Evert Bulcke

Plaidoyer en faveur d’un plus vaste vivier pour les startups

Evert Bulcke accompagne les startups et est projectmanager Startup City à la ville d’Anvers.

Le secteur national des startups se penche ces jours-ci sur le #BeStartupManifesto, une charte contenant des recommandations concrètes pour les pouvoirs publics, l’enseignement et les entreprises. Comment faire de la Belgique un écosystème de startups fructueux?, se demande Evert Bulcke, projectmanager Startup City à la ville d’Anvers, dans cette chronique.

Encore ces startups. On en parle chaque semaine à la télévision actuellement. Mais à quoi servent-elles donc? Pourquoi les startups sont-elles importantes?

Nous vivons dans une économie en constante évolution. C’est enfoncer une porte ouvert que de l’écrire, mais la globalisation pousse systématiquement notre industrie vers l’Orient. Il en résulte que les vagues de numérisation successives secouent fortement le pilier porteur de notre économie: le secteur des services. La musique, les médias et le retail y sont déjà passés. Suivent maintenant les soins, la logistique, les transports, la poste, le secteur bancaire et des assurances, la consultance, mais par exemple aussi l’enseignement et les pouvoirs publics.

L’IT n’est plus un secteur. L’IT est devenue en effet une évolution horizontale qui passe à travers tous les domaines; une évolution que l’on qualifie volontiers aujourd’hui de ‘tech’. L’IT facilite non seulement, mais crée aussi de nouveaux plans commerciaux qui rendent les anciens superflus. Le ‘numérique’ devient le pilier de l’innovation.

“D’ici 10 ans, 40% des entreprises faisant partie du Fortune 500 auront disparu. Elles seront remplacées par des entreprises qui n’existent même pas aujourd’hui.” Peter Diamandis

Nous devons bien réfléchir à la manière de créer de la valeur ajoutée et des emplois en ces temps incertains.

L’économie des startups est une réponse. Les acteurs classiques ignorent trop souvent les conséquences possibles des bouleversements dont il est question ci-avant. Les startups exploitent nettement mieux les nouvelles opportunités et créent de nouvelles activités dans le sillage de la révolution numérique (peut-être est-ce là une définition de la startup?).

Plusieurs experts demandent – logiquement – des mesures structurelles en support des startups: des réformes dans le système fiscal ou dans les procédures de subsides. J’aimerais pour ma part approfondir deux conditions secondaires sous-jacentes: des mesures abaissant le seuil d’accès sur le plan de l’entreprenariat et l’organisation d’un enseignement orienté compétences.

1. Abaisser le seuil au démarrage.

Lancer un projet et avant de s’en rendre compte, l’on a une entreprise.

Dans ma ville, il existe un service dynamique d’accompagnement des starters, qui a comme slogan: “Des projets d’entreprise? Nous vous aidons à voir la forêt à travers les arbres.” La complexité et la multitude des procédures administratives, nous les trouvons si normales que nous faisons un service public de la simplification administrative. Des exemples étrangers nous montrent que démarrer une entreprise peut pourtant s’avérer assez simple: en ligne, sans frais et sans perte de temps. Il en va de même pour liquider une entreprise après une tentative avortée.

Pour créer des startups, pour élaborer un climat où l’innovation et la créativité prospèrent, les pouvoirs publics doivent être un partenaire des personnes ayant un projet, plutôt qu’un seuil à franchir.

Une réglementation simplifiée en combinaison avec un approfondissement du statut de ‘l’indépendant en activité secondaire’ réduira la hauteur ce seuil. Cela incitera les gens à donner une chance à leurs idées, pour tenter ‘quelque chose’ à côté de leur boulot normal. Voilà comment activer des travailleurs qui ne sont peut-être guère heureux dans leur activité actuelle. Ou qui effectuent même ce qu’on qualifie ‘joliment’ des ‘boulots de m…’. Les étudiants aussi envisageraient alors plus facilement de faire le pas vers un projet personnel. Aujourd’hui, seul 1% des étudiants lance une entreprise durant ou juste après leurs études. Il y a donc encore du pain sur la planche: aux Pays-Bas, l’on en est à 3%.

“Pas heureux? Ce n’est pas grave, j’ai quand même tenté ma chance” (sans perdre trop d’argent et de temps).

