Zuckerberg dans la ligne de mire des politiciens américains

Mark Zuckerberg © Reuters
Pieterjan Van Leemputten

Lors de son audition à propos du libra, le CEO de Facebook, Mark Zuckerberg, a laissé entendre que le projet pouvait se poursuivre aussi sans Facebook. Mais lorsqu’il s’agit d’annonces politiques qui répandent de fausses informations, il n’est pas parvenu à donner des explications claires.

La toute récente audition de Zuckerberg portait initialement sur sa monnaie virtuelle, le libra. Nombre de politiciens avaient des questions à poser sur le rôle de Facebook en la matière au vu de la piètre réputation de l’entreprise sur le plan du respect de la vie privée, de la fiabilité et de la transparence. Mais aussi sur le fait que de grands noms du secteur des paiements tels Visa, Mastercard, PayPal et eBay se sont entre-temps retirés du projet.

Zuckerberg a une fois encore insisté sur le fait qu’il souhaite avec le libra réduire les coûts des paiements électroniques et mettre ce genre de service à la disposition de davantage de gens. Mais les membres du congrès se sont montrés sceptiques. “Il serait bien pour tout un chacun que Facebook se concentre d’abord sur ses nombreux manquements et échecs, avant d’aller de l’avant avec le projet libra”, a ainsi déclaré le démocrate Maxine Waters.

Possible aussi sans Facebook

Le directeur de Facebook a également affirmé que le libra ne sera pas lancé sans l’approbation des autorités américaines et qu’il serait même possible que Facebook quitte la Libra Association, avant le lancement de la monnaie.

A la question de savoir pourquoi quelques grands noms se sont retirés du projet, Zuckerberg a insisté sur le fait que cela reste un projet à risque, dont il n’est pas certain qu’il marche. En même temps, Zuckerberg reconnaît que son entreprise n’est pas le “messager idéal” pour le libra et qu’elle doit encore faire beaucoup pour regagner la confiance. Il estime cependant que les erreurs du passé ne peuvent entraver le libra.

Tous les politiciens ne sont cependant pas opposés au libra. Pas mal d’entre eux, notamment dans le camp républicain, soutiennent le projet. “J’ai certes des objections à l’égard de Facebook, du libra et des manquements big tech”, a ainsi déclaré Patrick McHenry, membre républicain du congrès. “Mais comme l’histoire nous l’a appris, il est préférable de se ranger du côté de l’innovation américaine.”

Il nous faut ici apporter la nuance, selon laquelle le libra n’est guère une innovation. Le transfert d’argent n’a pas été inventé par Facebook. Il en va du reste de même pour la chaîne de blocs et les autres crypto-espèces.

Ne pas supprimer des informations erronées

L’audition à propos du libra fut aussi l’occasion pour les politiciens de sonder une fois encore Zuckerberg sur les pratiques de la plate-forme de médias sociaux. Ils lui posèrent ainsi des questions notamment sur l’approche de l’abus d’enfants en ligne et sur la façon dont Facebook traite la désinformation, les annonces spécifiquement politiques propageant des nouvelles trompeuses ou carrément incorrectes. Ces dernières semaines, Facebook a annoncé vouloir supprimer des messages de politiciens contenant des contre-vérités et des mensonges.

C’est surtout lorsque la représentante démocrate Alexandria Ocasio-Cortez prit la parole que Zuckerberg se sentit mal à l’aise à plusieurs reprises. Elle débuta son intervention en demandant si Zuckerberg était au courant des pratiques de Cambridge Analytica, lorsque le scandale éclata publiquement en mars 2018. Mais à la question de savoir s’il en avait parlé avec Peter Thiel, il ne put donner de réponse claire.

Thiel était un (aujourd’hui ex-) investisseur important dans Facebook. Il créa entre autres l’entreprise d’extraction de données controversée Palantir Technologies et siège au conseil d’administration de Facebook. L’homme est aussi conseiller et défenseur de Donald Trump.

La parlementaire insista de plus belle face à la réponse insuffisante de Zuckerberg sur le fait que Cambridge Analytica fut le plus important scandale de confidentialité de l’histoire de Facebook, avec des retombées directes sur les élections américaines et, partant, sur la nomination de Donald Trump.

Les choses se gâtèrent encore un peu plus pour Zuckerberg, lorsqu’Ocasio-Cortez cita des exemples spécifiques d’annonces et de ‘posts’ factices et quelle avait été à chaque fois la réaction de Facebook.

Mettre sous pression non, mais mentir oui

“Puis-je faire de la publicité politique dans des régions où habitent principalement des Américains de couleur et leur donner une fausse date pour les élections?”, demanda ainsi Ocasio-Cortez. Zuckerberg répondit que non, parce que cela revient à mettre des électeurs sous pression, ce qui n’est pas toléré, à l’instar de déclarations susceptibles de mettre des personnes physiquement en danger.

La parlementaire signala ensuite que Facebook se livrait bien à de la vérification des faits (‘factchecking’), tout en laissant cependant passer des tas de choses. “Donc je peux faire de la publicité ciblant les électeurs républicains et affirmer que leurs candidats ont voté en faveur de mesures écologiques, n’est-ce pas?” Un exemple clair de désinformation. “Je ne peux répondre précisément à ce genre de question, mais probablement que oui”, a dû admettre un Zuckerberg hésitant.

Zuckerberg tenta bien de nuancer encore sa réponse en disant que cela dépendait en grande partie du contexte, selon qu’il s’agisse d’annonces ou d’un simple ‘post’. Mais il ne répondit que rarement de manière claire.

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