Suppression des règles pour la neutralité du net: les Etats-Unis optent pour un internet à deux vitesses

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Pieter Van Nuffel Journalist DataNews

La FCC américaine a annulé les règles de protection de la neutralité d’internet introduites sous la présidence d’Obama. Il en résulte que les fournisseurs ne devront plus traiter le trafic internet de façon égale.

Ces règles dataient de 2015 et avaient comme but de veiller à ce que les fournisseurs de services internet – aux Etats-Unis AT&T, Comcast et Verizon notamment – traitent de manière identique l’ensemble du trafic internet et ce, quels que soient l’expéditeur et le destinataire. L’objectif était d’éviter que Comcast, propriétaire du groupe de médias NBC Universal, accorde la préséance à certains de ses (futurs) services de diffusion (streaming) par rapport à Netflix ou YouTube par exemple.

En sa qualité d’avocat du fournisseur Verizon, Ajit Pai s’est toujours opposé à ces règles qui, selon lui, vont à l’encontre de l’innovation. C’est ce même Pai qui fut du reste nommé à la présidence de la Federal Communications Commission (FCC) au début de cette année par Donald Trump. Depuis lors, cet organisme se compose de trois républicains et de deux démocrates. C’est la majorité républicaine qui a aujourd’hui annulé les règles en vigueur.

Ces derniers mois, on eut pourtant droit à de vives protestations, notamment de la part de firmes technologiques telles Apple, Amazon et Netflix, contre cette annulation. Ces firmes craignent en effet d’être entièrement soumises aux desiderata des fournisseurs. Plusieurs groupements de consommateurs et associations de défense des droits des citoyens souhaitent eux aussi conserver la neutralité du net.

Quels changements possibles?

Rien n’empêchera donc dorénavant les fournisseurs de s’assurer que leurs services soient privilégiés par rapport à ceux de la concurrence. Autre possibilité: un fournisseur pourra demander de l’argent à des sites désireux de bénéficier d’une accessibilité plus rapide et stable. En principe, les fournisseurs auront aussi le choix de bloquer certains sites web, même s’ils ont promis de ne pas le faire.

Et puis il y a les abonnements spéciaux. Un consommateur pourra par exemple payer pour ne disposer que de services vidéo tels YouTube et Netflix, ou que de médias sociaux comme Facebook, Instagram et Pinterest. C’est ce que les fournisseurs qualifient ‘d’innovation’. Mais pour les activistes internet, il s’agit là ‘d’un abus de pouvoir’.

Les fournisseurs auront désormais toute latitude pour manipuler le trafic internet, mais devront cependant en informer leurs clients, afin qu’ils puissent en principe choisir un autre fournisseur. En pratique, la concentration de pouvoir sera toutefois si grande et la concurrence si faible qu’il y aura à peine le choix.

Pour les adeptes de la neutralité du net, l’avenir d’internet est donc bien sombre et ce, même si la porte n’est pas encore tout à fait refermée car ils se tourneront quasi certainement vers la Justice.

Neutralité du net en Belgique

Dans notre pays, la neutralité du net n’est pas inscrite dans la loi. L’Europe insiste cependant fortement sur le fait que les fournisseurs doivent traiter équitablement le trafic internet. Il y a deux ans, le Parlement européen approuva une loi, qui fut l’année dernière traduite en directives pour les fournisseurs. L’an dernier encore, le ministre des télécommunications belge Alexander De Croo fit procéder à un contrôle pour savoir si les abonnements Proximus n’enfreignaient pas les règles européennes en matière de neutralité du net, mais tel ne semble pas être le cas. Les règles européennes sont moins strictes que celles qui étaient en vigueur aux Etats-Unis, et autorisent par exemple une discrimination positive des prix.

La décision prise à présent par la FCC impactera quoi qu’il en soit le futur d’internet pour nous, les utilisateurs. Si les fournisseurs européens s’aperçoivent que leurs homologues américains accordent la priorité à certains services, ils seront probablement enclins à faire du lobbying pour qu’il en soit ainsi ici également.

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