Gerrie Smits

Mon ‘coin’ est en train de tomber!

Gerrie Smits Digital Transformation Consultant

Gerrie Smits explique pourquoi les non-technologues aussi vont devoir rapidement se mettre à l’heure de la blockchain.

L’on sait aujourd’hui que tout va extrêmement vite dans le secteur technologique. Qui aurait jamais imaginé entendre à la radio des spots sur la ‘Transformation Numérique’?

Mais ces derniers mois, l’on a, en marge relative d’internet, accompli des pas technologiques importants destinés à bouleverser un tas de choses en place. Je veux parler ici de la blockchain.

D’abord et avant tout, permettez-moi de répéter que je ne suis pas du tout un technologue. Je peux faire sembler de connaître la différence entre NodeJS et PHP, mais je n’essaie pas vraiment de comprendre. Je considère la technologie pour ce qu’elle représente. Et récemment, j’ai commencé à prendre conscience que cette histoire de blockchain signifiait bien autre chose que le bitcoin, la monnaie ‘virtuelle’, et que tout le blabla technologique incompréhensible des ‘geeks’.

WTF?

Les technologues me dépassent certes, mais le non-technologue que je suis, va quand même tenter d’expliquer ce qu’est une blockchain. La ‘chaîne de blocs’ (en bon français) est une sorte de technologie database, le moteur sous-jacent au bitcoin par exemple. C’est un système de vérification décentralisé par lequel un réseau mondial d’ordinateurs contrôle et crée des transactions conformément à un code cryptographique complexe. Une fois la vérification effectuée, il n’y a plus de changement possible. Jamais. Cela vous paraît plutôt chinois? Ne retenez alors qu’une seule chose: “décentralisé”. Cela signifie qu’aucune autorité centrale n’est plus nécessaire pour les transactions.

Il existe diverses versions de la blockchain, dont une cruciale: Ethereum. Ce qui sépare Ethereum du bitcoin, c’est qu’il s’agit d’une plate-forme, sur laquelle des applications peuvent être créées. Ces applications peuvent elle aussi exploiter ce genre de réseau d’ordinateurs décentralisé et la cryptographie correspondante. Ethereum possède aussi sa ‘monnaie’, l’ether, qui est le carburant du système.

Ce qui distingue nettement la plate-forme, ce réseau d’ordinateurs, c’est qu’elle permet de créer des applications qui vont bien au-delà d’une monnaie numérique. La chaîne de blocs bitcoin ne fait qu’une seule chose: transférer des bitcoins. Mais sur Ethereum, tout est possible, puisqu’il s’agit de véritables ‘transactions. Un élément crucial d’Ethereum, ce sont les Smart Contracts, des programmes de programmation et d’automatisation des transactions. C’est du moins mon avis.

Acheter des bitcoins, c’est du petit lait en comparaison avec la compréhension d’Ethereum

Un exemple? A Brooklyn, des habitants intelligents ont créé un réseau énergétique avec des Smart Contracts d’Ethereum. L’énergie des panneaux solaires placés d’un côté d’une rue est revendue aux voisins demeurant de l’autre côté de la rue. Ici encore, sans qu’une autorité centrale n’intervienne.

“C’est bien beau tout cela, mon bon Gerrie, mais c’est réservé à des férus de technologie”, vous entends-je me rétorquer. Et bien non, j’ai eu ces dernières semaines nettement la sensation que pour un entrepreneur, un pouvoir public, voire un citoyen intelligent, il est crucial de sortir du bois et d’agir de manière active et ce, pour les raisons suivantes.

A un tempo ultrarapide

Le rythme sur lequel on voit se manifester les nouveautés dans le monde de la chaîne de blocs, est énormément élevé. Le logiciel Ethereum date de moins d’un an. C’est que certains de mes amis, actifs en cette matière depuis un petit temps déjà, ont assisté il y a deux week-ends de cela au lancement du concentrateur (hub) DAO, une sorte de plate-forme basée sur Ethereum, permettant de financer et supporter des projets. Une espèce de version décentralisée d’un fonds de capital-risque, selon moi dans l’état actuel des choses. Demain, j’en saurai peut-être un peu plus. Mais le fait est qu’en deux semaines, c’est devenu le projet de financement participatif le plus important à ce jour, puisqu’il vient de passer le cap des 11 million d’ethers. Or le cours de l’Ether oscille actuellement aux alentours des 12 euros. Ce ne sont plus là les marges d’internet.

