Pieter Zwart (Coolblue): “Quelle est aujourd’hui encore la valeur ajoutée de la vente au détail traditionnelle?

Pieter Zwart - Coolblue © .
Pieterjan Van Leemputten

Au moment où les dernières chaînes de magasins belges découvrent les webshops, la néerlandaise Coolblue ouvre son 3e siège en Belgique. Comment le fondateur et ‘patron’ Pieter Zwart envisage-t-il l’avenir du commerce en ligne ? Il rêve de l’étranger, d’un meilleur magasin, mais pas de drones et de rachats.

Coolblue est aujourd’hui une entreprise de quelque 2.000 collaborateurs qui vendent 87.191 produits pour un chiffre d’affaires de 360 millions €. La culture de l’entreprise est ‘chaque jour un peu mieux’, ce dont Zwart est convaincu. “Il s’agit de savoir comment mettre un produit dans son panier électronique, comment un bouton doit se présenter, comment on nous trouve et comment nous pouvons aider nos clients. De petites choses qui représentent quelques pour cent de plus. Mais si l’on cumule le tout, on en arrive à une croissance solide.”

Comment être aujourd’hui meilleur que Vandenborre ou Bol.com par exemple?

PIETER ZWART : Les clients sont particulièrement sensibles aux promesses de livraison, comme être livré le lendemain en cas de commande passée avant minuit.

Reste évidemment le prix.

PIETER ZWART : Certes, le prix est également très important, mais en cas de promesse de livraison, il y a un satisfait ou un insatisfait. Il faut tenir ses engagements, un élément important pour le client. Celui-ci doit attendre moins longtemps ou ne pas devoir rester à la maison, autant d’éléments qui peuvent certainement être améliorés. Nous employons 40 analystes de données. Ces gens peuvent prédire combien d’iPhone seront vendus demain à Anvers et peut-être même le nombre de ceux-ci qui seront noirs ou blancs.

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Du coup, vous en stockez un certain nombre à Anvers ?

PIETER ZWART : Exactement, et s’ils sont sur place, nous pouvons les livrer le jour-même. Ce n’est pas forcément plus coûteux, mais plus agréable pour le client. Certes, une telle pratique ne peut s’appliquer qu’à un petit pourcentage de notre assortiment, mais qui génère souvent une part non-négligeable du chiffre d’affaires. Et continuer à prévoir ne s’applique pas forcément à demain ou à l’an prochain, mais permet de dégager une stratégie : apporter plus rapidement les bons produits aux clients. C’est d’ailleurs aussi l’avenir du commerce de détail. Quelle est encore aujourd’hui la valeur ajoutée du détaillant traditionnel ?

…Dixit l’homme qui vient d’ouvrir un nouveau magasin à Zaventem

PIETER ZWART : Exact ! Mais en l’occurrence, la valeur ajoutée est bien réelle.

Comme vitrine ? Ou pour convaincre les derniers acheteurs ?

PIETER ZWART : Il y a plusieurs raisons. Certains clients, surtout des hommes, ont davantage de temps, ils prennent plaisir à entrer dans un magasin et à y faire un achat en contrôlant parfaitement la transaction. C’est actuellement le groupe cible plus âgé. Mais il y a aussi des gens qui apprécient d’avoir un magasin à proximité et, aussi étonnant que cela puisse paraître, font leurs achats en ligne.

Ils font confiance à la marque qu’ils peuvent retrouver dans un magasin physique?

PIETER ZWART : Précisément. Lorsque nous ouvrons un magasin dans une ville, nos ventes en ligne augmentent ce jour-là dans la région. Mais cela ne se fait pas surtout, comme à Zaventem, dans le magasin. Cela renforce la confiance. Il ne sera pas possible de rentabiliser l’investissement du magasin, mais cela permettra de représenter 2 semaines de loyer. Il faut en outre faciliter le processus d’achat. Vous commandez un article sur le site web et vous pouvez le retirer dans les 60 secondes en magasin. Pour certains groupes de produits, il s’agit là d’une solution intéressante. Admettons que vous cherchiez un nouveau casque et que vous souhaitez savoir comment il fonctionne. Vous aurez beau pouvoir visualiser une vidéo explicative ou consulter les avis d’acheteurs, le mieux sera encore de pouvoir entendre le rendu sonore. Mais ceci ne vaut pas pour d’autres types de produits. Ainsi, personne ne cherchera à tester la qualité d’un lave-linge en y mettant ses vêtements.

