Anna Thomlinson

‘Les entrepreneuses méritent une plus grande part du gâteau des investissements en capital-risque’

Anna Thomlinson Managing Director Start it @CBC

“Si les hommes continuent à investir principalement dans d’autres hommes, ils passeront avant tout à côté d’opportunités financière”, écrit Anna Thomlinson.

Aux Etats-Unis, seuls 2 % des investissements totaux en capital-risque bénéficient à des créatrices de start-up. C’est ce que nous apprend une étude de Pitchbook réalisée en 2017. Les femmes demeurent malheureusement sous-représentées dans le monde des start-up et des scale-up, même si le déséquilibre n’est plus aussi marqué. La Semaine mondiale de l’entrepreneuriat est une bonne occasion de reconnaître que les investisseurs en capital-risque se tirent une balle dans le pied en investissant si faiblement dans les femmes qui entreprennent.

En effet, une étude de la Kauffman Foundation montre que les ventes des entreprises technologiques américaines dirigées par des femmes sont supérieures de 12 % à celles de leurs homologues masculins. En moyenne, le ROI de ces sociétés est même augmenté de 35 %. De nombreuses autres études confirment ce constat.

Comment se fait-il dès lors qu’une si petite part du gâteau revienne aux femmes entrepreneurs ? Il convient en premier lieu d’examiner les fonds d’investissement. En 2019, ceux-ci demeurent de véritables clubs réservés aux hommes. 94 % des capital-risqueurs américains sont des hommes. Je suis souvent en contact avec des investisseurs et tout me laisse hélas à penser que ce rapport n’est pas très différent chez nous.

L’excellent livre “Invisible Women” de Caroline Criado Perez nous montre comment les hommes développent (en grande partie inconsciemment) des produits liés à leur propre environnement. L’auteure nous explique ainsi que les femmes sont plus souvent gravement blessées dans des accidents de voiture, car les airbags et les ceintures de sécurité sont conçus pour un homme moyen. Par un même mécanisme, les capital-risqueurs investissent moins dans des entreprises créées par des femmes, avec des conséquences certes moins dramatiques. Les idées et les solutions proposées par les créatrices d’entreprise sont trop éloignées du monde et du cadre de référence des investisseurs en capital-risque. Ceux-ci investissent d’abord dans des entrepreneurs qui leur ressemblent.

Il n’y a d’ailleurs pas que les entrepreneuses qui sont sous-représentées. Au Royaume-Uni, selon les chiffres de l’Intellectual Property Office, seule une demande de brevet sur sept est déposée par une chercheuse. Les femmes ont en outre moitié moins de chance que les hommes d’obtenir un brevet pour la Recherche et Développement. Mieux vaut ne pas penser à toutes les inventions et à tous les modèles que nous avons manqués.

Chez Start it @KBC, nous nous efforçons de constituer de manière paritaire le jury qui sélectionne les nouvelles entreprises de notre programme d’accélération. Autant de femmes que d’hommes donc. Nous voulons ainsi éviter qu’un référentiel prenne le pas sur l’autre. Nous n’y sommes pas encore, mais nous constatons que le nombre de fondatrices augmente lentement, mais sûrement. Un plus grand nombre d’entrepreneuses ne garantit évidemment pas qu’une plus grande part du capital-risque leur soit attribuée, mais il s’agit là d’une première condition essentielle.

Les capital-risqueurs laissent passer des opportunités financières

Est-ce alors la seule faute des hommes si les femmes entrepreneurs doivent compter sur une part réduite du capital-risque ? Non, car celles-ci ont plus souvent peur des risques liés aux capitaux extérieurs. Les entrepreneuses iront plus difficilement à la rencontre des investisseurs en capital-risque. Bien que les chiffres objectifs soient en leur faveur, elles ont encore trop tendance àdiminuer leurs produits et services. J’ai souvent vu des créatrices de start-up torpiller leur propre entreprise, avant même qu’un membre du jury n’ait eu l’occasion de poser une question difficile. C’est le genre de chose que les hommes ne feraient pas.

Comprenez-moi bien, mon plaidoyer ne vise pas une répartition égale du capital-risque entre hommes et femmes. Mais bien que les femmes qui entreprennent puissent bénéficier des investissements qu’elles méritent. Des recherches menées par Harvard ont montré que les capital-risqueurs évaluent différemment, voire mieux, une même présentation d’entreprise si celle-ci est donnée par un entrepreneur masculin. De même, les femmes doivent faire face à d’autres questions – moins pertinentes – que les hommes. Les plans financiers seront ainsi rapidement au coeur de la discussion avec des entrepreneurs, alors qu’ils ne seront parfois même pas évoqués avec les entrepreneuses.

Si l’on veut corriger ces déséquilibres, il faut oeuvrer à la source. Des équipes mixtes de capital-risque investissent plus souvent dans des équipes mixtes de créateurs d’entreprise, qui développent aussi plus souvent des entreprises prospères. Bref, si les hommes continuent à investir principalement dans d’autres hommes, ils passeront avant tout à côté d’opportunités financières. Qu’attendent donc les fonds d’investissement pour recruter rapidement plus de femmes ?

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