Leo Exter

Entreprendre… Comment l’expliquer correctement?

Leo Exter Leo Exter a créé Westartup, un réseau de plus de 3.000 entrepreneurs et investisseurs. Il est aussi partner chez HealthStartup, une communauté européenne de petites entreprises technologiques actives dans le secteur de la santé.

Enseigner l’entreprenariat doit en premier lieu se focaliser sur la transmission de la culture d’entreprise.

Ces trois dernières années, j’ai activement coaché des entrepreneurs par le biais de programmes structurés, d’ateliers, de camps, de week-ends, etc. C’est très intéressant comme travail, mais c’est aussi souvent affreusement déprimant.

Voici pourquoi.

Nombreux sont ceux qui sont incroyablement naïfs, lorsqu’il s’agit d’entreprenariat. Je le constate chaque fois que des jeunes gens passent chez moi. Ils ne savent quasiment rien sur la manière de faire des affaires, mais ils pensent que le monde va être à leurs pieds dès qu’ils vont se lancer.

Il est rare que ces jeunes à l’ambition démesurée arrivent à leur fin. 16 pour cent des Belges ayant envisagé de lancer une entreprise, ne l’ont jamais fait. Et 12 autres pour cent y pensent encore et toujours (selon l’étude Eurobarometer), mais pour la plupart des Belges, l’entreprenariat n’existe pas (pour quasiment 65 pour cent – seule l’Italie fait encore plus mal en Europe occidentale). Ils n’envisagent jamais de créer éventuellement une entreprise.

Ensuite, il y a l’incompétence déconcertante des entrepreneurs débutants. Beaucoup de personnes qui lancent une entreprise, n’ont pas la moindre idée de ce qu’elles doivent faire pour mener leur activité à bien.

Un exemple que je cite volontiers, est celui d’un tout petit snackbar dans le coeur de Bruxelles. Il est mieux que le bar à pita de l’autre côté de la rue et il propose des prix plus intéressants que le restaurant italien un peu plus loin.

Mais l’on y travaille lentement: je n’y ai jamais mangé en moins de 45 minutes. Chaque jour à 13 heures, les plats préparés sont épuisés, et le personnel doit commencer à couper de nouvelles tomates, alors que les clients, argent en main, se pressent et attendent impatiemment de pouvoir retourner au bureau. Il y a toujours une file au comptoir – non pas parce que cette place est tellement populaire, mais parce qu’il faut patienter 10 minutes, avant de pouvoir payer son sandwich.

Je suppose que ce snackbar ne pourra survivre que parce que son personnel travaille très dur et consent beaucoup de sacrifices. Je suis de tout coeur avec eux, c’est vrai. Mais blague à part: réfléchissez avant d’agir!

Quelque 60 pour cent des entreprises qui démarrent dans la construction, la vente au détail et l’horeca, rendent l’âme dans les 5 ans. Pourquoi? A cause de leur piètre stratégie. Mais aussi de leur piètre façon de faire. Ou d’une combinaison des deux (Dr. N. Crutzen, HEC-Ulg, 2009). Il n’existe pas de données exactes sur les startups technologiques, mais je ne pense pas que l’on soit loin ici aussi des 60 pour cent.

Je voudrais pouvoir incriminer les pouvoirs publics, le marché du travail inflexible ou le piètre climat économique pour expliquer pourquoi des entreprises ne parviennent pas à décoller ou font faillite. Mais je ne le peux pas tant qu’il y en a d’autres qui réussissent.

La vérité pure et dure est la suivante: si votre entreprise ne décolle pas, c’est de votre faute. Et si elle capote, c’est aussi de votre faute. Parce que vous n’avez pas élaboré dès le début un business case qui tient la route, parce que vous avez démarré du pied gauche et parce que vous ne connaissez pas votre business.

