L’expérience Nexus 4

Beaucoup d’encre, électronique ou pas, a coulé suite aux sorties successives des Nexus de Google. Quelques mois après la “sortie” du Nexus 4, que vaut-il exactement? Quelques réflexions.

Le Nexus 4 n’est pas un smartphone normal, il est impossible de le considérer comme tel au sein d’un article comme celui-ci, tant les avantages et inconvénients de l’appareil dépassent les simples considérations hardware et software. On a déjà parlé en long et en large des spécificités techniques de l’appareil et de son rapport qualité-prix inouï, inutile de le refaire ici. Intéressons-nous plutôt à l’utilisation quotidienne de l’appareil, sa philosophie, et ce qui le démarque de la concurrence tant au sein d’Android que face aux pommes de Cupertino.

On va commencer par les défauts. Et quel est le plus gros défaut du Nexus 4? Sa disponibilité initiale. On a critiqué Apple pour sa politique de gestion de l’offre et de la demande, créant souvent (artificiellement?) des ruptures de stock qui augmentent l’aspect exclusif de leurs produits. Rien de tel chez Google, qui a montré un amateurisme total et ridicule à notre époque. L’argument massue du Nexus 4, c’est son prix. Oui, mais pour en bénéficier, il faut l’acheter sur le Google Play Store. Qui n’est disponible que dans une poignée de pays, et pas en Belgique. Passer par un proxy n’y changera rien, il faut une adresse postale locale. On doit donc passer par une connaissance française (ou allemande, britannique, etc), payer doublement les frais d’envoi et compliquer la gestion de la garantie et du service après vente. Ou alors, on peut l’acheter dans une poignée de magasins qui osent vendre l’appareil… presque au double du prix de Google. De plus, lors des premières mises en ventes, le Nexus 4 s’est retrouvé en rupture de stock après quelques minutes, lors de ventes généralement non annoncées par Google. Les choses s’améliorent actuellement, et le Nexus 4 est disponible dans la majorité des Google Play Stores, mais c’était, à défaut d’un mot un peu plus vulgaire, un fameux bazar.

Cette étape délicate franchie, on se retrouve propriétaire d’un Nexus 4. La réaction dépendra alors totalement des attentes et de l’expérience de l’utilisateur.

On le sait, ce qui est sans doute le plus gros défaut d’Android, c’est la fragmentation des versions du système d’exploitation. Là où la grande majorité des iDevices sont mis à jour quelques heures après la sortie d’un nouvel iOS, les téléphones Android doivent très souvent attendre le bon vouloir des constructeurs pour voir une mise à jour. Pourquoi? Parce que la grande majorité des fabricants “embellissent” Android avec une surcouche. Les plus connues sont TouchWiz (Samsung) et Sense (HTC). Quand une nouvelle version d’Android sort, les fabricants doivent adapter la surcouche à Android, et puis seulement envoyer la mise à jour vers certains téléphones : ceux qui sont considérés comme trop bas de gamme sont souvent oubliés, c’est pour cela qu’un pourcentage non négligeable d’androphones tournent toujours sous Gingerbread (Android 2.3, sorti en décembre 2010).

Google en avait marre d’être ridiculisé par Apple sur ce point-là (difficile de leur donner tort), et a donc lancé le programme Nexus. Des téléphones et tablettes “nus”, sans aucune surcouche.

Avantage : Google peut envoyer une mise à jour immédiate, et mettre à jour rapidement l’intégralité de sa gamme Nexus. Les possesseurs de Nexus sont systématiquement en possession de la version la plus récente.

Inconvénient : ceux qui passent d’un, disons, Samsung Galaxy S III à un Nexus peuvent se sentir perdus et désemparés face à un téléphone qui semble offrir moins de fonctions. Ce qui se passe, c’est que pas mal de choses sont disponibles via les applications ou dans les menus, souvent fouillés, de Jelly Bean, la dernière version d’Android qui équipe le Nexus 4.

Un exemple vécu par beaucoup de monde : le Nexus 4 comporte une LED multicolore de notification, ce qui est une excellente idée. Seulement, pour pouvoir en profiter le mieux possible, il faut télécharger une application (Light Flow, par exemple), car la gestion complète n’est pas disponible “de base”. Pour l’utilisateur de smartphone qui a toujours eu l’habitude d’être pris par la main, évidemment, la courbe de progression est longue mais, selon moi, bénéfique à terme. Ce qui amène au second avantage des Nexus : la customisation totale.

Point de jailbreak, de Cydia ou que sais-je encore pour les Nexus (ou pour Android en général, mais c’est encore plus simple ici). Une manipulation simple et réversible permet de “rooter” le téléphone, c’est à dire d’avoir accès aux fonctions système de celui-ci. Les esprits chagrins vous diront qu’il est alors exposé à plus de risques, à quoi je répondrai qu’il vaut mieux contrôler son téléphone que d’être contrôlé par lui. À partir de là, tout, ou presque, est possible : vous pouvez installer des ROM custom (en gros, changer le système d’exploitation pour changer l’apparence des menus) ou des kernels alternatifs (c’est à dire le noyau d’Android), pour avoir plus de contrôle, notamment sur les performances ou l’autonomie.

