INTERVIEW “Non, je n’ai pas lu la biographie de Steve Jobs”

A 24 ans, Loïc Bar a déjà écrit 3 livres, créé au moins autant de sociétés, employé jusqu’à 10 personnes et connu une liquidation. Son nouvel enfant, The Smart Company, veut redéfinir le développement logiciel en y appliquant l’analyse de l’activité de l’utilisateur, jusqu’ici cantonnée à quelques initiés des techniques de management. Le précoce entrepreneur liégeois (Visé) nous donne quelques explications sur un début de carrière fulgurant.

A 24 ans, Loïc Bar a déjà écrit 3 livres, créé au moins autant de sociétés, employé jusqu’à 10 personnes et connu une liquidation. Son nouvel enfant, The Smart Company, veut redéfinir le développement logiciel en y appliquant l’analyse de l’activité de l’utilisateur, jusqu’ici cantonnée à quelques initiés des techniques de management. Le précoce entrepreneur liégeois (Visé) nous donne quelques explications sur un début de carrière fulgurant.

Le chemin que vous avez parcouru en à peine 4 ans a de quoi impressionner nombre d’entrepreneurs bien plus âgés que vous. D’où vous vient cette folle envie d’entreprendre ?

Loïc Bar: “Pas vraiment de ma famille, car quasiment tout le monde y est prof. J’ai tout simplement eu envie de faire ce que j’aime, comme je le veux. Les livres que j’ai écrit pour l’éditeur français Micro Applications, référence de la littérature informatique, combinés au titre de Most Valued Professional (ndlr : attribué par Microsoft aux 300 meilleurs développeurs dans le monde), m’ont valu de belles propositions d’emploi mais j’ai voulu conserver la liberté de créer au sein de ma propre entreprise.”

“J’ai à la base une formation très technique, mais je ne suis pas un ‘nerd’. Je ne supporte pas le côté gadget de l’informatique. Je n’ai pas non plus de préférence de ‘chapelle’, que ce soit Microsoft ou Apple. Ce qui m’intéresse, c’est de créer des programmes vraiment utiles pour les gens. J’aurais aussi pu faire de la consultance, j’en fais d’ailleurs toujours occasionnellement, mais lorsque votre mission s’arrête, vous n’avez plus rien.”

Vous employez très vite une dizaine de personnes. Comment expliquez-vous cette ascension rapide ?

Bar: “J’ai eu la chance de faire un stage de fin d’études en France, au sein de Wygwaw, une société innovante dans les nouveaux médias, qui m’a donné l’envie de créer une première SPRL, Wipus, tout seul. Je faisais de la sous-traitance informatique pour de grands groupes, dont Emakina.”

“Après quelques mois, je m’associe à deux autres personnes pour créer deux autres sociétés, dont Heode, spécialisée dans les médias sociaux. Le bouche à oreille fonctionne à merveille et nous ouvre les portes de géants comme Coca-Cola, L’Oréal ou Electrolux. Très rapidement, nous nous sommes retrouvés avec une dizaine d’employés.”

Et puis le rêve vire au cauchemar …

Bar: “En effet. La société grossit un peu trop vite et n’anticipe pas assez les creux d’activité, notamment en été. Mais surtout, la start-up s’embarque avec cinq autres sociétés dans un GIE (groupement d’intérêt économique) qui va s’avérer être une grosse erreur.”

“Le but était de mutualiser certaines dépenses immobilières et frais généraux en se regroupant dans l’AxisParc de Mont-Saint-Guibert, mais nous n’avons pas été assez attentifs au choix de nos partenaires et surtout au fait que le GIE nous rendait solidaire des défauts de paiement des autres.”

“Une autre erreur de jeunesse a été de faire confiance à un ‘business angel’ manipulateur, qui nous a déçus et en a surtout profité pour s’enrichir à nos dépends. Je retiens de cette mésaventure qu’entreprendre, c’est trouver le bon équilibre entre l’euphorie et la gestion des risques.”

S’en suit une liquidation, qui connaît toujours aujourd’hui un prolongement en justice. Comment avez-vous rebondi ?

