Nadia Aimé (Microsoft): “Je sentais que j’avais découvert quelque chose qui pourrait changer ma vie”

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Melanie De Vrieze Freelance

Nadia Aimé, spécialiste cyber chez Microsoft, entend inspirer la communauté par son travail. Par de petits gestes de gentillesse, associées à la technologie, le parcours d’une personne peut subitement changer de cap.

Nadia Aimé est entrée en juillet 2021 comme spécialiste technique chez Microsoft. Sa mission consiste à aider les clients à surmonter les obstacles techniques liés à l’installation de solutions cloud dans leur environnement numérique. Six mois plus tard, elle était promue spécialiste en cloud et sécurité. “A ce titre, j’aide les entreprises à sécuriser leur environnement en leur expliquant les méthodes utilisées par les pirates pour pénétrer leurs systèmes et en leur proposant des solutions de sécurité qu’elles peuvent implémenter, que ce soit dans l’environnement Microsoft ou dans d’autres configurations”, explique Nadia Aimé.

Je me souviens que je comprenais chaque ligne de code. Je suis sortie de la pièce en me disant que j’avais enfin trouvé ma voie.

Elle est arrivée dans le secteur technologique par une voie non traditionnelle, plus précisément en saisissant à deux mains les opportunités qui se présentaient à elle et à les mener à bien. “Un petit geste suffit pour avoir un impact majeur sur la vie des gens”, estime-t-elle.

Question simple

Des petits gestes d’amitié que les gens prolongent, voilà ce qui motive Nadia Aimé. Elle arrive en Belgique en 2008, mais se retrouve sans domicile lorsque ses deux parents décèdent. A 15 ans, elle zone à proximité de la station de métro Mérode à Bruxelles et dans les parcs environnants. “Je me demandais si tous les jours allaient se ressembler. Je ne pouvais pas m’imaginer de quoi le lendemain serait fait. L’homme est ainsi fait: il voit toujours le problème et ne pense pas que demain est un autre jour. Il n’y a alors qu’un seul scénario: survivre.”

De temps à autre, des passants lui ont donné de l’argent ou de la nourriture, ce qui n’a pas pour autant résolu son problème. “Un jour, une dame m’a demandé si je savais où aller. C’était la question la plus simple qu’elle pouvait me poser, mais en même temps celle qui a eu l’impact le plus important. Elle m’a indiqué la voie du CPAS qui m’a ensuite placée en internat.”

En tant que mineure, elle essaie de s’inscrire dans différentes écoles, mais sans diplôme d’enseignement secondaire, elle est à chaque fois refusée. Après avoir essuyé le refus de plusieurs écoles traditionnelles, elle s’adresse au CEFA (Centre d’Education et de Formation en Alternance) pour bénéficier néanmoins d’une formation scolaire. Dans ce cadre, elle suit deux jours de cours (mathématiques, langues, etc.) et travaille les trois autres jours. Elle se voit proposer le choix entre cuisine, tâches administratives et travail de garage. “Comme j’avais eu faim, j’ai opté pour la cuisine”, confie-t-elle.

Après un stage dans l’horeca, elle se voit proposer un emploi de collaboratrice administrative à l’ULB. “Après une première interview, j’ai eu un entretien technique. Je devais effectuer des calculs en Excel, alors que je ne l’avais jamais fait. J’ai alors cherché comment faire sur Google, alors que le recruteur était devant moi. C’est encore une image que je garde devant les yeux: comment ai-je fait pour y arriver? (rire) En effet, pas question pour moi de renoncer. Lors de mon dernier entretien, le vice-recteur de l’époque m’a demandé pourquoi il devrait m’engager. Pour être honnête, j’aurais pu lui répondre que je voulais absolument travailler, que je serais au travail dès l’aube et jusque tard le soir, mais j’ai simplement répondu: ‘J’ai déjà relevé de nombreux défis dans ma vie. Tout ce que je recherche, c’est une occasion sérieuse de me réaliser.'”

