La gestion de données comme arme dans la lutte contre la drogue
Une navigation efficace s’appuie sur une collaboration étroite entre de nombreux acteurs différents. La gestion et le partage de données contribuent à une plus grande transparence dans le port. Et permet même de mieux lutter contre le trafic de drogue.
Le port d’Anvers est le décor quotidien de milliers de processus. Transborder des marchandises à rythme soutenu d’un navire intérieur sur le quai, du quai sur un camion ou un navire de mer, ou d’un navire de mer à un autre. Chaque acteur de ce cycle dispose d’un trésor de données, sans pour autant avoir une vue globale du processus. ” Lorsqu’un navire entre au port avec des milliers de conteneurs, les manutentionnaires ou les transbordeurs ne connaissent généralement pas la destination finale du chargement, a expliqué Stephan Vanfraechem, directeur général d’Alfaport Voka dans le cadre du Curiosity Forum du développeur de logiciels SAS. S’ils savaient que les conteneurs poursuivent leur route par chemin de fer, ils pourraient installer directement le chargement à l’endroit du terminal le plus approprié. Or aujourd’hui, les agents portuaires doivent déplacer les conteneurs à plusieurs reprises. L’absence de vue globale, le recours à des plateformes numériques différentes et la masse de documents papier sont très gourmands en temps et en énergie. ”
Nous traçons chacune des étapes effectuées par l’utilisateur.
Les données comme matière première
La plateforme de données NxtPort, issue d’une initiative de plusieurs entreprises portuaires, doit permettre d’apporter une réponse à cette problématique. La plateforme collecte les données en différentes points de la chaîne logistique avant de les mettre après traitement à la disposition des acteurs qui en ont besoin. L’écosystème de NxtPort regroupe notamment des entreprises portuaires, la douane, les pilotes, les chemins de fer et la navigation intérieure. La plateforme garantit un contrôle d’accès extrêmement strict. NxtPort contrôle l’authenticité de l’utilisateur des données avant de l’autoriser ou non à accéder à l’information. Pour certains profils d’utilisateur prédéfinis, la consultation de données automatique est possible. ” Nous traçons chacune des étapes effectuées par l’utilisateur, précise Geert De Wilde, CEO de NxtPort. Toute personne qui fournit des données sait donc directement qui consulte ces données. Cette information apprend s’il convient ou non d’adapter l’offre ou les règles. ”
L’utilisateur de données verse une rétribution qui transite par NxtPort pour être transférée à celui qui a fourni l’information. Les partenaires fonctionnels peuvent, sur la base des données disponibles, développer de nouvelles solutions et les mettre à la disposition des utilisateurs via la place de marché de NxtPort (moyennant paiement). Il s’agit en l’occurrence surtout de start-up qui développent un produit ou un service sur base de ces données, de prestataires de services logistiques qui désirent innover, ou encore de grandes entreprises à la recherche d’une plus grande visibilité dans la chaîne logistique. La place de marché numérique intègre notamment une plateforme de chaîne de blocs basée sur la technologie de NxtPort. Stephan Vanfraechem estime qu’il reste du chemin à parcourir. ” Tout le monde est conscient de la nécessité de partager les données et s’attend par ailleurs à en retirer un bénéfice opérationnel. Pourtant, chacun préfère se promener autour de la piscine plutôt que d’y plonger. ”
Contrôles plus pertinents
Les données collectées et diffusées par NxtPort constituent une source d’information pour la plateforme ViSiGiP. Cette application offre davantage de visibilité sur le processus d’inspection de la douane. Stephan Legein, conseiller général au département Douanes et Accises : ” Nous sélectionnons les conteneurs à contrôler avant même que le navire n’entre dans le port et informons les différents acteurs en temps réel. En enregistrant chacune des étapes du processus d’inspection, chacun des acteurs a une vue précise de l’état du conteneur, depuis le moment où celui-ci quitte le terminal jusqu’à la sortie de la zone d’inspection en passant par l’arrivée au poste d’inspection de la frontière. Une telle approche offre de nombreux avantages, et notamment une circulation mieux répartie. Autrefois, les chauffeurs devaient faire la queue durant longtemps au poste de douane. Mais grâce à ViSiGiP, les différents acteurs ne doivent plus téléphoner ou envoyer un courriel, et peuvent planifier le trajet du chargement de manière plus efficace. Par ailleurs, il existe une dimension plus stratégique dans la mesure où les chauffeurs peuvent plus difficilement échapper à un contrôle. ”
Stephan Vanfraechem plaide, au nom de l’organisation des entreprises Alfaport Voka, pour une intégration plus étroite encore des données. ” Les ports de Rotterdam et d’Anvers accueillent de nombreux navires en provenance d’Amérique latine. Les cargaisons font l’objet d’une inspection physique, ce qui n’empêche toutefois pas des organisations mafieuses de tenter d’importer de la drogue. Evidemment, ces navires ont un port de départ. Si nous pouvions disposer de données plus précises sur les ports de départ, il serait possible de détecter plus rapidement et plus efficacement toute construction illégale. En outre, la durée des trajets de navigation nous permet de disposer de plus de temps pour identifier les activités suspectes avant même que le navire n’entre dans notre port. Les ‘big data’ rationnalisent dès lors le processus de contrôle, l’inspection physique par scanning représentant l’étape finale. ”
Tout le monde est conscient de la nécessité de partager les données et s’attend par ailleurs à en retirer un bénéfice opérationnel. Pourtant, chacun préfère se promener autour de la piscine plutôt que d’y plonger.
Selon Stephan Legein, les pouvoirs publics et les organismes douaniers sont déjà bien avancés dans cette direction. Et Geert De Wilde mise beaucoup, au nom de NxtPort, sur les potentialités de la chaîne de blocs et de l’intelligence artificielle pour mieux cartographier ces différents processus.
Trafic fluidifié
Le contexte dans lequel opère NxtPort ne se limite pas uniquement au port. ” Lorsqu’un porte-conteneurs chinois arrive chez nous, toute une chaîne logistique se met en place. Un grand nombre de camions quitte le port, ce qui se traduit par une hausse du trafic routier. Dès lors, nos données revêtent une certaine valeur pour les instances de gestion du trafic routier “, précise Geert De Wilde. Un message parfaitement bien compris par Bieke Moelans, chercheur en mobilité et en sécurité routière auprès de la Vlaamse Overheid. ” La science des données nous aide à résoudre les principaux problèmes de trafic et de sécurité routière. Les mesures de densité et d’intensité du trafic nous permettent d’évaluer assez précisément les risques de files – et même d’accidents – et d’y apporter les réponses adéquates. ”
En outre, la disponibilité des données doit permettre d’avertir automatiquement les chauffeurs lorsque ceux-ci approchent un ralentissement du trafic, ce qui peut réduire considérablement le nombre de collisions en chaîne. Un autre projet est consacré aux parkings publics le long des autoroutes. ” Les chauffeurs de poids lourds doivent respecter des temps de conduite et de pause obligatoires, explique Bieke Moelans. Comme ils ne connaissent pas le taux d’occupation des parkings autoroutiers, ils se voient parfois contraints de rouler plusieurs dizaines de kilomètres supplémentaires avant de pouvoir s’arrêter. Une situation que ces chauffeurs peuvent anticiper s’ils savent que le parking le plus proche offre encore de la place. ”
Moins de conteneurs vides
Bieke Moelans est un partisan convaincu de l’évolution modale en direction du trafic de fret partagé. Comme la réutilisation des conteneurs constitue à cet égard un maillon essentiel, le partage de données joue à nouveau un rôle primordial. L’éditeur anversois de logiciels Avantida a développé pour ce faire la plateforme cloud reUse, laquelle permet aux compagnies maritimes de proposer les conteneurs vides aux entreprises de transport afin de les réutiliser. Celles-ci vérifient à leur tour si elles peuvent charger du fret dans les environs de leur destination initiale. Ce faisant, le nombre de camions vides diminue sensiblement. Dans ce contexte, Avantida fait office d’acteur neutre entre les transporteurs et les compagnies maritimes. L’éditeur de logiciels a entamé ses activités en 2012 et a entre-temps déployé son application aux Etats-Unis et au Canada également.
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