L’avenir est hybride
L’année dernière, les entreprises ont pour la première fois investi davantage dans le cloud public que dans leur propre centre de données. Mais est-ce le chant du cygne pour le centre de données sur-site. L’avenir apparaît plus hybride que jamais.
Le bureau d’études Synergy a calculé que les dépenses mondiales en cloud public avaient été l’an dernier supérieures à celles dans les centres de données sur-site. Ainsi, le marché des services d’infrastructures cloud a augmenté en 2020 de 35%, alors que les budgets alloués aux centres de données ont régressé de 6%. Le bureau s’attend à voir les entreprises réduire drastiquement leurs dépenses dans les centres de données sur-site au cours des 5 prochaines années, alors que celles dans les services cloud augmenteront fortement durant la même période.
Une prévision que partage Gartner qui estime que les dépenses en projets cloud poursuivront leur croissance après la crise de la Covid-19, sans parler des budgets nécessaires pour supporter les projets existants dans le cloud. Toujours selon Gartner, les dépenses liées à la migration dans le cloud augmenteront pour représenter 45% du budget total d’ici 3 ans.
Le sur-site reste pertinent
“Le cloud public tourne désormais à plein régime, estime Jo Leemans, directeur Infrastructure Services, Outsourcing & Reselling chez Inetum-Realdolmen. La Belgique était à cet égard quelque peu à la traîne, mais la crise du coronavirus a donné un coup d’accélérateur.” Cela ne signifie toutefois pas que les entreprises vont désormais basculer totalement dans le cloud public. “Le centre de données interne sur-site reste pertinent. Pour certaines charges de travail, notamment les applications en temps réel qui supportent l’intelligence artificielle, l’infrastructure maison reste un must.” En pratique, les entreprises vont évoluer vers un environnement hybride où des centres de données internes vont coexister avec un ou plusieurs clouds publics. “Le grand défi de l’avenir sera de trouver une solution pour gérer efficacement cette infrastructure hybride.”
Or il n’existe pas encore de solution prête à l’emploi. “On peut certes envisager la plateforme cloud de VMware et des applications comme Terraform, explique encore Lo Leemans, mais aucune véritable solution complète n’est encore disponible. Il s’agit d’un domaine où presque chacun investit massivement. Or il s’agit d’un problème complexe: les entreprises doivent choisir dès maintenant la voie qu’elles veulent emprunter, alors que personne n’est en fait certain de la direction à suivre.”
Jo Leemans compare cette situation à l’équipement d’un foyer standard. “Le poste de TV, le décodeur pour la TV numérique, le lecteur de DVD, le système surround: chacun a sa propre télécommande avec des dizaines de boutons et de fonctions. Tel est l’environnement hybride d’aujourd’hui: tout est géré séparément avec des consoles différentes offrant de très nombreuses fonctions. Or il est aussi possible de passer à une seule et même télécommande, avec toutes les fonctions de base, mais moins de complexité.”
Sur-site important? Autant d’opportunités
Si le cloud public a fortement le vent en poupe, c’est notamment parce que les entreprises considèrent le cloud toujours plus comme une extension de leur infrastructure sur-site. Du coup, le cloud héberge un mélange hétéroclite d’applications. Ce sont en partie des applications existantes qui ont été migrées dans le cloud selon un processus ‘lift and shift’, le cas échéant adaptées au nouvel environnement. Mais d’autre part, certaines entreprises choisissent optent toujours plus pour une stratégie ‘cloud-first’ où les nouvelles applications – qu’elles soient achetées ou développées en interne – tournent d’emblée dans le cloud public.
Une étude de Gartner montre en tout cas que le portefeuille applicatif des entreprises est en pleine évolution. Les entreprises continuent en effet à basculer des applications dans le cloud public, mais évoluent dans le même temps vers une approche cloud-native, le cloud public devenant l’environnement par défaut d’un pourcentage croissant de nouvelles charges de travail. Un constat que confirme IBM qui, dans une enquête, montre qu’en 2019, quelque 90% des entreprises travaillaient dans le cloud. A y regarder de plus près cependant, il ressort que 20% maximum tournent leurs charges de travail dans le cloud, essentiellement des micro-services cloud-native, tandis que de 70 à 80% de l’ensemble des charges de travail sont encore et toujours sur-site. Un tel constat ouvre de multiples opportunités, estime IBM qui voit ainsi s’ouvrir un nouveau chapitre de l’évolution du cloud, à savoir les environnements hybrides multi-clouds.
