Comment le secteur ICT sortira-t-il de cette crise?

Kristof Van der Stadt Rédacteur en chef de Data News

“Ces commutateurs, ils devraient pouvoir tenir encore quelques années, ne pensez-vous pas?” Voilà bien une question rhétorique qui devrait laisser sans voix tout directeur des ventes. D’ailleurs, le responsable des ventes d’une grande société ICT belge me disait récemment qu’il ne s’agissait là que de l’une des multiples questions auxquelles devaient faire face ses équipes de vente. “Nombre de nos clients sont en mode économie, Kristof. Nous commençons vraiment à le ressentir”, confie-t-il.

Et ce qu’il espérait peut-être arriva: rassurer fait partie de son job. “Je l’ai entendu à plusieurs reprises ces derniers temps”, réagit-il. Il a fallu jouer carte sur table pour les rassurer. J’ai également appris que les acheteurs de matériels, de logiciels, de solutions et de services ICT y regardent plus que jamais à deux fois à l’euro près avant d’engager une dépense. Certains projets sont mis au frigo si la direction de l’entreprise ne s’y oppose pas. Et les grands projets sur plusieurs années sont reportés d’un trimestre, d’un semestre, voire d’une année entière. Autre message souvent entendu: le délai de mise en oeuvre de projets existants est réévalué pour mieux répartir les investissements. Malheureusement, il s’agit là de la conséquence logique d’une réaction en chaîne dont personne ne sait vraiment qui l’a enclenchée. “Si la situation ne s’améliore pas rapidement, je vais devoir mettre plusieurs vendeurs en chômage technique”, me disait récemment cet autre directeur des ventes.

Cette crise est différente de celle du coronavirus.

Certes, il ne s’agit là que d’exemples anecdotiques, mais ceux-ci incitent à se poser la question de savoir comment le secteur ICT belge va réussir à sortir de cette crise profonde. Si l’on se penche sur cette autre crise que nous avons heureusement réussi à surmonter, la conclusion en est que le secteur ICT belge a résisté aux crises successives liées au coronavirus, et s’en tire mieux que pas mal d’autres secteurs. Ce qui est logique d’ailleurs, sachant que les besoins en technologie n’ont jamais diminué chez les clients. Que du contraire même, puisque l’obligation de télétravail a induit de très nombreux achats ponctuels.

Sans vouloir faire écho à la rhétorique de guerre par respect pour le peuple ukrainien, je crains que cette nouvelle crise ne fasse à nouveau de très nombreuses victimes dans le biotope ICT local. A mesure que les clients doivent toujours mettre la main au portefeuille pour faire face à la hausse excessive des coûts de l’énergie, des salaires ainsi qu’à tout ce qui alimente l’inflation, leur désir d’achat de nouvelles technologies ne fera que s’affaiblir. A moins évidemment que ces nouvelles technologies ne les aident à mieux se préparer face à l’avenir. Et même dans ce cas… “Encore faut-il d’abord le pouvoir financièrement”, nous rétorque cet interlocuteur belge. Dans les entreprises industrielles ou chez les fabricants de matériel, la situation est tout bonnement intenable. “Nous nous attendons à une récession meurtrière. Les signaux de détresse sont sans ambiguïté: 1 entreprise sur 3 déclare vouloir réduire, voire arrêter sa production en raison des prix faramineux de l’énergie”, confiait le président du Voka, Wouter De Geest, lors de la rentrée politique du réseau des entreprises flamandes.

Cette crise est différente de celle du coronavirus. L’inflation exorbitante et les prix record de l’énergie dont personne ne peut prédire s’ils ont atteint leur plafond touche chaque entreprise. Et pourtant, les analystes renommés de Gartner, IDC et Forrester ne considèrent nullement cette situation comme particulièrement préoccupante. En juillet en effet, Gartner estimait qu’en dépit de ces facteurs, les dépenses mondiales en IT augmenteraient quand même de 3%. Et un autre cabinet, Forrester en l’occurrence, entrevoyait même une croissance plus forte dans certains segments comme les logiciels d’entreprise: 12% de plus cette année, prévoyaient les analystes sur la base notamment des résultats financiers des entreprises. Les prix et les marges résistent bien, pouvait-on encore lire dans leur rapport. “La volatilité actuelle, tant de l’inflation que des cours de change, ne va pas freiner les CIO dans la poursuite de leurs projets d’investissements en 2022”, déclarait en juillet le cabinet Gartner. Reste à voir si ces affirmations se confirmeront dans leurs prochains rapports. Je l’espère en tout cas, tout comme les directeurs des ventes et vous-même, cher lecteur.

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