Notre internet restera-t-il ouvert et libre?

Frederik Tibau est rédacteur chez Data News.

Comme l’on s’y attendait, il n’y a pas eu d’accord à Dubaï à propos de qui doit gérer l’internet. Les Etats-Unis et l’Europe rejettent un nouveau traité de l’ITU, selon lequel l’agence des Nations Unies devrait jouer un rôle plus actif.

Comme l’on s’y attendait, il n’y a pas eu d’accord à Dubaï à propos de qui doit gérer l’internet. Les Etats-Unis et l’Europe rejettent un nouveau traité de l’ITU, selon lequel l’agence des Nations Unies devrait jouer un rôle plus actif. L’International Telecommunication Union (ITU) doit-elle assumer la responsabilité finale sur l’internet? C’est autour de cette question fondamentale que 193 pays ont débattu ces deux dernières semaines à Dubaï.

A la requête du secteur télécoms (européen), il y avait aussi une taxe internet sur la table des négociations. Si des entreprises telles Google, Amazon, Microsoft et Facebook espèrent gagner beaucoup d’argent avec les services qu’elles envoient via les réseaux à haut débit des opérateurs, elles pourraient très bien verser une contribution en contrepartie, selon le raisonnement. Voilà qui n’était pas du tout du goût du lobby technologique américain.

Au terme de deux semaines de réunions et de négociations, un nouveau traité a été élaboré, mais les Etats-Unis et l’Europe notamment en rejettent le texte. A première vue, il semble donc que l’internet, tel que nous le connaissons aujourd’hui (un service ‘ouvert’ par-dessus les réseaux télécoms des opérateurs, géré par des entreprises privées et des groupes d’intérêts, où les autorités ne sont représentées qu’indirectement), ne changera pas, du moins pas dans le monde occidental.

Les Etats-Unis ont été le premier pays à rejeter le projet de traité. “L’internet a engendré ces 24 dernières années un incroyable boom social et économique, sans intervention de la part de l’ITU”, a expliqué Terry Kramer de la délégation américaine. “Nous ne pouvons donc pas signer un traité qui met en doute le modèle multipartite actuel.”

Entre-temps, les pays de l’UE, le Canada, le Kenya, le Qatar et l’Egypte se sont ralliés aux Etats-Unis. Ces pays éprouvent surtout des difficultés avec la résolution, selon laquelle ‘le secrétaire général de l’ITU doit prendre les mesures nécessaires pour élargir les compétences de son organisation sur le net’.

Même si une majorité de quelque 90 pays a bien signé le texte, le traité ne pourra donc pas être mis correctement en oeuvre.

Détourné L’ITU a été créée en 1865, afin de coordonner les connexions télégraphiques internationales. Plus tard, ses compétences ont été élargies à la radio et aux télécommunications, et l’ITU est devenue une composante des Nations Unies. Les deux semaines passées à Dubaï avaient comme objectif de rafraîchir les accords internationaux en matière de télécoms et de transmission de données, quelque chose qui n’était plus arrivé depuis 1988, lorsqu’il n’était pas encore question de l’internet tel que nous le connaissons aujourd’hui.

La réunion a été à tout le moins très controversée, parce que les Etats-Unis soupçonnaient l’ITU de vouloir reprendre le contrôle de l’internet des institutions multipartites telles l’Icann et le IGF (l’Icann doit déjà suivre les injonctions du ministère américain du commerce).

Le lobby internet américain, Google en tête, a mené une campagne incroyablement forte contre les propositions relatives à la fameuse taxe internet (voir plus haut). Dans ce contexte, il est apparu que l’ITU n’a tout simplement pas le droit à la parole du fait que l’internet n’est rien de plus qu’un service qui tourne par-dessus les réseaux des opérateurs télécoms.

Le camp des Etats-Unis a souligné aussi à plusieurs reprises que la conférence était continuellement ‘détournée’ par des régimes qui veulent disposer de possibilités pour contrôler l’internet sur leur territoire et pour museler le caractère ouvert et libre du réseau. Ce n’est qu’ainsi qu’ils acceptent d’ajouter l’internet au portefeuille télécoms traditionnel de l’ITU.

Les défenseurs du nouveau traité suggèrent pour leur part que les Etats-Unis bloquent tout et allèguent la ‘liberté’ et l”ouverture’ pour protéger et surtout sécuriser des entreprises telles Google en Facebook.

La Russie a encore tenté de faire voter une résolution, selon laquelle l’internet est une compétence de l’ITU, mais elle s’est évidemment heurtée au veto des Américains.

Fragmenté Comme il n’est de toute façon pas question d’un accord largement supporté, cela pourrait signifier que l’on va évoluer vers un internet fragmenté et que les grands pays tels la Russie et la Chine en tiendront la barre.

“Ce risque existe bel et bien”, a expliqué Andrey Mukhanov du ministère russe des télécommunications et de la communication de masse à l’agence Reuters. “Ce serait une mauvaise chose pour tout le monde. Il est donc urgent que les Etats-Unis et l’Europe prennent une attitude quelque peu plus constructive en matière d’internet.”

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