Le fait que ces projets en vaillent vraiment la peine ou soient potentiellement rentables, ce n’est pas l’essentiel à ce moment. Les mesures susmentionnées élargiront le vivier. En agrandissant la base, le haut de notre écosystème de startups se verra irrémédiablement élevé à son tour.

En outre, une multitude de startups génère une formidable dynamique dans le secteur business au sens plus large. Plusieurs villes belges peuvent en témoigner. Avec leur flair avant-gardiste et leur philosophie du travail alternative, les startups représentent un pôle d’attraction pour d’autres entreprises et le talent.

2. L’enseignement qui sort de ses gonds.

Tant qu’à évoquer le talent, un secteur d’activités qui se numérise à un rythme rapide, exige que son personnel en fasse autant. Possédons-nous en Belgique ce qu’il faut pour tirer avantage de la nouvelle économie numérique toujours en croissance?

C’est là que le bât blesse. Je rencontre chaque semaine des managers qui recherchent désespérément des digital natives ayant le bagage technique ad hoc. L’on parle aujourd’hui de deux, voire trois fractures numériques. Il y a une carence croissante de personnes capables de créer une nouvelle valeur dans le nouveau monde numérique. Qu’il s’agisse de travailleurs ou de co-fondateurs de startups.

En même temps, des jeunes gens bardés de diplômes et motivés témoignent qu’ils n’ont pas de perspective de carrière ou, pire encore, de chance de trouver un travail. Souvent parce qu’il leur manque des compétences numériques. Et l’on ne parle pas ici de ‘pouvoir travailler avec un ordinateur’ ou ‘de maîtriser les médias sociaux’. L’on parle plutôt d’une compréhension approfondie de la technologie numérique, de sa logique et des langages et de leur impact possible sur les entreprises. L’époque où ces compétences étaient le domaine exclusif des informaticiens, est bien révolue.

“Les emplois qui ont disparu au beau milieu de cette crise structurelle, ne reviendront jamais. La clé, ce sont les compétences interactives, non-routinières.” – Ann Mettler

L’enseignement doit-il offrir une réponse à ces nouvelles professions structurelles en pénurie? Oui, il convient de se focaliser davantage sur STEM (Science, Technology, Engineering and Mathematics), sur la création plutôt que sur la reproduction, ainsi que sur le développement de compétences interactives, non-routinières.

Mais l’on ne peut pas faire reposer la responsabilité sur le seul enseignement. Les problèmes qui se posent aujourd’hui sur le marché du travail, ne seront pas résolus par de futures réformes de l’enseignement.

Si la même génération de travailleurs doit réagir à des développements sans cesse nouveaux, nous devons leur donner les moyens voulus. Il s’agit d’une responsabilité partagée, à laquelle contribueront les travailleurs eux-mêmes, mais aussi les entreprises et les services publics.

“Compliqué de trouver le talent voulu? Nous assurons nous-mêmes la formation nécessaire.”

L’apprentissage ininterrompu est plus que jamais à l’ordre du jour. De brefs programmes orientés compétences offrent une solution en dehors de l’enseignement existant: des trajets d’e-learning d’une durée de 3 à 6 mois élaborés par des agences gouvernementales et des partenaires privés.

Un exemple très simple: l’entreprise ‘tech’ Acquia de notre compatriote Dries Buytaert propose une formation intensive abordant un large éventail de thèmes. A la fin du cycle, les participants sont passés en revue et font l’objet d’une proposition. Ils sont libres de rechercher un autre travail ou de démarrer eux-mêmes quelque chose.

Cela dépasse les formations internes normales. Ce genre de projet ne cible pas un emploi spécifique, mais l’acquisition de compétences qui viendront aussi à point dans d’autres secteurs.

Les formations orientées compétences accroissent les opportunités de carrière d’un grand groupe de travailleurs. Une bonne raison aussi d’impliquer les pouvoirs publics.

La loi du retard stimulant

Quoi qu’il se passe sur le plan du support des startups, agissez au mieux et tirez parti du fait qu’en Belgique, l’on a encore du chemin à parcourir.

Quelques mesures strictes tournées vers le futur suffiront pour dépasser des pays de startups ayant valeur de référence, voire devenir un exemple édifiant. Actuellement, le contenu est nettement plus efficient que l’habituelle campagne ‘start-your-business’. Au diable le show! Le monde aura tôt fait d’identifier les initiatives valables.

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