Vous êtes aujourd’hui présent à Lochristi, Anvers et Zaventem. Envisagez-vous d’autres régions, comme le Limbourg?

PIETER ZWART : Contrairement à ce qui se passe dans le commerce de détail, ce n’est pas le nombre de personnes dans la région qui importe [Lochristi compte 22.000 habitants contre 75.000 à Hasselt, NDLR]. Dans ce cas, c’est une question de densité de population. Mais nous regardons plutôt les comportements d’achat et le lieu de résidence de nos clients afin de calculer très précisément le rapport trajet/propension à l’achat par type de produit. Sur cette base, nous savons s’il est pertinent d’ouvrir un magasin.

Les drones n’ont véritablement de valeur ajoutée que si la distance entre le magasin et le client revient trop cher.

Donc les Limbourgeois sont davantage enclins à se déplacer.

PIETER ZWART : Notamment, mais les choses évoluent avec le temps.

Une autre innovation dans la distribution est la fourniture par drone qu’expérimente notamment Amazon. Est-ce une possibilité pour Coolblue ?

PIETER ZWART : Absolument pas dans les zones densément peuplées, mais certainement dans les zones à faible population. Les drones n’ont véritablement de valeur ajoutée que si la distance entre le magasin et le client revient trop cher. Si vous voulez livrer un colis à Anvers ou Rotterdam, il vaut mieux passer par le facteur ou une solution similaire. Mais si vous êtes un fermier au beau milieu de l’Amérique et que le facteur prend une demi-heure pour atteindre votre ranch, le coût devient extrêmement élevé. Dans ce cas, le drone peut réduire les coûts de livraison. Mais nous vivons dans les zones les plus densément peuplées au monde, ce qui rend la logistique particulièrement bon marché.

Vous livrez dans les zones peuplées de Belgique et des Pays-Bas. Coolblue va-t-elle desservir d’autres pays ?

PIETER ZWART : Nous y rêvons, mais dans un premier temps au sein de l’Europe. Il n’existe aucun plan concret à ce niveau, mais j’espère que nous y arriverons un jour.

Et la Wallonie ?

PIETER ZWART : Nous livrons déjà en Wallonie, mais sans site web en français. Lorsque l’on change de langue, rien ne change au niveau du contenu du site. Cela dit, il faudrait traduite au niveau du service clients, du marketing et même de l’emballage. Mais si nous voulons conquérir un jour d’autres marchés européens, il faudra évidemment y passer.

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Des rachats sont-ils envisagés. Ou cela ne vous intéresse-t-il pas ?

PIETER ZWART : Je ne dis ni oui, ni non. Mais notre croissance est très rapide, de 50 à 60% par an. Accélérer encore notre croissance en rachetant une société qu’il faudra intégrer prend beaucoup de temps, et ce temps, je ne l’ai pas actuellement. Par ailleurs, cela ne règle pas un problème qui n’existe pas, à savoir une croissance trop faible. Dès lors, je ne m’attends pas à des reprises dans les prochaines années.

Les magasins en ligne néerlandais se portent actuellement mieux que les belges. D’aucuns évoquent la législation, notamment sur le travail de nuit, qui ne serait pas suffisamment souple. Qu’en pensez-vous ?

PIETER ZWART : L’argument est souvent avancé dans les médias belges, mais cette analyse est trop restrictive. L’écart existe depuis quelques années déjà alors même qu’aux Pays-Bas, il était courant d’atteindre quelques jours avant une livraison. Quelle explication dès lors ? La pénétration de l’internet à haut débit a été plus rapide aux Pays-Bas. Chaque foyer néerlandais a accès depuis des années déjà à une connexion internet bon marché et ultra-rapide. C’est notamment dû au fait qu’il y a davantage d’acteurs étant donné que les autorités ont veillé à instaurer un climat compétitif – c’est ainsi que KPN a été sérieusement attaquée. Du coup, la concurrence a été plus forte au niveau des prix, des débits et des services.

Comment cette situation se répercute-t-elle dans l’e-commerce?

PIETER ZWART : Eh bien, les consommateurs qui ont acheté à l’époque en ligne continuent à le faire aujourd’hui. Cela a déclenché un changement de comportement. C’est culturel.

Les Pays-Bas sont en avance car l’e-commerce y a démarré plus vite?

PIETER ZWART : C’est exact.

Cet article est paru le 14 octobre dans la version papier de Data News.

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