Profit!

Sur le site web d’Ethereum, on peut lire ceci: “Like the internet was supposed to work”. La mission est donc de créer un internet plus libre et fiable. Il y va de l’image du monde, mais en même temps, il est question aussi d’engranger du bénéfice, de gagner de l’argent et d’opportunités commerciales. Voilà ce qui rend le phénomène si unique, à mon avis.

Pour chaque Jef Colruyt qui affirme ne pas croire dans l’e-commerce, il y aura bientôt (comprenez: à présent déjà) un tas d’entrepreneurs intelligents qui examinent ensemble comment l’on pourrait organiser les transactions d’achat dans un supermarché dans la perspective d’une chaîne de blocs.

Et ces transactions ne se limiteraient pas à internet. Car si l’on combine la chaîne de blocs à l’internet des choses (Internet of Things ou IoT), l’on obtiendra une multitude de possibilités. Chez Slock.it – un ensemble de ‘penseurs’ de pointe en la matière -, l’on prépare par exemple une serrure intelligente qui ne s’ouvre que si toutes les conditions d’un Smart Contract sont satisfaites. Prenons le cas d’AirBnb. Je vous loue une pièce vide. Donc si cette serrure sait qui vous êtes et si vous avez payé, elle s’ouvre. Voilà qui engendre aussi des perspectives pour effectuer la transaction financière proprement dite et – pourquoi pas – au niveau de la réservation et du paiement du service de nettoyage, une fois que vous aurez quitté les lieux.

Ce qui est crucial également, c’est qu’un système d’incitation est intégré dans le noyau de la chaîne de blocs. C’est une technologie qui a besoin de hardware. Les geeks IT qui feront tourner le logiciel de transactions sur leur serveur, recevront un forfait, ce qui maintiendra en fonction le réseau décentralisé. Attention: ce forfait sera très nettement inférieur aux 10% ou plus demandés par AirBnb au aux +20% prélevés par Uber du montant destiné à ses chauffeurs.

Une véritable économie de partage

La chaîne de blocs est une technologie fondamentale qui mérite bien d’être qualifiée de ‘révolutionnaire’. Ou de Web 3.0.

Et sans devenir ridiculement enthousiaste, je crois que je commence à comprendre. Internet, c’était de la dis-intermediation et de la démocratisation de l’information. Mais que s’est-il passé en fait? L’on a vu apparaître des plates-formes centralisées qui facilitèrent certaines transactions à grande échelle. AirBnb pour les logements, Facebook pour la communication, Uber pour le transport,… Moyennant un prix. Ce sont certes des applications fantastiques que j’utilise. Mais l’aspect décentralisé de la technologie de la chaîne de blocs permet à présent de redéfinir la relation entre l’utilisateur et le fournisseur, à savoir la transaction et sa valeur. Le coût de la transaction diminue, alors que la validation et la confiance augmentent. Internet of transactions, internet of trust, internet of value,… Voilà les mots que je perçois maintenant.

Un exemple? Consensys est l’une des entreprises en train de créer des applications sur la structure Ethereum. Et Ujo est l’une de ces applications, qui vise à repenser l’industrie musicale. Elle rend non seulement beaucoup plus directe la transaction entre l’artiste et le fan de musique, mais elle redéfinit aussi la relation entre l’artiste et le musicien, entre l’artiste et le producteur de film qui souhaite utiliser sa chanson, entre l’artiste et qui sais-je encore,… Et cela, Spotify par exemple ne le fait pas. Arcade City est une autre application qui fait en chaîne de blocs ce que fait Uber: harmoniser la demande et l’offre de transport, mais avec une répartition différente de la valeur.