Bar: “Il y a deux ans, j’ai décidé de m’orienter davantage vers les produits, pour assurer des revenus récurrents, plutôt que les services qui impliquent pas mal de gestion des ressources humaines, ce qui n’est pas ma spécialité. J’ai relancé ma SPRL Wipus et y ai adossé le concept de The Smart Company, qui emploie actuellement six personnes.”

“Sa spécialisation : le développement d’un écosystème de solutions logicielles qui aident les gens au quotidien, en tirant notamment parti des nouveaux terminaux comme les tablettes numériques. Je suis actuellement occupé à ouvrir le capital de la société à d’autres associés. Nous espérons également attirer l’attention de l’un ou l’autre fond à capital-risque.”

La société est basée à Ans, en bordure de Liège, mais vous employez également deux personnes à Londres, pourquoi ? Bar: “C’est un investissement majeur mais 80% de notre chiffre d’affaires (ndlr : autour des 400.000 euros) se situe en dehors de la Belgique. Tout comme une bonne partie des compétences dont nous avons besoin”

Pourquoi ne pas avoir tenté l’aventure dans la Silicon Valley ?

Bar: “J’ai eu l’occasion de travailler pour des clients américains et de me rendre plusieurs fois à New York. Jusqu’à présent, j’ai pu saisir un certain nombre d’opportunités depuis la Belgique. Je ne vois que deux choses qui pourraient à terme me pousser à m’exiler outre-Atlantique, si je ne les trouve pas ici : les capitaux et les personnes hypercompétentes.”

Votre ambition pour les années à venir ?

Bar: “Multiplier le chiffre d’affaires par cinq. Nous supportons pour l’instant la charge de travail avec six personnes. Le tout est de trouver les bonnes personnes. Nous voulons conserver une grande agilité en interne, chaque gamme de produit sous la coupole ‘Smart Company’ gère la commercialisation de ses produits de façon autonome en passant par des revendeurs. La société-mère se concentre sur l’innovation.”

Avez-vous des modèles dans le monde de l’entreprise, un mentor ?

Bar: “Non, je n’ai pas d’icône en tête. Il ne faut pas essayer de copier un parcours. La biographie de Steve Jobs s’est très bien vendue, mais je ne l’ai pas lue.”

Et l’argent dans tout cela ?

Bar: “A 14 ans, je gagnais déjà de l’argent en faisant des sites web. Ne soyons pas hypocrites. Il est clair que la perspective de vendre un jour ma société à prix d’or et de gagner ma liberté sur le long terme ne me déplairait pas.”

Qu’est-ce qui vous frappe dans le petit monde de l’informatique ?

Bar: “Le manque de vision. Les entreprises achètent des systèmes informatiques sans prendre le temps de réfléchir aux besoins quotidiens des utilisateurs. On se limite souvent aux besoins exprimés des gens, mais sans analyser vraiment leur façon de travailler. La pression commerciale des fournisseurs joue également un rôle.”

“Le gros défaut du secteur, c’est la grande disparité entre ceux qui vendent les logiciels et ceux qui les conçoivent. Que ce soit pour un architecte qui souhaite automatiser un rapport de performance énergétique des bâtiments, une PME qui veut passer à la facturation électronique ou un ménage qui veut maîtriser sa consommation électrique avec un compteur intelligent, The Smart Company défend une nouvelle façon de concevoir les logiciels. Le fil rouge est à chaque fois de partir d’une analyse poussée, pendant minimum deux mois, de l’activité et du comportement quotidien de l’utilisateur visé.”

Parcours express – A 14 ans, gagne déjà de l’argent en créant des sites web
– diplôme en informatique de gestion à la Haute Ecole Provinciale de Liège
– A 20 ans publie “Facebook et OpenSocial” chez l’éditeur français Micro Applications
– Suivront “Silverlight 4” et “Développez vos applications pour Android, iPhone et iPad”.
– Donne sa première conférence au Palais des Congrès de Paris pour la grand-messe de Microsoft en France
– Recoit le titre de Most Valued Professional de Microsoft
– Facebook fait appel à lui pour gérer sa communauté de développeurs en Belgique
– Crée en 2008 la SPRL Wipus, puis s’associe pour lancer Heode
– Liquidation d’Heode
– Création en 2010 du concept The Smart Company

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