‘Les politiciens font encore trop peu de cas des données des médias sociaux’

Stefan Grommen Stefan Grommen est rédacteur de Data News.

L’actuelle campagne électorale n’a jamais été aussi ‘sociale’. Même si, selon IBM, l’on pourrait encore tirer nettement plus parti de l’analyse des données. Les politiciens tempèrent cependant cette prise de position.

L’actuelle campagne électorale n’a jamais été aussi ‘sociale’. Même si, selon IBM, l’on pourrait encore tirer nettement plus parti de l’analyse des données. Les politiciens tempèrent cependant cette prise de position.

“Nos politiciens ont encore pas mal de leçons à tirer de l’équipe de campagne du président américain Barack Obama”, affirme Thierry De Keyser, sales manager business analytics chez IBM. Il fait ici référence à l’équipe d’analystes de données qui suit là-bas seconde après seconde ce qui se passe sur les médias sociaux et l’internet, et le convertit en opportunités politiques. “La communication de Barack Obama découle directement de ce qui est abordé en ligne.”

A dire vrai, la comparaison avec la campagne des élections communales en Belgique ne tient pas la route sur plusieurs points, mais il est un fait que les médias sociaux sont utilisés de manière intensive dans les campagnes et ce par tous les partis sans exception. “Un site web, des comptes Twitter et Facebook sont devenus incontournables aujourd’hui”, explique De Keyser. “La grande question, c’est de savoir ce que les partis en font. En effet et surtout lors de ce genre d’élections locales, les partis jouent plutôt eux-mêmes le rôle de machine à communiquer. Possèdent-ils suffisamment d’outils pour utiliser la pleine puissance d’internet? Tout semble indiquer que beaucoup de partis se limitent à suivre les réactions.”

Quelle est alors la valeur pour les partis politiques? “Primo, il est possible de découvrir via les médias sociaux les thèmes et sujets qui conviennent à votre campagne, ce qui vous permet de rapprocher votre programme des besoins du citoyen. L’on peut y ressentir aussi le sentiment de l’électorat vis-à-vis de certains thèmes. L’on peut ainsi par exemple différentier sa vision de la masse et se distinguer de manière plus innovante.” De Keyser évoque ainsi l’analyse de texte permettant de puiser dans un groupe de commentaires le sentiment prédominant de l’électeur à propos de certains sujets. Une analyse prédictive doit aider les partis et les politiciens à progresser en conséquence de cause. “Le politicien moderne est un analyste qui utilise un logiciel intelligent pour savoir ce qui se passe réellement au sein de l’électorat”, voilà ce qu’on souhaite mettre en avant chez IBM. “L’analyse des données fait correspondre les attentes des électeurs avec les véritables programmes électoraux, afin de rapprocher les politiciens du citoyen.”

Toutes-boîtes

Suite à un sondage sur les activités relatives aux médias sociaux chez quelques partis, il convient d’apporter certaines nuances. La N-VA par exemple suit non seulement les réactions sur Facebook, Twitter et LinkedIn (via des outils tels Tweetdeck, Hootsuite ou Tweetbot), mais en fait aussi une analyse dans la mesure du possible. “Les analyses Facebook s’effectuent principalement via Facebook même et via conversocial.com”, déclare Nele Hiers, teamcoördinator communication à la N-VA. “Le nombre croissant de ‘j’aime’ n’est dans ce cas pas le seul facteur ou le plus important. Nous prêtons surtout attention à la réponse que nos messages Facebook provoquent”: sont-ils souvent partagés ou aimés? Combien de réactions et lesquelles engendrent-ils?…” Le site web de la N-VA est suivi via Google Analytics, affirme Hiers. “Quelles pages sont les plus visitées, quelle est la cause de pics singuliers, comment les gens atteignent-ils notre site web? Nous observons ici que l’importance des médias sociaux augmente lentement mais sûrement: l’on aboutit sur notre site toujours plus souvent via Facebook ou Twitter. Les principales sources de trafic restent cependant les visiteurs directs et les moteurs de recherche. Nous contrôlons également les mots-clés utilisés par les gens pour aboutir chez nous, étant donné qu’il s’agit là aussi d’une indication de ce qui se passe dans le public.”

Au sp.a, l’analyse n’est pas non plus oubliée. “Nous utilisons Engagor pour le suivi et l’analyse”, nous explique Stijn Vercamer, directeur adjoint pour la communication au sp.a. “C’est très intensif, parce que l’on dit à présent tant de choses sur la politique et les partis politiques. Nous l’utilisons d’une part de manière qualitative pour savoir ce que l’on pense de nous tant à l’échelle nationale que locale, et d’autre part en tant qu’analyse quantitative.”

Des points du programme sont-ils modifiés sur base des commentaires online? “Pas vraiment. Selon moi, l’on ne peut pas agir ainsi”, réagit Vercamer. Il s’agit de combiner cela avec une enquête qualitative approfondie exploitant plusieurs canaux à la fois. Surtout Twitter vous pousserait alors dans un tunnel.” La N-VA nuance elle aussi: “Les réactions aux médias sociaux sont pour la N-VA au niveau national un baromètre d’une partie de l’opinion publique et complètent ainsi les canaux traditionnels (presse, réactions téléphoniques et mail, visites à domicile, …). Si un sujet provoque beaucoup de réactions, nous en informons le porte-parole (de fraction/cabinet/parti). En fonction du sujet abordé, il y aura probablement ensuite une communication complémentaire ou une explication du point de vue du parti.”

Conclusion tant du sp.a que de la N-VA: l’importance des médias sociaux ne peut être exagérée. “Il s’agit pour nous simplement d’un des canaux de communication, à coté des relations presse (porte-parole, communiqués de presse), des canaux de communication propres (magazine, site web), des sites web des mandataires, …”, déclare Vercamer. “Dans les ateliers, je répète toujours que les canaux des médias sociaux constituent notre première ligne dans la stratégie de communication, mais le site web et les ‘médias traditionnels’ (journaux, TV, magazines,…) demeurent très importants en raison de leur portée nettement plus grande.”

Nele Hiers de la N-VA tire la même conclusion modérée: “D’une enquête postélectorale après les élections de 2010, il est apparu que les médias sociaux n’avaient eu qu’une portée et un impact limités, contrairement aux toutes-boîtes par exemple. Nous misons par conséquent principalement sur les canaux de communication et d’information traditionnels (visites à domicile, toutes-boîtes, publicités, …).” Même si les médias sociaux restent un moyen de prendre le pouls des électeurs et un outil de conversation pratique, admet encore Hiers. “Nous voyons ainsi notre médiatrice par exemple évoluer de plus en plus vers une fonction de ‘conversation manager’.”

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