Un régulateur britannique entame une enquête sur la reconnaissance faciale à King’s Cross

Els Bellens

Le régulateur data britannique va examiner l’utilisation de la reconnaissance faciale automatique dans une zone autour de la gare ferroviaire londonienne de King’s Cross. Des millions de personnes y sont filmées et analysées par une entreprise privée.

L’Information Commissioner’s Office (ICO) se déclare ‘très préoccupé’ à propos de la situation. Le régulateur réagit ainsi au tumulte provoqué plus tôt cette semaine par l’exploitation de la reconnaissance faciale dans une zone de 300 mètres carrés autour de la gare de King’s Cross à Londres. Un article paru dans le Financial Times au début de cette semaine faisait en effet état d’un système scannant les visages en direct.

Ce système semble avoir été mis au point par un développeur de projecteurs, Argent, qui, à l’entendre, utilise la technologie pour ‘garantir la sécurité publique’, sans vouloir donner d’autres informations à ce sujet, même si l’entreprise indique qu’il s’agit là ‘d’une des différentes technologies’ suivant les personnes.

Propriété privée, quoique!

La zone en question est une propriété privée, mais qui est utilisée publiquement. On y trouve par exemple une série de magasins, de cafés et de restaurants. Des bureaux y sont également implantés, dont le quartier général britannique de Google et quelques bâtiments de l’université Central Saint Martins College. Le fait que la reconnaissance facile y soit utilisée, n’était signalé nulle part, jusqu’à ce que des sources en parlent au Financial Times.

“Je n’ai aucune idée de ce qu’on veut faire à King’s Cross”, déclare ainsi Paul Wiles, un professeur de biométrie, à la chaîne britannique BBC. “Cela n’a guère de sens de disposer de la reconnaissance faciale, à moins que pour comparer des visages avec une base de données. Mais dans ce cas, quelle est cette base de données?” La question, ajoute Wiles, est de savoir alors si le développeur de projecteurs a créé sa propre base de données ou si elle l’a achetée quelque part.

GDPR

La reconnaissance faciale tombe sous le coup des règles du GDPR, ce qui signifie notamment qu’une entreprise a besoin d’une ‘base légale’ pour l’utiliser. Argent même n’a encore jamais révélé depuis combien de temps déjà les caméras sont utilisées pour collecter des données et ce, quelle que soit la base légale et la manière dont ces données sont sécurisées. “Le scannage des visages de personnes qui vont et viennent dans leur vie de tous les jours, constitue une menace pour le respect de la vie privée, ce qui nous préoccupe tous”, prétend l’ICO dans un communiqué. Le maire de Londres, Sadiq Khan, a déjà sollicité des renseignements complémentaires.

La découverte interpelle en outre quant à la manière dont des propriétés privées sont exploitées pour contrôler le grand public. Des projets de développement appartenant à des propriétaires privés, mais utilisés comme des biens public, on en trouve cependant assez souvent dans de grandes villes, plus particulièrement à Londres. Pensons par exemple à des ensembles de bureaux entourés de parkings, gérés par des firmes de sécurité privées, parce que ce ne sont pas vraiment des terrains publics. “D’un point de vue historique, ce genre d’endroit serait considéré comme un espace public contrôlé par la loi publique”, poursuit le professeur Wiles. “Or à présent, une grande partie de cet espace est défini comme privé, mais auquel le public a accès.”

La Grande-Bretagne est connue pour être l’un des pays à disposer du plus grand nombre de caméras de sécurité au monde. Proportionnellement, il serait question d’1 caméra par 11 à 32 habitants. Parmi ces caméras, un grand nombre est exploité par des entreprises privées telles des magasins, qui légalement sont tenus de mettre à disposition leurs images, si la police le leur demande. Les défenseurs du respect de la vie privée, notamment Amnesty International, se posent des questions sur l’impact de cette surveillance de masse.

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