Expérience cloud
En pratique, la problématique est relativement triviale: quelle application déporter idéalement dans le cloud? “Il semble évident que les applications de bureautique, mais aussi l’ERP et le CRM trouveront parfaitement leur place dans le cloud, estime Jo Leemans. Mais les entreprises s’intéressent toujours plus au cloud pour des applications critiques spécifiques.” Le coût – l’argument par excellence avancé en son temps – ne semble désormais plus la motivation majeure. “Les entreprises se tournent vers le cloud essentiellement pour des questions de flexibilité et d’évolutivité: activer et désactiver plus facilement un environnement, par exemple un environnement de test, ou pouvoir réagir plus rapidement à l’évolution des besoins en puissance de calcul ou en stockage. Tout est là.”
Dans un scénario idéal, les entreprises visent à combiner la flexibilité du cloud public à la disponibilité et la proximité d’une infrastructure sur-site. Des solutions telles que Dell Flex on Demand ou HPE GreenLake s’inscrivent dans cette évolution puisqu’elles fournissent une infrastructure sur-site dans le centre de données du client, alors que celui-ci ne paie qu’à l’utilisation, comme dans le cloud public. Ce faisant, l’utilisateur évite d’importants investissements associés à un centre de données interne, tandis que le fournisseur fournit une capacité tampon suffisante. Si l’entreprise a besoin de croître rapidement, elle peut le faire dans son propre centre de données, exactement comme c’est le cas dans le cloud public.
Services cloud dans l’edge
Les récents bouleversements dans la chaîne d’approvisionnement mondiale – notamment à la suite du blocage du Canal de Suez – donnent à penser qu’à terme, l’industrie transférera une partie de sa capacité de production au plus près des consommateurs. “Ce qui impliquera inévitablement un regain d’intérêt pour l’infrastructure sur-site, poursuit Jo Leemans. En effet, la gestion d’une ligne de production doit se faire idéalement avec des serveurs installés à proximité. Donc pas dans le cloud public, et même pas dans un centre de données local, mais dans l’edge. C’est certainement le cas lorsque cette gestion fait appel à l’intelligence artificielle et nécessite des calculs lourds en temps réel qu’il faut exécuter puis rapatrier.”
Une telle évolution n’a d’ailleurs pas échappé aux hyperscalers. Selon Gartner, il faut s’attendre à voir ces hyperscalers de type Microsoft, Amazon ou Google, conquérir également ces prochaines années le marché de l’edge computing. En 2020, moins de 1% de l’ensemble des plateformes installées pour l’edge computing étaient gérées par des hyperscalers. Mais Gartner prévoit que ce taux atteindra jusqu’à 20% en 2023. Il s’agirait en l’occurrence de services prêts à l’emploi pour l’edge qui se concentreraient sur un cas d’utilisation spécifique. Soit une évolution logique. En effet, les primo-utilisateurs de l’edge font appel à des ensembles technologiques développés sur-mesure, souvent en fonction d’un cas pratique particulier. Et plus la demande pour ce type de solutions augmentera, plus les hyperscalers ouvriront leurs solutions, ce qui permettra de répondre à plusieurs problématiques différentes.
Succès de l’hyperconvergence
Dans ce contexte de l’edge, la notion d’infrastructure hyperconvergée (HCI) tend à s’imposer. Il s’agit de solutions associant puissance de calcul, stockage, réseau et virtualisation au sein d’un même ensemble. Les fournisseurs positionnent le HCI comme une solution sur-site offrant des caractéristiques de type cloud. Selon Gartner, quelque 30% des solutions HCI vendues seront installées dans l’edge d’ici 2050, soit le double par rapport à aujourd’hui.
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