Neuralink accomplit de premiers mini-pas en vue d’interconnecter le cerveau et l’ordinateur

Neuralink entend mettre au point une puce portable à placer derrière l'oreille. La puce devrait transférer sans fil vers un smartphone ou un ordinateur les informations dictées par les minuscules fils implantés dans le cerveau. Cela, c'est pour dans un avenir lointain. Le wearable illustré ici est une représentation de quelque chose qui doit encore être développé. © Neuralink
Pieter Van Nuffel Journalist DataNews

Elon Musk a pour la première fois montré quelle technologie son entreprise Neuralink est en train de développer. La firme entend implanter de petits fils flexibles dans le cerveau humain en lieu et place d’implants cérébraux invasifs. Neuralink a déjà testé son prototype d’une interface cerveau-ordinateur sur des animaux de laboratoire et espère l’implanter dans des cobayes humains d’ici la fin de l’année prochaine.

Lorsqu’on apprit il y a deux ans qu’Elon Musk avait fondé une entreprise dans le but de mettre au point une interface cerveau-ordinateur, cela nous rappela l’idée du ‘neural lace’. Il s’agit là d’une technologie fictive permettant à des personnes de charger et de télécharger des idées dans des ordinateurs. Musk avait tiré cette idée d’un roman de science-fiction, mais en y faisant référence, il suscita aussitôt de grandes attentes au sein du grand public.

Lors de la première présentation, durant laquelle les progrès réalisés par Neuralink étaient expliqués, Musk s’est toutefois senti obligé de tempérer légèrement ces attentes. Il insiste sur le fait qu’il s’agit d’un projet à long terme. “Neuralink ne va pas directement lancer un ‘neural lace’ qui prendra possession du cerveau humain”, affirma-t-il tout de go. “Ce sera un lent processus, où nous résoudrons progressivement les problèmes jusqu’à ce que nous en arrivions finalement à une interface cerveau-ordinateur complète.”

Un concept précoce de l'appli Neuralink, qui devrait assurer la connexion avec le wearable.
Un concept précoce de l’appli Neuralink, qui devrait assurer la connexion avec le wearable.© Neuralink

La dentelle neuronale (neural lace), c’est de la science-fiction et cela le restera longtemps encore. Il n’empêche que Musk n’a cette fois pas non plus manqué de se prendre pour un futurologue. Et d’aborder le scénario dystopique d’un monde, dans lequel l’intelligence artificielle a pris l’avance sur l’homme. Cela, il n’en veut pas. “Cela va peut-être vous sembler étrange, mais en fin de compte, nous devons tenter d’atteindre une forme de symbiose avec l’intelligence artificielle”, prétend le gourou technologique. Est-ce bien nécessaire? “Non”, répond Musk. “Mais nous devons pouvoir choisir de fusionner avec l’AI.”

Musk se réfère à notre cortex (la zone dans le cerveau, où nous analysons toutes les informations que notre corps reçoit) et à notre système limbique (la partie du cerveau impliquée dans nos émotions). “Dans un certain sens, le cortex est plus intelligent que le système limbique, mais je n’ai encore rencontré personne qui voulait renoncer à l’un des deux. Espérons que nous puissions y ajouter une troisième couche: la couche de super-intelligence numérique.”

Nous disposons dès à présent d’une partie de cette troisième couche avec le smartphone et divers wearables. La vitesse à laquelle nous transmettrons des informations de cette couche numérique vers les deux autres couches, sera limitée par la vitesse de nos pouces. “Or cette vitesse de sortie est nettement trop faible”, estime Musk. La vitesse de saisie est quelque peu supérieure, car nous pouvons par exemple lire plus rapidement des messages que les écrire. “Mais pour atteindre une véritable symbiose avec l’AI, nous avons besoin de plus de bande passante”, conclut Musk.

Neuralink entend accroître la vitesse avec laquelle les trois couches communiqueront en transférant directement l’information via la pensée. Comprendre comment les stimuli sensoriels dans notre cerveau sont traités et convertissent les signaux neuraux en informations numériques, voilà qui constitue encore un énorme défi.

Les chercheurs travaillent depuis des décennies déjà sur des implants cérébraux, afin par exemple d’aider les patients atteints de sclérose latérale amyotropique (SLA) à communiquer, ainsi que pour le traitement des patients souffrant du Parkinson par stimulation profonde du cerveau (‘deep brain stimulation’). Neuralink entend à présent accomplir le prochain pas en misant sur une solution moins invasive grâce à ce genre de technique.

Dans ce but, les actuels implants cérébraux doivent être remplacés par des fils flexibles ultrafins sur lesquels sont installées des électrodes. Dans un rapport non publié dans une revue scientifique, Neuralink parle de 96 fils polymères contenant chacun 32 électrodes. Les fils ont chacun une épaisseur de 4 à 6 microns et sont donc plus fins qu’une cellule nerveuse ou un cheveu humain.

Sous la direction d’un neurochirurgien, un robot devra placer les fils aux emplacements exacts prévus et empêcher que des vaisseaux sanguins ne soient percés. Il s’agira d’abord d’effectuer quatre petits orifices dans le crâne. A l’avenir, Neuralink espère dans ce but utiliser le laser. L’opération devrait alors devenir aussi facile que de se faire ‘laseriser’ les yeux, affirme Matthew MacDougall, chirurgien en chef chez Neuralink.

Un robot installera les électrodes au moyen d'une aiguille ultrafine. La flèche sur la photo à droite montre l'aiguille.
Un robot installera les électrodes au moyen d’une aiguille ultrafine. La flèche sur la photo à droite montre l’aiguille. “Elle aura une pointe de 24 microns”, explique Elon Musk. En comparaison, un cheveu fait quelque 40 microns d’épaisseur.© Neuralink

Le rapport décrit comment la technique des mini-fils a déjà été appliquée avec succès sur des rats. “Nous espérons que nous pourrons implémenter cette technique dans un patient humain d’ici la fin de l’année prochaine”, indique Musk durant la présentation. Neuralink ciblera dans un premier temps les personnes qui ne peuvent bouger aucun muscle. Dans ce but, l’entreprise doit encore passer l’étape de la FDA, l’agence américaine qui approuve notamment les nouveaux produits médicaux.

Lors de la phase de questions-réponses qui suit, Musk prétend encore que son équipe a déjà implanté la puce dans un singe: “Le singe a été capable de contrôler un ordinateur avec son cerveau”. Le rapport passe cependant cela sous silence. Il y a dix ans, des chercheurs avaient déjà réussi à ce que des singes déplacent des bras robotisés après avoir reçu un implant cérébral, mais ici de manière invasive.

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