Phenix est mort, Unisys et la Justice gravement blessées

Le gouvernement a rompu le contrat qui le lie à Unisys dans le cadre du fameux projet Phenix de modernisation de la Justice. Après six ans de revirements, retards et gaspillages. Le SPF Justice, avec l’aide du Fedict, travaille à un scénario de transition.

Coup de tonnerre hier soir lorsque la Ministre de la Justice Onkelinx, à l’issue d’un conseil de ministres restreint, a annoncé la rupture unilatérale du contrat signé avec Unisys dans le cadre du projet Phenix. En plus de standardiser et rendre pérenne une informatique interne hétéroclite et obsolète, [ce projet de modernisation ]veut (ou plutôt voulait) tirer parti du potentiel de communication des technologies internet/intranet, via le principe d’un “dossier électronique” créé pour chaque affaire dès le début d’une procédure judiciaire et enrichi par les différents acteurs de l’appareil judiciaire. L’objectif (déjà reporté) était de généraliser le système à l’ensemble des cours et tribunaux en 2008.Il ne sera jamais atteint puisque le gouvernement ne cache pas que le divorce avec Unisys marque la fin du projet Phenix.Dans un communiqué, le cabinet Onkelinx explique que “la rupture de contrat était devenue inévitable, vu les retards accumulés par la firme et le manque manifeste de qualité des prestations fournies.” La firme américaine avait été choisie comme fournisseur principal fin 2001, encore du temps du Ministre Verwilghen.La réaction de Unisys ne s’est pas fait attendre. L’entreprise se dit “choquée” de cette décision et refuse que la Ministre fasse porter toute la responsabilité de l’échec du projet à Unisys. “La Vice-Première semble vouloir minimaliser les manquements de son propre département,” lance Unisys, qui se refuse pour le reste à tout autre commentaire.Et maintenant ?Il y a deux ans environ, le service public informatisation (FedICT) a été appelé à la rescousse pour tenter d’aider à remettre le projet sur les rails. En vain. Jan Deprest, son président, a également eu des mots très durs envers la qualité du travail livré par Unisys. Et maintenant ? Il semble bien que peu d’éléments puissent être récupérés. “Nous sommes occupés à examiner quels développements éventuels de Unisys pourraient être conservés, mais la question est bien sûr d’ordre juridique : qui est propriétaire de quoi ?,” commente Jan Deprest. Une petite partie du travail de centralisation de l’architecture IT pourrait être conservé. La priorité du jour est toutefois la mise en oeuvre d’un scénario de transition concoté par le département IT du SPF Justice, le comité de pilotage de l’ex-Phenix et FedICT : “ce scénario prévoit de rafraîchir et revaloriser les outils informatiques existants,” poursuit Jan Deprest. En d’autres termes, de garantir qu’il n’y ait pas d’interruptions de service. Et éviter, comme ne manque pas d’ironiser l’opposition, que la Justice se retrouve avec des ordinateurs qu’on ne trouve même plus en seconde main.Pour la suite des événements, les mêmes acteurs travaillent à un document, sorte de nouveau cahier des charges, préparatoire au choix d’un nouveau fournisseur. Mais aucun calendrier n’est encore fixé. Les élections approchent.Au fil des ans, le cours de ce projet ne manquera pas de laisser un goût amer chez pas mal d’observateurs, en raison des faux-semblants qui ont entouré ce projet (sans parler bien sûr des millions gaspillés) : nous nous souvenons d’un “Executive Summit” de Unisys, organisé dans un palace de New York il y a quatre ou cinq ans, lors duquel l’entreprise s’était vantée de son rôle moteur pour le “Belgian Ministry of Justice”, alors que Unisys n’avait pas encore écrit une ligne de code … Le comportement de la Ministre [en décembre dernier] (“tout est sous contrôle”…) n’était guère plus réjouissant.

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