La passion du codage

Aimé a décroché le poste, ce qui a marqué un tournant dans sa vie. “J’ai directement appelé mes amis pour leur dire que j’avais obtenu un emploi de bureau”, explique- t-elle fièrement. Sa mission consistait à aider les étudiants étrangers à s’intégrer sur le campus.

Comme le Web master partait en vacances et que certaines adaptations étaient prévues durant cette période, le patron d’Aimé lui a demandé d’approfondir ses notions de codage pour prendre en charge cette mission. “Le Web master a ouvert son ordinateur et m’a expliqué les bases du codage en HTML et en CSS. Je me souviens que je comprenais chaque ligne de code. Je suis sortie de la pièce en me disant que j’avais enfin trouvé ma voie.”

En plus de son emploi à temps plein de collaboratrice administrative, elle a alors passé tout son temps libre à approfondir ses connaissances et son expérience en codage. Durant cette période, elle accumule assez d’argent pour se payer un ordinateur d’occasion, ce qui lui permet de continuer à apprendre le codage durant ses week-ends.

Cette nouvelle passion lui apparaît comme un ballon d’oxygène. “Je sentais que j’avais découvert quelque chose qui pourrait changer ma vie, sans savoir ni où ni jusqu’où cela me conduirait.”

Entreprenariat social

Capitalisant sur cette expérience, Nadia Aimé entend toucher des personnes qui ont besoin d’une seconde chance. Elle fonde alors sa propre société, She Leads Digital. En qualité d’expert du vécu, elle entend avoir un impact positif sur la vie des gens en leur expliquant comment la technologie peut améliorer positivement leur vie. “She Leads Digital est le fruit de mon expérience de vie, explique Aimé. Ne pas avoir de diplôme limite les choix sur le marché du travail. Il en résulte souvent des emplois sous-payés qui ne suffisent pas à survivre. De nombreuses personnes, qu’il s’agisse de migrants ou de Belges, se retrouvent dans la même situation et sont contraintes, en l’absence d’une formation, de travailler dans certains secteurs. Avec She Leads Digital, j’entendais montrer que la technologie permet de trouver de nouvelles voies et une indépendance financière. Les femmes qui restent plusieurs années à la maison pour s’occuper de leurs enfants ne se voient pas proposer des emplois intéressants parce que les employeurs se posent des questions sur le vide sur leur CV. Nous ne cherchons pas à effacer les expériences antérieures, mais les valoriser grâce à la technologie. Nous vivons dans un monde où tout est possible, par exemple en approfondissant ses connaissances grâce à la technologie dans des domaines comme le marketing numérique ou le codage.”

Certification

Lorsque la crise du Covid a éclaté, Nadia Aimé était enceinte de son deuxième enfant. Elle décide alors d’arrêter She Leads Digital. “J’aurais dû réinventer la société – tous les voyages, les ateliers et les événements étaient annulés – et je n’avais plus l’énergie. Il était temps d’évoluer.”

Durant un an, elle suit une formation en cybersécurité, un projet qu’elle nourrissait de longue date. Elle s’achète un volumineux ouvrage chez CSP, une organisation reconnue en cybersécurité et se lance dans l’auto-apprentissage. Elle réussit l’examen et obtient sa certification. “C’était le premier certificat que je décrochais. Autrefois, je n’avais jamais réussi d’examen. J’étais consciente que j’étais devenue une spécialiste technique, mais ce bout de papier validait mon sentiment.”

Microsoft la contacte et l’embauche au terme de 7 interviews. Aujourd’hui, Aimé espère que sa carrière servira d’exemple afin d’encourager chacun à aller de l’avant et à ne pas renoncer. “Mon leitmotiv est ‘Now is not forever’. En d’autres termes, tout le monde peut changer. Rien n’est définitivement établi. De petits gestes de gentillesse peuvent changer la vie d’une personne. Ainsi, j’ai acheté ma première maison alors que j’ai 28 ans et que je suis mère célibataire de deux enfants. Jamais je n’y aurais cru lorsque j’avais 15 ans.”

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