” Ce n’est pas le QI qui fait la différence, mais bien le QA “

Martin Wezowski est chief de- signer de SAP, responsable notamment des 'nouvelles expériences et technologies'. Il a travaillé précédemment comme directeur créatif et concepteur chez Sony Ericsson et Huawei.

Bon nombre d’experts ne cessent de palabrer sur le nombre d’emplois qui risquent de disparaître à cause de la technologie. Comment l’homme peut-il dès lors assurer son avenir ? Martin Wezowski, chief designer des Innovation Center Networks de SAP, nous explique comment l’individu pourrait devenir une sorte de ‘super-homme’.

Qu’il s’agisse de robotique de pointe, de cyborgs ou de logiciels intelligents capables d’automatiser les tâches les plus complexes : le paysage professionnel ne peut échapper à l’émergence des technologies. Martin Wezowski considère qu’il ne faut pas y voir là une menace, mais une fantastique opportunité de devenir des super-hommes. ” En théorie, les choses ne changent pas fondamentalement, estime-t-il d’emblée. Si l’on regarde la décennie écoulée, force est de constater qu’il n’y a en fait eu que des technologies et des solutions permettant d’améliorer l’efficacité de l’homme. Cette interview en constitue d’ailleurs la preuve éclatante. En effet, vous enregistrez mes propos parce que votre cerveau n’est pas capable de mémoriser en détail l’ensemble de la conversation. En plus, vous n’êtes pas obligée durant l’interview de tout noter sur papier, ce qui vous permet d’écouter plus attentivement. A mon humble avis, le bureau du futur ne tourne pas tant autour de l’automatisation que de l’augmentation : en d’autres termes, des innovations technologiques et des inventions qui sont une véritable extension du cerveau humain. ”

Humain augmenté

Voilà qui paraît bien beau, mais en réalité, cette image idéale n’est pas toujours aussi clairement perceptible. En effet, on assiste à des disparations massives d’emplois tant dans les petites que les grandes entreprises, Carrefour en étant un parfait exemple en début d’année. ” Certes, un grand nombre de fonctions et d’emplois en général sont sur la sellette, concède Wezowski. Mais dans la plupart des cas, il s’agit de tâches et de missions répétitives qu’un ordinateur peut exécuter sans erreur, plus rapidement et plus efficacement. Et c’est là que le bât blesse : il ne faudrait pas supprimer massivement les emplois. C’est plutôt la nature des emplois qui va complètement changer. Le service à la clientèle constitue à cet égard un bel exemple. Comme les organisations se tournent toujours davantage vers l’automatisation – par exemple grâce aux chatbots -, le personnel a l’occasion de proposer un service extrêmement humain et personnalisé. Ce qui peut déboucher sur de très belles choses. ”

Le rôle des big data se révèle à cet égard indispensable et montre selon Wezowski qu’il ne s’agit nullement du ‘nouveau pétrole’ comme on l’affirme souvent. ” Les big data qui nous permettent de disposer de tonnes d’informations ne suffisent pas : tout dépend de ce que l’on en fait. Dans la numérisation, ce n’est pas la technologie de l’information qui est centrale, mais le contexte : comment utiliser toutes ces données pour définir l’avenir de l’entreprise ? ”

Du QI au QA

Certes, mais une nouvelle définition des tâches telles que nous les connaissons aujourd’hui implique que les personnes devront acquérir de nouvelles compétences. Wezowski en représente d’ailleurs le parfait exemple. Jeune, il voulait devenir rockeur et il a mis tout en oeuvre pour y arriver. Il a appris à jouer de la guitare, conçu un support de CD, mis au point une représentation et réalisa même le marchandising de son orchestre. ” C’est la beauté du cerveau de l’homme : il est en mesure de maîtriser n’importe quelle compétence, estime-t-il. Mieux encore : il s’agit en 2018 d’une nécessité absolue. Les entreprises s’attendent plus ou moins explicitement que chaque collaborateur soit multifonction et dispose d’un large éventail de talents. C’est pourquoi le travailleur du futur devra être mentalement flexible et montrer sa capacité à se former constamment pour acquérir de nouvelles compétences. Dans cette société de la connaissance, il n’est donc plus question de quotient intellectuel (QI), mais de quotient d’adaptabilité (QA) qui permettra de différencier les individus au plan professionnel. ”

Wezowski enfonce sans doute une porte ouverte lorsqu’il précise que l’empathie et la créativité représenteront des compétences clés, mais estime que notre société n’anticipe encore que trop peu ces évolutions. ” La flexibilité et l’agilité sont des concepts qui devraient déjà être introduits sur les bancs de l’école “, affirme-t-il.

La valeur comme moteur

Mais comment les entreprises parviendront-elles vraiment à attirer le capital humain susceptible de répondre à toutes ces exigences ? Wezowski croit résolument dans la valeur comme moteur. ” En tant qu’organisation, il faut de temps à autre se montrer critique envers soi-même et se demander quels sont ses véritables objectifs, explique-t-il. Quels sont vos ambitions à court et à long termes ? Comment y parvenir et les ressources nécessaires sont-elles ou non disponibles aujourd’hui ? ”

Cet état d’esprit propice au changement et susceptible de prendre à son compte cette (r)évolution technologique doit donc être présente dans l’entreprise du futur. ” Ce n’est qu’alors que vous serez en mesure d’attirer des collaborateurs flexibles et en outre multi-talents, conclut Wezowski. De même, ce n’est qu’ainsi que vous pourrez continuer à innover et prendre de l’avance sur le reste du marché. “

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