L’analytique appliquée à l’argent public

© JAN LOCUS

La mort et les impôts sont les deux seules certitudes dans la vie. Au niveau de la fiscalité, le SPF Finances dispose depuis l’an dernier d’un outil analytique capable de calculer au centime d’euro près l’impact d’une mesure. Le but étant de pouvoir disposer rapidement de conseils précis en matière de gestion et de répondre aux questions parlementaires.

Si telle mesure fiscale est instaurée, si tel impôt est augmenté ou diminué, quel sera l’impact sur un groupe de population bien précis ? Et qu’en est-il des 7 millions de déclarations d’impôt que le SPF Finances reçoit chaque année par les personnes physiques ? Autant de questions auxquelles le service public doit répondre et émanant du gouvernement, du parlement, de pouvoirs locaux ou d’institutions internationales. Mais la réponse dépend largement d’estimations réalisées sur base de calculs complexes et rigoureux. ” Nous travaillons avec des échantillons et des modèles simplifiés, mais cela implique que des distorsions ou des biais peuvent survenir. C’est ainsi qu’il est arrivé par le passé que certaines estimations se sont révélées assez peu précises après coup, explique Dierk Op ‘t Eynde, ‘senior data scientist’ au SPF Finances. Même pour nos experts les plus compétents, il était difficile d’estimer l’impact principal d’une mesure envisagée. ”

Aujourd’hui, une simulation est basée sur 150 critères sociaux, groupes professionnels, maladie, ou si une personne travaille et a des enfants, avec possibilité de voir immédiatement les ‘gagnants’ et les ‘perdants’ face à une mesure déterminée.

Mais désormais, le projet Aurora change la donne. En effet, le SFP Finances a déployé une plateforme analytique de SAS permettant de calculer immédiatement l’impact de toute nouvelle mesure ou adaptation au niveau de chaque déclaration fiscale, avec donc la possibilité de savoir quels citoyens seront positivement ou négativement impactés, ainsi que le rendement potentiel attendu. ” Le Belge moyen complète de 10 à 20 montants et reçoit ensuite 2 à 3 pages avec le calcul de son impôt final, mais il s’agit en fait du résultat de quelque 3.000 codes de déclaration. Le calcul s’appuie sur environ 65.000 règles métier et calculs qui débouchent sur 2.700 résultats intermédiaires. Le calcul de l’impôt des personnes physiques est donc une tâche extrêmement complexe. ”

Le projet Aurora a entre-temps ingéré ces milliers de règles. Dès qu’une mesure est discutée par le gouvernement fédéral ou qu’une question parlementaire est posée quant à l’impact sur un groupe de contribuables, il ne faut désormais plus qu’une paire d’heures au maximum pour effectuer une simulation sur l’ensemble de la population. ” Le grand avantage est que nous avons désormais une vue d’ensemble. Autrefois, les calculs ne permettaient que de voir si le résultat final était différent ou si le groupe cible pour lequel la mesure était prévue en profiterait effectivement. Grâce au projet Aurora, nous obtenons immédiatement l’effet de la mesure sur l’ensemble des citoyens. ”

Précisons ici qu’Aurora n’entend pas se substituer à Tax-on-Web ou à en constituer une alternative. Alors que Tax-on-Web gère le volet opérationnel de l’impôt des personnes physiques, ce qui implique une mesure effective et un calcul, Aurora est davantage axé sur l’aspect évaluatif de l’impact de nouvelles mesures. Pour prendre en charge Aurora, le SFP utilise OE d’équivalent temps plein, soit une personne durant 3 mois pour la mise à jour de la plateforme en fonction des dernières mesures fiscales. A titre de comparaison, Tax-on-Web nécessite de 2 à 4 personnes à temps plein.

En exploitant ces deux systèmes en parallèle, le SPF Finances peut également vérifier de manière rétroactive si les déclarations fiscales envoyées sont correctes. Avec quel degré de précision ? ” Sur un total de quelque 67 milliards ?, il n’y avait pour la dernière année d’imposition que 6,70 ? de différence. Or cet écart s’explique en partie par les règles d’arrondi. ”

Jumeau numérique

Désormais, le projet Aurora est opérationnel depuis un an et demi environ et constitue un bel exemple de ‘jumeau numérique’. ” Une mesure politique n’est pas simplement testée avant d’être déployée. Souvent, les décideurs vérifient si telle ou telle mesure pèse 25 ou 30% par exemple dans le total. Car il s’agit souvent d’un ensemble de notes qu’il faut traiter puis calculer. Aujourd’hui, une simulation est basée sur 150 critères sociaux, groupes professionnels, maladie, ou si une personne travaille et a des enfants, avec possibilité de voir immédiatement les ‘gagnants’ et les ‘perdants’ face à une mesure déterminée “, poursuit op ‘t Eynde.

Les données obtenues sont parfois transmises dans le détail. En effet, il existe depuis peu un outil d’analytique BI en self-service auquel les décideurs politiques ont accès pour connaître le détail des chiffres. Ce qui permet d’avoir une vue nettement plus large de l’effet d’une mesure envisagée. Mais le projet Aurora est également sensible au niveau de la vie privée. ” Les ‘data owners’ sont le Ministre des Finances et le président du SPF Finances. En outre, l’accès direct à l’outil est réservé à l’administration. Tous les calculs se font sur une base individuelle, mais aucun nom n’est mentionné, car la combinaison de plusieurs paramètres permettrait assez vite de voir de quelle personne il s’agit. ” ” Grâce à la précision de ces outils, il est possible de disposer désormais de données fiables basées sur des algorithmes éprouvés. Les utilisateurs ne doivent pas maîtriser les finesses du système pour prendre les bonnes décisions “, conclut Op ‘t Eynde.

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