Proximus: ‘Les réseaux mobiles pourront remplacer les connexions fixes’

Geert Standaert - CTO Proximus. © Proximus
Pieterjan Van Leemputten

Chez Proximus, l’on prépare d’arrache-pied le prochain Graal dans le paysage mobile. Data News a rencontré à ce propos Geert Standaert, CTO et responsable du réseau de l’entreprise. Car avant l’arrivée de la prochaine génération mobile, le backbone fixe sera entièrement remplacé.

Geert Standaert est depuis plus de quatre ans chief technology officer chez Proximus, mais il travaille depuis 1994 déjà pour le groupe télécom. Chez Proximus, il est responsable des réseaux fixe et mobile, mais aussi de tous les développements IT et des activités ‘wholesale’. Il a ainsi été à l’initiative du ‘vectoring’, il a été à la base du déploiement de la 4G et il prépare aujourd’hui la prochaine génération: la 5G.

Selon le secteur, 2020 sera l’année de la 5G. Est-ce encore et toujours possible?

“A cette date, il y aura à coup sûr des projets pilotes, même avant déjà. Mais nous en serons alors probablement à une pré-norme.”

“La 5G fonctionnera avec des appareils entièrement nouveaux, ce qui se traduira vite par quelques centaines de millions d’euros. Nous ne le faisons donc pas pour le plaisir de sortir la technologie ou pour être les premiers à le faire. Il faut évidemment aussi que cela rapporte de l’argent.”

“Ce retour sur investissement sera le grand défi à relever car le secteur télécom n’y arrivera pas seul. Nous devons préparer à plusieurs secteurs de nouveaux modèles commerciaux, où une technologie comme la 5G apportera un avantage substantiel. Pour l’IoT, il y aura par exemple un grand potentiel. En combinaison avec l’analytique des données, il sera possible dans chaque industrie d’améliorer des processus ou de changer l’ensemble du volet financier.”

Toutes les promesses seront-elles tenues avec la 5G?

“L’on pourra en tout cas faire beaucoup de choses. Cela ne signifie cependant pas que nous pourrons tout faire demain. Je n’exclus pas que nous puissions utiliser les réseaux mobiles en tant qu’alternatives aux connexions fixes, ou en tant que service complémentaire.”

“Avec l’Ultra Vectoring, l’on peut aujourd’hui atteindre les 200 Mbps. Mais supposez que vous ayez à certains moments besoin d’une vitesse de pointe supplémentaire, cela pourrait se faire avec l’internet mobile.” (Le ‘vectoring’ réduit les interférences sur les connexions en cuivre, ce qui permet des vitesses supérieures, ndlr).

Je n’exclus pas que nous puissions utiliser les réseaux mobiles en tant qu’alternatives aux connexions fixes

“Dans ce genre de scénario, il convient d’installer partout la fibre optique. Il va de soi qu’il faut tout faire pour déployer cette fibre aussi près que possible du client, ce que nous faisons via des tranchées dans les rues.”

“Mais avec les améliorations technologiques apportées au cuivre, l’on pourrait couvrir les besoins internet normaux, puis étendre cette couverture avec le réseau mobile. Le client ne doit se faire aucun souci à propos de la technologie utilisée, lorsqu’il surfe sur internet.”

Proximus a conclu un partenariat stratégique avec Huawei. Serez-vous fournisseur?

“Nous faisons beaucoup de choses avec eux. Cela va des tests de la nouvelle technologie jusqu’au partage des expériences. Grâce à eux, nous sommes souvent parmi les premiers au niveau technologique. Nous apprécions donc cette relation. Il y a aussi pas mal d’ingénierie sur le plan local.”

Geert Standaert - CTO Proximus
Geert Standaert – CTO Proximus© Proximus

“Mais cela ne signifie pas que nous nous associons avec eux par définition. Nous misons sur l’interopérabilité. Ils savent que nous voulons la garantie de pouvoir migrer simplement d’un partenaire à l’autre. Avec une architecture, il ne faut quand même jamais dépendre d’un seul grand fournisseur. Huawei n’est du reste pas la seule. Avec Nokia, nous collaborons ainsi beaucoup au niveau de notre réseau fixe et en partie au niveau de notre réseau mobile, pour tout ce qui concerne IMS (IP Multimedia Subsystem) et HLR (Home Location Registry) par exemple.”

