Magnus Falk, CIO de Zoom: “La vidéo s’inscrit dans la nouvelle réalité”
Voici 18 mois, le Britannique Magnus Falk devenait CIO Advisor de Zoom. Six mois plus tard, la pandémie éclatait. “Le timing fait tout”, sourit Magnus Falk dans un entretien avec Data News. “Nous avions le bon outil au bon moment.”
Zoom – ou Zoom Video Communications – a été fondée en 2011 et a commercialisé son premier produit en 2013. Cette plateforme vidéo a été inventée par Eric Yuan, qui avait travaillé précédemment pour Cisco Webex. En 2017, Zoom était valorisée à 1 milliard $ et, en avril 2019, l’entreprise entrait en Bourse. Désormais, l’entreprise emploie 5.000 personnes dans le monde.
Comment envisagiez-vous le marché des applications vidéo fin 2019?
Magnus Falk: Je connaissais évidemment des produits comme Skype, Hangouts et Facetime, mais ne les trouvais franchement pas impressionnants. Je n’étais évidemment pas un expert du domaine lorsque je suis entré chez Zoom, mais j’avais compris que l’entreprise avait le sens de l’innovation. Durant ma carrière, j’avais travaillé dans des équipes internationales. Je connaissais donc parfaitement la puissance d’une visioconférence. Cela dit, je regrettais qu’il faille un équipement différent pour chaque application: soit une ‘presence room’, un PC de bureau, un téléphone. C’est ce qui me plaisait dans Zoom: la plateforme propose la même expérience sur chaque appareil.
Etait-ce ce qui vous a convaincu de travailler pour Zoom?
Falk: En Europe, Zoom n’était encore connu que dans le secteur IT, alors qu’aux Etats-Unis, c’était déjà une réussite totale. Fin 2019, Zoom comptait déjà en moyenne 10 millions d’utilisateurs quotidiens de visioconférences. Ce qui m’a surtout impressionné, c’est l’idée de la plateforme multi-appareils. Ma fille travaille dans le marketing numérique et connaissait cet outil. Je l’ai testé et quelques secondes ont suffi pour me lancer. Zoom est réellement conçu pour l’ère de l’Internet.
Ce fut le cas dès le premier confinement, lorsque Zoom fit subitement une percée à grande échelle.
Falk: Le logiciel est développé pour évoluer. Tant que vous disposez de suffisamment de serveurs virtuels, vous pouvez grandir. Nous avons anticipé cette évolution en nous appuyant sur une infrastructure très distribuée de centres de données qui ne tournent jamais à plus de 50% de leur capacité. Du coup, l’évolutivité n’a pas été un problème, même durant les confinements. Au printemps 2021, l’utilisation de Zoom a atteint jusqu’à 300 millions de participants quotidiens à des visioconférences. Le déploiement du logiciel a été très facile. Certaines entreprises ont connecté jusqu’à des milliers de collaborateurs en un rien de temps sur Zoom. C’est la beauté du SaaS (rire). Dans le même temps, le grand public s’est intéressé à la version gratuite de Zoom, précisément parce que l’appli fonctionne sur toutes les plateformes.
Comment l’entreprise a-t-elle réussi à digérer ce succès soudain?
Falk: Nous étions le bon outil au bon moment. Tout le monde parlait de nous. Notre département de communication était submergé. Nous recevions littéralement des milliers de demandes d’interview. Il nous était impossible de répondre à chaque demande.
C’est alors que la presse s’est fait l’écho des premiers problèmes au niveau de la sécurité.
Falk: C’est exact. Or nous ne pouvions répondre aux demandes de la presse. Il y avait en effet des personnes qui utilisaient Zoom sans avoir prévu les réglages de sécurité adaptés. Or évidemment, ces problèmes coïncidaient avec le tsunami d’attention de la part des médias. Ce fut bien sûr difficile. Pour ma part, j’étais surtout inquiet des incidents concernant des hôtes non invités qui entraient dans des réunions. Mais d’autres plateformes ont également connu ce type de problème. Nous avons notamment insisté sur la conscientisation de nos utilisateurs. Je me souviens encore de cet organisateur d’une fête religieuse qui avait posté le lien de sa fête sur les réseaux sociaux, ce qui a évidemment fait surgir des invités indésirables. Nous avons rapidement réagi en offrant plus de possibilités à l’organisateur d’un tel meeting. De même, les élèves ne peuvent plus s’inscrire avec un nom bizarre lors de cours en ligne.
Les problèmes de sécurité sont-ils désormais réglés?
Falk: Nous avons trouvé le bon équilibre. Nous avons un conseil de CISO qui nous accompagne. De même, le cryptage de bout en bout existe pour ceux qui le désirent, tandis que vous pouvez choisir dans quel centre de données vos enregistrements sont stockés. La sécurité est vraiment notre priorité dans tout ce que nous faisons. Et nous avons renforcé notre département de communication. Cela aide également (rire).
Comment voyez-vous l’avenir de Zoom une fois que chacun pourra retourner au bureau?
Falk: Nous voulons tous revenir au bureau, moi également. Mais le monde ne sera plus jamais comme avant. L’expérience vécue cette dernière année a changé le monde. Le mode de travail hybride est la nouvelle réalité. Les entreprises vont mettre en place une stratégie RH dont la vidéo fera inévitablement partie. Mais la question va évidemment bien au-delà du recours à la vidéo. Les entreprises doivent s’interroger sur la surface de bureaux dont elles auront besoin et doivent adapter leur style de leadership à ces nouvelles conditions.
Comment voyez-vous l’évolution future de Zoom en tant que produit?
Falk: Les employés continueront à utiliser Zoom pour travailler à distance. Mais il en ira de même – en partie du moins – pour les relations avec les clients, fournisseurs et autres partenaires. Nous voyons Zoom toujours davantage comme un élément de ces relations. Avec les applis Zoom, nous désirons intégrer de nouvelles fonctionnalités pour enrichir une visioconférence. Je songe notamment à une fonction qui permettrait de signer un document en ligne durant une réunion, ce qui éviterait de devoir ouvrir une autre application. Une autre opportunité concerne le développement d’applications plus spécifiques. Ainsi, une application dédiée au ‘service desk’ par exemple. Dans une telle situation, la vidéo est en tout cas plus efficace qu’un rendez-vous en face à face, ne serait-ce que parce que l’employé du ‘service desk’ dispose au bureau de l’ensemble des informations et des outils. De même, on assiste dans les bureaux à une augmentation sensible du recours au Zoom Phone. Il s’agit d’un simple ‘add-on’ avec la même interface utilisateur que sur notre plateforme. C’est simplement plus facile puisqu’il ne faut pas utiliser un appareil spécifique pour appeler au bureau.
Pourtant, le Zoom Phone n’a rien à voir avec la vidéo.
Falk: Vrai. C’est exact. Ces exemples montrent que nous ne nous considérons pas comme une plateforme destinée à conquérir le marché de la visioconférence. Nous ne sommes pas une appli tueuse de la visiconférence. Zoom est une plateforme destinée par priorité à la collaboration.
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