J’insiste fortement sur le fait que rien de tout ça n’est obligatoire, votre Nexus fonctionnera parfaitement bien en sortant de la boîte. Le programme Google Nexus propose une liberté totale en ce qui concerne le contrôle de votre téléphone (et de votre tablette, tous ces points sont rigoureusement identiques pour les Nexus 7 et 10). Et même si cette phrase sonne comme une publicité Google, elle est véridique. Il faut juste avoir un peu plus de temps, prendre la peine de se renseigner pour obtenir ce que l’on désire. Mais les meilleures choses dans la vie nécessitent quelques efforts, non?

Voilà pour la “philosophie” Nexus. Mais que vaut le téléphone lui-même? Une fois de plus, la question est relativement complexe. Si on le compare à un iPhone 5, à un niveau purement hardware, la batterie et l’appareil photo de ce dernier sont meilleurs. Point final. Si on le compare notamment aux Sony Xperia et Samsung Galaxy haut de gamme, la comparaison est plus délicate, mais tournera aussi en faveur de ceux-ci.

Mais il faut comparer ce qui est comparable, et le Nexus coûte quelques centaines d’euros de moins que ces appareils. Si on garde en permanence cette idée en tête, alors, il est difficile de trouver des défauts importants au Nexus, malgré son appareil photo milieu de gamme (mais pas mauvais du tout), son autonomie moyenne (mais satisfaisante, une fois de plus si on se renseigne un minimum sur ce qu’on fait), son absence de stockage extensible Surtout que pour une fois pour un androphone, son design soigné et classieux n’a rien à envier à ce qu’on trouve de l’autre côté.

Niveau performances, le Nexus 4 est très rapide, grâce, évidemment, à son processeur quad core Snapdragon 1,5 Ghz et ses 2 GB de RAM. Même l’application native Facebook est plus ou moins rapide, c’est dire si le smartphone est réactif. Évidemment, on aurait sans doute préféré un slot microSD. 8 ou 16 GB (en fait, 5,67 ou 12,92 GB d’espace disponible), c’est un peu court surtout si on a l’habitude d’écouter de la musique en déplacement.

Mais peut-on vraiment le reprocher à Google? Est-ce leur faute si les abonnements data proposés en Belgique sont à la traîne par rapport aux pays frontaliers? Si nous pouvions nous aussi disposer du data (quasi) illimité, alors ces 16 GB ne seraient pas un problème, compte tenu de l’existence de services cloud (Dropbox, Mega, Drive, etc) et de streaming (Spotify, Netflix bientôt, espérons-le). On notera d’ailleurs que le Nexus n’est pas censé être disponible chez nous, c’est pour cela que les services Play Musique/Livres/Films ne le sont pas non plus. On peut aussi espérer que Google repensera la gestion de ses services, mais il semble que la Belgique ne soit pas assez importante à leurs yeux. Ce qui est un avantage indéniable, pour l’instant, pour Apple et sa politique élitiste, mais égalitaire.

Il reste une interrogation majeure : quel est le futur du Nexus, alors qu’on parle pêle-mêle d’un X-Phone ou d’une tablette Nexus 1080p? À partir de là, quel est le futur du smartphone Android en général? Les interprétations divergent, mais il semble que l’évolution n’est pas très positive. On l’a encore remarqué très récemment lors du barnum insubstantiel qu’était le lancement du Samsung Galaxy S IV, aussitôt surnommé “S IIIs” pour son manque d’innovation. À l’heure actuelle, pour améliorer un smartphone, on agrandit la taille de l’écran au risque qu’il soit inutilisable d’une main. On gonfle ses capacités techniques alors que celles du Nexus 4, pourtant déjà dépassées, sont largement suffisantes. On augmente la densité des pixels histoire de faire plus retina que retina, et d’afficher un nombre obscur lors de la conférence de presse. Et on ajoute des gadgets dont l’utilité est discutable, surtout dans notre pays (4G, NFC), sans parler de la multiplication des mégapixels des appareils photos.

Même s’il est toujours possible de faire mieux niveau hardware (les excellents haut-parleurs frontaux du HTC One en témoignent), le futur du smartphone tient plus au software qu’au hardware. On a maintenant l’habitude d’utiliser des téléphones plus puissants qu’un ordinateur de bureau, mais pourtant, la partie logicielle ne tient trop souvent pas la route. En ce qui concerne Android, Google doit absolument imposer les mises à jour régulières et générales, comme Apple le fait très bien. Pour cela, leur meilleure arme est le programme Nexus : on sait que le Nexus 4 sera mise à jour pendant au moins deux ans, ce qui est la durée de vie moyenne (regrettable, mais réelle) d’un smartphone actuel.

Pour cela, mais aussi pour son rapport qualité-prix excellent, le Nexus 4 est sans doute le meilleur choix à faire pour ceux qui veulent bénéficier d’un smartphone en constante évolution, et qu’ils pourront totalement maîtriser et contrôler. Il est juste très regrettable qu’il faille faire tant d’efforts uniquement pour donner notre argent à Google.

Denis Blairon

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