“Le fait est qu’il n’y a tout simplement pas beaucoup d’acteurs qui créent une infrastructure 5G. Ce n’est pas une sinécure, même pour nous.”

La 5G sera plus rapide et permettra davantage de connexions avec une latence inférieure. Que deviendra aors la 4G?

“Aujourd’hui, la 4G est implémentée sur la majorité de nos macro-antennes (les hauts pylônes d’antennes) sur plus de 3.500 sites. Mais la 5G tournera à côté de la 4G car la première technologie ne remplacera pas l’autre. Si nous lançons la 5G en 2020, nous continuerons de supporter la 4G et LoRa. La 3G a du reste atteint son apogée au second semestre de 2015. A présent, elles régresse au fur et à mesure que nos clients se connectent via la 4G.”

Certains opérateurs étrangers ont entre-temps arrêté la 2G. Est-ce aussi inscrit à votre agenda?

“Nous réutiliserons probablement plutôt le spectre de la 3G, avant de toucher à la 2G. Avec l’espace ainsi libéré, nous pourrons supporter davantage la 4G. La raison en est que beaucoup d’applications M2M tournent aujourd’hui encore sur la 2G.”

“Ce ‘refarming’ pourra se faire en réduisant le spectre ou en remplaçant une bande, mais cela dépendra des volumes et du nombre de clients. Nous ne ferons aucun commentaire à propos de la manière de faire et de la date, car rien n’est encore décidé à ce niveau. Mais ce qui est sûr, c’est que le spectre 3G sera réutilisé.”

Nous n’atteignons aujourd’hui même pas tout le potentiel de la 4G

Comment se présentera la 5G au vu des normes de rayonnement appliquées à Bruxelles?

“Avec la limite actuelle de 6 volts par mètre, nous n’y arriverons pas. Même avec les améliorations apportées par la 5G, l’on n’ira pas loin avec ces normes. Nous n’atteignons aujourd’hui même pas tout le potentiel de la 4G. Mais nous voulons collaborer avec les autorités en vue de faire de Bruxelles une ville numérique. Car actuellement, nous sommes à la frontière de ce qui est possible.”

Et ailleurs?

“La 5G fonctionnera dans le spectre tant inférieur que supérieur à 6 GHz et ce, de manière régulée et non régulée. Les fréquences supérieures à 6 GHz seront moins intéressantes pour une utilisation indoor. En raison de leur isolation, certains bâtiments constituent des cages de Faraday dans lesquelles nous n’arrivons pas non plus à pénétrer avec la technologie actuelle. L’on traverse les murs avec les fréquences inférieures. Avec les fréquences supérieures, l’on peut par contre fournir plus de capacité.”

La 5G, cela signifiera plus d’appareils et plus de données. Le réseau fixe pourra-t-il faire face à cet afflux?

“L’on observe aujourd’hui déjà une explosion sur notre réseau de base. Mais c’est dû à la popularité de l’unicasting, où les téléspectateurs recourent au différé et à la vision à la demande. Voilà pourquoi nous avons décidé cette année de remplacer tout notre réseau de base. Nous préparons à présent un réseau où l’on pourra basculer vers 100 Gbps avec possibilité d’atteindre même 1 Tbps. Nous étions du reste les premiers en Europe à le démontrer en laboratoire. Ce réseau sera le résultat d’une combinaison Huawei, Alcatel et, en partie, Ericsson.”

“L’unicasting sollicite notre réseau plus lourdement que la 4G. Il y a des moments, où Netflix représente 15 pour cent de la capacité du réseau. Aujourd’hui déjà, l’on peut acheter une excellente caméra pour trois cents euros, et il ne faudra plus attendre longtemps avant de pouvoir filmer en 4K avec un smartphone. Ce genre de chose fera en sorte que nous allons renouveler notre infrastructure au cours des quatre prochaines années.”

“Nous migrerons vers un réseau ‘single IP’. Cela signifie que tous les produits hérités (anciens appareils) disparaîtront, que ce sera entièrement compatible SDN (Software Defined Network) avec NFV (Network Function Virtualization), afin que le consommateur puisse faire beaucoup de choses à distance et ajouter facilement de la capacité supplémentaire. Des choses qui représentent aujourd’hui souvent du travail physique, nous allons pouvoir les faire en grande partie à distance. Nous réduirons ainsi aussi nos coûts d’exploitation.”

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