Chaque entrepreneur doit apprendre à connaître son domaine en lisant beaucoup, en parlant avec des gens et en expérimentant. Trop peu de candidats entrepreneurs ont conscience de cette responsabilité. Y a-t-il encore quelque chose que l’on puisse faire pour leur venir en aide? Peut-on faire l’apprentissage de l’entreprenariat ou à tout le moins accélérer ce processus d’apprentissage?

Bien sûr. Mais nous nous y prenons mal.

Enseigner l’entreprenariat doit en premier lieu se focaliser sur la transmission de la culture d’entreprise (et sur la dissipation de la naïveté en la matière). L’on a déjà consenti pas mal d’efforts encourageants: de 100.000 Entrepreneurs jusqu’à VLAJO, et si vous êtes vous-même un entrepreneur qui lisez ces lignes, adhérez donc à l’une de ces organisations et apportez votre pierre à l’édifice!

Il faut alors que les entrepreneurs apprennent tout en travaillant.
Apprendre l’entreprenariat, cela ne peut se faire que sur le tas. En partie, parce que l’on ne tombe sur les questions à poser que quand l’on a démarré son entreprise, et en partie aussi parce qu’il y a tant de choses à apprendre – marketing, vente, finances, administration, gestion du personnel, etc. – que cela prend des années.

Commencez à aider les gens à survivre après des échecs. J’étais récemment dans une entreprise après un processus de faillite. Tous les créanciers étaient prêts à aider, sauf l’ONSS et le SPF qui refusaient catégoriquement de négocier. Non pas qu’ils étaient contre de nature, mais parce que c’est une question de politique.

Est-ce là une politique qui pourrait être modifiée? Absolument. Cela aiderait-il des centaines d’entreprises à garder la tête hors de l’eau, alors qu’elles se noieraient autrement? C’est sûr!

Des organisations qui soutiennent l’entreprenariat: que les entrepreneurs suivent des formations.

Au fil des ans, j’ai reçu de fantastiques conseils financiers de la part de toute une série de comptables. Mais j’ai obtenu encore nettement plus de conseils très utiles en la matière rien qu’en téléphonant à d’autres entrepreneurs…

Dans une formation à l’entreprenariat, l’on trouve en général des ateliers à la carte et des sessions en face à face avec des avocats, comptables et consultants au menu (souvent de grandes entreprises de consultance). Ces personnes ont tendance à se concentrer sur des aspects de l’entreprise qui sont certes importants, mais qui se situent plutôt en marge (administration et finances).

Ils n’abordent quasiment jamais le coeur de métier (analyse de marché, vente et marketing, design des produits/services, RH). Ils expliquent souvent ce que vous devez faire (élaborer un business plan), mais pas comment l’appréhender (expérimenter des choses, parler avec des gens, procéder à du ‘deskresearch’, élaborer des hypothèses).

Développer davantage de programmes de mentoring/coaching à long terme. De MIC Boostcamp à JobYourself, il existe des dizaines d’initiatives en Belgique. Les meilleures intègrent autant que possible des interactions avec des entrepreneurs, prodiguent des conseils pratiques et ont par conséquent beaucoup plus d’effet. Malheureusement, elles sont trop modestes – tous ces programmes conjoints peuvent peut-être aider deux cents entreprises par an, vu les coûts. Mais pas des milliers. Et encore moins des dizaines de milliers.

Comme solution à ce problème d’échelle, je propose que tout un chacun faisant partie de ‘l’écosystème de support de l’entreprenariat’ se charge de développer des réseaux locaux de starters et d’entrepreneurs qui pourront année après année transmettre la connaissance des affaires aux entrepreneurs débutants.

Le Platomodel de la VOKA est un bon début. Tout comme http://www.reseau-entreprendre.org/, mais sous une autre forme. Les entrepreneurs à succès sont prêts à aider les starters, mais ils ont tant de choses à faire et ils ne passent donc à l’acte que si quelqu’un accepte de leur fournir un tant soit peu de support pratique.

Il ne s’agit pas là d’une recette miracle évidemment. Mais j’espère que cela permettra d’ouvrir à tout le moins le débat.

A vous de jouer!

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