30. ” L’ère du Web mondial est révolue, bienvenue aux variantes régionales “

Nicolas Standaert

Le Web mondial a soufflé ce printemps ses 30 bougies. Ce qui était au départ une ‘idée vague, mais excitante’, a entre-temps bouleversé notre société. Mais le ‘world wide Web’ est-il encore pertinent après 3 décennies ?

D’ACCORD Nicolas Standaert, sinologue et professeur à la KU Leuven

Avec plus de 800 millions d’utilisateurs, la Chine représente la plus importante économie de l’Internet au monde. En dépit de son enfermement, aussi connu sous l’appellation de Grande Muraille de Chine, la République populaire fait figure pour le monde extérieur de ‘variante régionale’. Une idée que Nicolas Standaert, sinologue et professeur à la KU Leuven, aime à nuancer. ” Ce n’est pas tant la Chine que l’Europe et les Etats-Unis qui évoluent vers des variantes régionales, en marge d’un nouveau Web chinois mondial. Les Européens n’ont guère conscience des évolutions numériques extrêmement rapides que connaît la Chine. L’époque du ‘copier-coller’ est largement révolue : sur le plan du numérique, la Chine est largement en avance sur l’Europe. Dans son ouvrage ‘China’s New Normal’, Pascal Coppens explique en détail comment Baidu, Alibaba et Tencent sont entre-temps devenus des valeurs sûres dans une Chine ultra-dynamique et innovante. Mais ces sociétés ne forment que la pointe de l’iceberg. En outre, leurs innovations percolent rapidement dans d’autres pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine où la nouvelle Route de la Soie se construit. En imposant partout ses standards numériques, à l’exception des Etats-Unis et de l’Europe, la Chine acquiert selon Nicolas Standaert une position dominante dans le monde. ” On pourrait même en arriver à une situation avec un système dual de 4,4 milliards d’utilisateurs du système d’exploitation chinois bon marché et 1 milliard du système occidental “, note Nicolas Standaert qui cite l’ouvrage de Pascal Coppens.

Ruben Verborgh
Ruben Verborgh

PAS D’ACCORD Ruben Verborgh, professeur de technologie Web sémantique à l’IDLab, l’UGent et l’imec

” Abandonner le Web mondial serait jeter l’enfant avec l’eau du bain “, prétend Ruben Verborgh, professeur de technologie Web sémantique à l’IDLab, l’UGent et l’imec. Et d’en appeler à relever les défis plutôt que de s’en exclure. ” Grâce au Web, les idées innovantes se déploient plus rapidement et plus loin que jamais. Heureusement, ceci vaut également pour les thèmes plus discutables et les stratégies d’entreprise boiteuses. Essayer de filtrer les informations ‘nuisibles’ est inutile. Nous devons permettre aux gens de vérifier les sources et proposer des opinons contradictoires. L’évolution vers un Internet plus local va en effet encore poser de manière plus brutale la question de savoir qui peut décider de ce que l’on garde et de ce que l’on interdit. C’est ce pouvoir que nous ne devons pas perdre, ce qui implique donc que nous devons garder le contrôle du Web. ”

Ruben Verborgh estime également que nous devons reprendre en main nos données personnelles. ” Le succès des moteurs de recherche et réseaux sociaux gratuits, où nous payons en fait avec nos propres données, crée un jeu de pouvoir déséquilibré. Ce faisant, les multinationales coupent l’herbe sous le pied d’entreprises locales plus innovantes, lesquelles sont alors incapables de gagner la guerre des données. Un Internet national est une ineptie. Ce dont nous avons besoin est la traçabilité des données publiques et documents ainsi qu’un contrôle sur nos données personnelles. ”

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