Il s’agit là certes d’expérimentations et de prototypes, mais il est significatif qu’AirBnb ait déjà racheté une ‘blackchain-start-up’, du fait que son modèle commercial d’intermédiaire pourrait être mis sous pression.

Voilà les ‘disrupteurs’ remis en cause en quelque sorte. Qui sera le suivant? Car tout ce qui touche à la transaction peut être reconsidéré par la lorgnette blockchain. Vous imaginez une marque telle Nike qui payerait directement des forfaits aux personnes qui regardent ses spots publicitaires? Et que signifierit encore le concept de ‘délivrement du permis de conduire’, un exemple type d’une validation et d’une transaction décentralisée?

Learn, Unlearn, Relearn

Technology. Ethics. Profit. Voilà les termes qu’on peut lire sur le site web de daohub.org. Et c’est précisément ce mix qui rend la matière si complexe.

Haut les mains donc: qui a déjà tenté d’acheter des bitcoins ou des ethers et de les transférer vers un autre portemonnaie (wallet)? Je crains qu’il n’y ait guère de réactions parmi vous, chers lecteurs. Et c’est regrettable car ‘ce monde’ tourne en effet autour d’autres concepts de wallets, transactions, sécurité,… Et il faut apprendre à maîtriser ce nouveau ‘langage’, à commettre des erreurs, à ne plus savoir à quel saint se vouer, pour ensuite mieux retomber sur ses pattes. Car admettons-le, acheter des bitcoins, c’est du petit lait en comparaison avec la compréhension d’Ethereum. Et c’est sans compter avec DAO, le concept d’une ‘Decentralised Autonomous Organisation’.

Il convient par conséquent de s’exercer car cette technologie va à coup sûr faire parler d’elle. Les développeurs intelligents sont actuellement en train d’apprendre à créer des choses en blockchain. Et les investisseurs malins savent depuis longtemps déjà qui est Vitalik Buterin (l’inventeur d’Ethereum à 22 ans). Ils examinent à présent daohub.org pour savoir s’ils ne devraient pas à présent acheter des jetons (tokens) DAO.

Et que font les entrepreneurs? Des plus petites start-ups jusqu’aux Microsoft et IBM de ce monde, tout un chacun se plonge dans le phénomène de la chaîne de blocs. Mais ces entreprises vont-elles pour autant revoir leur value proposition et leur plus-value de manière fondamentale? Ou vont-elles copier la technologie de la chaîne de blocs pour l’implémenter en secret, comme les banques sont en train de le faire?

Et les pouvoirs publics alors? Car il y a pas mal de travail de réflexion sur le plan des transactions, de la validation et de l’identité. Au Honduras, l’on est en train de repenser le concept de la propriété terrienne en fonction de la chaîne de blocs. La branche ‘innovation’ de l’Unicef examine actuellement aussi la chaîne de blocs en vue de résoudre le problème de l’identité (dans le cas des migrants par exemple).

Mais les ‘coins’ sont également tombés plus près de nous. A la ville d’Anvers, la cellule ‘innovation’ A-Labs prépare en effet une application en vue de faciliter les communautés via la blockchain. Elle l’appelle Locals.world et dispose même d’une ‘monnaie’ propre, LocalCoin.

Dans les communautés de chat blockchain où je me rends régulièrement ces derniers temps, on peut lire à présent des choses comme: “I’m kind of dreaming of buying Tesla powerwall towers and put smart contracts on them!”

ou encore:

“We could invest in anything and collectively we’d be more informed than an individual to

make good investment decisions.”

Si nous, les profanes, nous voulons avoir notre mot à dire, il nous faut y consacrer du temps. Lire, acheter, agir quoi! Il nous appartient de comprendre la chaîne de blocs et de la traduire dans les faits. Afin d’accélérer le débat et le processus d’apprentissage, et de rendre les applications assez rapidement plus claires.

Voilà que je commence à comprendre, tout en écrivant ces lignes, que je dois encore approfondir le sujet. Vous trouverez ici ma liste non-exhaustive des ouvrages consacrés à la Blockchain.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire