Impression 3D : la fabrication comme débouché
Quel est le véritable avenir de l’impression 3D ? Popularisée auprès du grand public voici quelques années sous la forme de gadgets, cette technologie est désormais très timide dans ce domaine. Mais les choses évoluent davantage dans l’industrie notamment, comme l’a montré HP durant son Innovation Summit de Barcelone.
” Notre stratégie consiste à imposer l’impression 3D dans la fabrication, lance d’emblée EmilioJuárez, 3D printing EMEA sales director chez HP. Cela fait longtemps que l’impression 3D est attendue dans la production, mais c’est désormais enfin une réalité. ” Par ‘enfin’, Juárez évoque surtout les HP Jet Fusion 500 et 300, la nouvelle gamme d’imprimantes 3D industrielles lancée fin de l’an dernier. ” Nous avons des clients qui se rendent pour la première fois compte qu’ils peuvent exploiter cette technologie pour fabriquer leurs produits. La qualité, les volumes de production et la rentabilité offrent désormais le niveau requis pour la production. ”
Nous avons essayé de proposer notre produit directement au client final, mais celui-ci n’est pas prêt.
Nouveaux modèles commerciaux
Les appareils sont surtout commercialisés pour le prototypage et les objets personnalisés, mais les entreprises qui utilisent désormais l’impression 3D sont actives dans différents domaines. Ainsi, l’italienne Ficep a commencé comme société ‘after-service’. ” Nous produisions des pièces pour l’industrie sidérurgique structurelle, explique Nuno Neves, son directeur. Lorsque des architectes conçoivent un pont, ils le divisent en petits éléments et nous fabriquons dans nos usines l’ensemble de ces éléments qui sont ensuite assemblés. Toute la fabrication est commandée par des robots. ” Ficep s’est tourné vers l’impression 3D par nécessité, estime Neves. ” Il s’agissait pour nous d’une sérieuse économie et, comme il se doit, nous avons commencé par l’utilisation de l’impression 3D avant de nous tourner vers la fabrication additive. ” En passant donc de constructeur de ponts à fournisseur – partiel – de services donc. ” Nous aidons les entreprises à en arriver où nous sommes désormais “, conclut Neves.
Faire évoluer son modèle commercial sous l’impact de la technologie, tel est également le chemin accompli par la belge Ziggzagg. L’entreprise a démarré voici 7 ans comme bureau de services IT avant de se tourner progressivement vers l’impression 3D. ” Nous avons commencé par des modèles architecturaux pour nous transformer ensuite en un fournisseur ‘tout-en-un’ capable d’aller du développement depuis son stade initial jusqu’à la fourniture finale du produit “, précise StijnParidaens, CEO. L’une des spécialités de l’entreprise est la reconception de pièces afin d’exploiter au maximum le potentiel de l’impression 3D. Et Paridaens de citer l’exemple d’une voiture de course. ” Celle-ci est utilisée pour les courses d’endurance, mais l’équipe pour laquelle nous avons travaillé n’avait qu’un seul pilote qui explosait son moteur à chaque course. Nous avons fait un nouveau design de cette pièce pour la rendre plus solide et plus légère. Depuis lors, elle n’a plus cassé. ”
Concevoir pour la 3D
La Jet Fusion 500 utilise un ‘bac’ de 332 x 190 x 248 mm où les couches sont superposées. Chaque couche de 0,08 mm est fabriquée en un seul passage. Un bras appose l’agent de fusion, à savoir une poudre qui est fondue pour constituer la pièce finale, avec autour un ‘detailing agent’ qui évite que la chaleur soit plus élevée que nécessaire et qui assure la finition. Un deuxième bras assemble ensuite le tout par la chaleur et l’imprimante est prête pour la couche suivante. Selon HP, il s’agit là de la méthode la plus rapide et la plus efficace de faire de l’impression 3D détaillée. Pour imprimer un ‘bucket’, il faut compter de 4 à 15 h selon la complexité du produit.
Tout l’art consiste en partie à regrouper un maximum de pièces dans un tel bac et à concevoir les pièces de telle sorte qu’elles exploitent au mieux les potentialités de l’impression 3D. ” Les ingénieurs conçoivent des pièces comme ils l’ont toujours fait. Or il ne s’agit pas vraiment de conception. Il n’y a là rien de nouveau, poursuit Nino Neves. Autrefois, on était notamment limité par un moule et il fallait concevoir une pièce de telle manière qu’elle prenne cette forme. Mais ces limitations n’existent plus. ” C’est l’une des raisons pour lesquelles de nombreuses pièces en impression 3D apparaissent comme une sorte de lattis, pour gagner en poids sans pénaliser la résistance. Par ailleurs, l’impression 3D serait simplement plus flexible. C’est certainement un avantage pour le prototypage, remarque Neves. ” Nous avons un client qui a économisé 180.000 ? rien qu’en moules. ”
Les consommateurs vont acheter des objets imprimés en 3D sans même savoir comment ils sont réalisés.
L’innovation ne porte pas uniquement sur les formes puisque les matériaux sont aussi nettement améliorés. ” La plupart des gens associent encore l’impression 3D aux premières imprimantes à filament. Elles sont chouettes et ont certainement leur place, mais les objets se cassent facilement. C’est pourquoi nous sacrifions énormément de pièces. C’est ainsi que nous avons réalisé des chambres de réaction pour l’un de nos clients. Celui-ci n’avait jamais envisagé de pouvoir imprimer de tels objets. Or le P12 Nylon que nous utilisons est extrêmement solide, résiste à la chaleur et aux rayons UV, etc. “, dixit Neves.
Quoi qu’il en soit, la technologie nécessite encore un travail d’évangélisation. ” Soyons clairs : l’impression 3D ne va pas remplacer toute la production, ajoute Stijn Paridaens. Elle viendra plutôt en complément. Mais pour percer dans l’industrie, les ingénieurs représentent un maillon important. Ce sont eux qui réalisent les concepts et ils ont tendance à continuer à travailler de manière traditionnelle en recourant à des techniques vieilles de dizaines d’années. Et lorsqu’on leur présente un concept en 3D, ils le refusent généralement. Cela dit, on rencontre déjà de nombreux jeunes en Belgique qui ont été en contact avec des imprimantes 3D à l’école, alors que les ingénieurs en entreprise continuent à travailler comme ils l’ont toujours fait. Ils attendent que la technologie fasse ses preuves et qu’elle fonctionne vraiment. ”
Neves : ” Nous devons apprendre aux gens à intégrer l’impression 3D dans leurs concepts et surtout à l’utiliser correctement. Car celle-ci permet de gagner beaucoup de temps et d’argent à condition de bien l’utiliser. Celui qui conçoit spécifiquement pour ce type d’impression peut obtenir de belles choses. ”
Au-delà de la fabrication
Reste à voir si l’impression 3D s’imposera aussi sur le marché grand public, s’interroge encore Paridaens. ” Avant que l’impression 3D ne perce vraiment auprès des consommateurs, elle doit d’abord être utilisée par les grandes entreprises du monde de la distribution. Nous avons essayé de proposer notre Ziggzagg directement au client final, mais celui-ci n’est pas prêt. Il faut de grands ‘retailers’ qui adoptent la technologie et la commercialisent à grande échelle à destination des consommateurs. Ils ont besoin de cette confiance avant de le considérer comme un produit à part entière. ” A cet égard, considère toujours Paridaens, la technologie traîne encore un peu l’image des premiers gadgets imprimés en 3D.
Quoi qu’il en soit, on trouve déjà des revendeurs qui s’intéressent à l’impression 3D. Ainsi, la chaîne américaine Superfeet scanne déjà les pieds de ses clients pour imprimer des semelles personnalisées. ” L’idée sous-jacente est que Marc n’a pas une taille 10 ou 11, mais une taille ‘Marc’ “, précise EricHayes, CEO de Superfeet.
D’autres sociétés, comme le fabricant de chaussures de sport Brooks, vont encore plus loin en réalisant en 3D l’ensemble des éléments d’une chaussure. Voilà qui est l’avenir, estime Emilio Juárez.
” Les consommateurs vont acheter des objets imprimés en 3D sans même savoir comment ils sont réalisés, estime-t-il. Peu importe au final le procédé utilisé. Ils pourront avoir des objets nettement plus personnalisés sans s’inquiéter de leur provenance. Beaucoup des éléments d’un produit seront réalisés en 3D, ce qui constitue la véritable révolution. Elle existe sans que l’on s’en rende compte. Tout est une question de fonctionnalité et de facilité. Parce que c’est plus léger, moins cher et plus rapide. “
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