Tour d’horizon du sexisme dans la Silicon Valley
Le mois dernier, Travis Kalanick a quitté Uber, notamment après des accusations de sexisme extrême. Problème résolu ? Bien sûr que non. La tache d’huile des scandales s’étend de plus en plus dans le monde du capital-risque.
La Silicon Valley et la “culture du capital-risque” ont un problème en matière de sexisme. C’est ce qu’indique une montagne croissante d’histoires et de témoignages. La situation est telle que les capitaux-risqueurs eux-mêmes s’en rendent compte. Chris Sacca, l’un des premiers investisseurs de Twitter, Uber et Instagram, s’est ainsi excusé de son comportement dans un post sentimental sur Medium. Il y écrit qu’au cours des dernières semaines, il a mieux cerné ce qui se passait et a promis d’intervenir. “Je me suis rendu compte qu’il y avait un problème sous-jacent plus important dans cette industrie et je commence à comprendre que j’en ai fait partie”, écrit-il.
Chris Sacca se confesse précisément la veille du jour où The New York Times publie un rapport substantiel sur le comportement des capitaux-risqueurs vis-à-vis des femmes. Le journal a demandé à douze entrepreneuses dans la technologie de partager leurs expériences et les résultats se sont révélés, peut-être sans surprise, particulièrement déprimants. Elles parlent notamment d’une sorte d’omerta, la crainte de ne plus jamais trouver de travail si l’on réagit aux remarques ou gestes déplacés.
Le gérant de 500 Startups, Dave McClure, aurait notamment les mains baladeuses, tout comme le précité Chris Sacca, qui dément d’ailleurs les accusations. Dave McClure, qui n’est entre-temps plus à la tête de 500 Startups, admet dans un post de blog un peu plus honnête, publié suite à l’article, qu’il s’est comporté comme “un monstre”.
Le journal a rédigé le rapport à la suite d’un procès intenté par une collaboratrice de la société de capital-risque Binary Capital à l’encontre de l’un de ses fondateurs, Justin Caldbeck. La dame en question accuse ce dernier de diffamation. Il lui empêcherait de trouver un autre travail depuis qu’elle a quitté l’entreprise, en partie à cause de son environnement de travail sexiste. Après la divulgation de la plainte, six autres femmes ont porté des accusations d’avances sexuelles indésirables à l’encontre de Justin Caldbeck. Ce dernier a entre-temps démissionné de Binary Capital.
Quand la Silicon Valley grandira-t-elle ?
Tous ces rapports et accusations ne tombent pas du ciel. Les histoires au sujet de la “culture bro”, une sorte d’ambiance estudiantine au sein de laquelle tout est permis et où l’on demandera la permission plus tard, tourmentent les start-up depuis de longues années déjà. L’ouverture des portes de l’écluse pourrait être due au martyre public subi par Uber. En avril, Susan Fowler, une ingénieure de la société de transport, a exposé ses expériences dans un post de blog très partagé. S’en est suivi une longue vague de scandales, licenciements et analyses de la “culture d’entreprise” ayant provisoirement débouché sur la démission du CEO Travis Kalanick et de la moitié de son conseil d’administration.
Les chefs chauvins et les capitaux-risqueurs à la philosophie des années cinquante appartiennent-ils désormais au passé ? Nous verrons. L’histoire nous apprend, en effet, que les changements, même dans la Silicon Valley en rapide évolution, s’avèrent particulièrement lents dans ce domaine. Un regard jeté sur les grandes histoires des dernières années ne mène pas à une perspective optimiste. Presque qu’aucune start-up de taille n’est exempte de toute accusation. En 2014, la collaboratrice de GitHub, Julie Ann Horvath, a expliqué comment ses anciens collègues et le CEO de l’époque, Tom Preston-Werner, l’avaient importunée. De même, Tinder a eu à traiter au moins une accusation pour intimidation sexuelle. En juin 2014, l’ancien membre du conseil d’administration, Whitney Wolfe, a accusé le CMO de la société de commentaires sexistes, notamment le fait que citer son nom comme cofondatrice nuirait à la réputation de l’application.
Je me suis rendu compte qu’il y avait un problème sous-jacent plus important dans cette industrie et je commence à comprendre que j’en ai fait partie.
En 2015, le procès du CEO de Reddit, Ellen Pao, qui a accusé la société d’investissement Kleiner Perkins de discrimination sexuelle, a fait couler beaucoup d’encre. Elle a finalement perdu. Palantir, que vous connaissez peut-être comme la société qui rassemble toutes les données des grandes villes du monde telles que Londres et a été fondée par le représentant de Trump, Peter Thiel, a été confrontée à une plainte pour racisme. La petite société AR Magic Leap a également été accusée, en février dernier, par l’ancienne vice-présidente du marketing et de l’identité de la marque, Tannen Campbell. Elle avait été engagée pour aider l’entreprise à résoudre son “problème rose/bleu”, un terme interne indiquant le manque de personnel féminin. Elle a finalement attaqué la start-up pour la promotion d’une ambiance de travail discriminatoire envers les femmes.
Et Uber ? L’entreprise n’est pas encore sortie des procès. Le dernier concerne plusieurs plaintes pour négligence criminelle. En effet, plusieurs procès pour viol à l’encontre de chauffeurs Uber sont en cours et découleraient, selon une accusation, en partie du manque de contrôle d’Uber. Parmi les noms cités, un homme appelé Yakhahnahn Ammi. Il avait déjà été condamné pour violence domestique et faisait l’objet d’un avis de recherche, mais il a pu rouler pour Uber sans trop de problèmes. Il aurait violé l’une de ses passagères en janvier.
Et pourtant
Le fait que d’importants investisseurs commencent à rédiger de longues excuses personnelles constitue déjà une évolution. Ce qui semble également changer est la pression exercée par les bailleurs de fonds. De nombreux millionnaires préfèrent ne pas associer leur nom à une entreprise telle que Binary Capital, afin de préserver leur réputation. Il s’agit déjà d’une forme de pression à laquelle il est difficile d’échapper. Dave McClure et Chris Sacca promettent une amélioration, bien qu’ils soient suffisamment malins pour connaître la crédibilité de cette affirmation. “Je ne m’attends pas à que l’on croit que je vais changer, mais j’y travaille”, écrit Dave McClure.
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