter un monde de jeu parfaitement adapté à ce que souhaite un joueur, jusque dans ses moindres détails.”

'No Man's Sky' (à g.) et 'C.L.A.Y.: The Last Redemption' (à dr.) utilisent des algorithmes pour construire le monde.
‘No Man’s Sky’ (à g.) et ‘C.L.A.Y.: The Last Redemption’ (à dr.) utilisent des algorithmes pour construire le monde.

L’éditeur de jeux de Skult, MiTale, propose d’ailleurs avec C.L.A.Y.: The Last Redemption, l’un des premiers jeux basés sur cette technologie. Grâce à la puissance de calcul d’un ordinateur quantique d’IBM, l’éditeur a conçu un jeu dont le monde évolue constamment en fonction de chaque joueur individuellement. “Cela donne surtout une plus grande liberté, fait remarquer Skult. En tant que concepteur de jeu, on peut s’appuyer sur une puissance de calcul brute telle qu’il n’est pratiquement plus nécessaire d’effectuer du codage en dur. Tout ce que l’on propose dans un jeu peut être simulé.”

Puissance procédurale

A terme, l’informatique quantique permettra de doter l’IA des adversaires des jeux vidéo d’un QI supplémentaire, tandis que tous les jeux basés sur des composants ‘procéduraux’ pourront proposer des mondes dont la taille augmentera de manière exponentielle. Songeons à des titres comme Minecraft ou No Man’s Sky dont les concepteurs ont créé un univers complet en utilisant seulement des modules de ce monde auquel ils ont ajouté la faune et la flore, après quoi un algorithme a permis de construire l’ensemble du monde. Cet algorithme fonctionne pour l’instant avec des données stockées dans la console de jeu ou le PC proprement dit, mais celles-ci pourraient très bien provenir d’un centre de données qui hébergerait un ordinateur quantique.

Les décors procéduraux ont fait leur apparition voici une quinzaine d’années dans les jeux vidéo, tandis qu’un jeu d’aventure comme Road 96 appliquait le même principe dans les histoires de ses cinq personnages principaux. “Il s’agit d’un récit sous forme d’une structure classique à trois acteurs, mais les trois entreprises se partagent ensemble 60 séquences qui apparaissent de manière totalement aléatoire, explique son concepteur Yoan Fanise. Ces séquences ont également leur propre issue et se raccrochent de différentes manières à d’autres séquences. Cela permet d’obtenir un nombre pratiquement illimité de possibilités, ce qui permet aux joueurs de créer une sorte d’effet papillon: la plus petite chose que l’on fait a un impact sur le monde du jeu.”

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire