Le ‘crowdinvesting’ doit encore grandir

En 2012, seuls 4 pour cent du volume mondial de ‘crowdfunding’ (financement participatif) représentaient des investissements dans des entreprises débutantes.

En 2012, seuls 4 pour cent du volume mondial de ‘crowdfunding’ (financement participatif) représentaient des investissements dans des entreprises débutantes.

Ce qu’on appelle dans le jargon le ‘crowdinvesting’ déclenche pas mal d’enthousiasme, mais il ne s’agit pas encore – et de loin – d’une forme à part entière de capital-risque. Sans informations convaincantes et sans réglementation, il pourrait même s’agir d’une nouvelle bulle de savon, selon les spécialistes.

Le ‘crowdinvesting’ fait actuellement l’objet de pas mal d’attention. Ce serait pour les startups prometteuses, mais risquées une façon de trouver le capital nécessaire en ces temps de crise. Reste à voir si les chiffres confirment les attentes. En 2012, le volume mondial de crowdfunding était de 2,7 milliards de dollars (1,97 milliard d’euros). A peine 4 pour cent de ce montant concernaient du capital-risque.

La majeure partie, soit 44 pour cent, était du ‘crowdlending’, l’octroi de prêts par le biais du crowdfunding. Les dons représentaient 37 pour cent. 14 autres pour cent prenaient le chemin de ce qu’on appelle en jargon le ‘reward-based crowdfunding’, par lequel le public préfinance la création de nouveaux produits. Ces chiffres ont été présentés lors d’un séminaire de la cellule de réflexion économique Bruegel à Bruxelles.

Le crowdinvesting peut devenir un fournisseur de capital à part entière pour les entreprises, à condition de franchir quelques obstacles. Un premier obstacle, c’est la formation financière du public.

“Les gens en font à présent un amalgame”, déclare Guillaume Desclée, orateur lors du séminaire Bruegel. Il est l’un des fondateurs de MyMicroInvest, une plate-forme de crowdfunding spécialisée dans le capital-risque. “Prêts, dons ou apport de capital: pour les particuliers, les différentes formes de crowdfunding ne sont souvent pas claires. Il faut cesser de rêvasser. Le crowdfunding n’a rien d’utopique, et le crowdinvesting non plus, à coup sûr. Osons dire aux gens qu’ils prennent des risques en crowdinvesting.”

Cow-boys

Le patchwork européen constitue un autre problème. “Entre les pays membres, il existe beaucoup de différences en matière de réglementation”, affirme Armin Schwienbacher, autre orateur lors du séminaire et professeur de financement d’entreprise et de crowdfunding à l’université de Lille.

“Les différences fragmentent le marché, de sorte que nombre de plates-formes de crowdfundig restent trop petites et ce, même si une certaine consolidation est en cours. C’est ainsi que l’américaine Kickstarter est à présent aussi active dans plusieurs pays européens.”

Sans réglementation harmonisée, il y a un risque de bulle de savon. “J’ai des craintes”, ajoute Desclée. “Un marché avec de nombreux acteurs, c’est bien. Mais si vous ouvrez trop grand la porte, quasiment tout le monde peut entrer, y compris les cow-boys. Il nous faut un solide cadre réglementaire.”

Schwienbacher est d’accord, mais affirme que des accidents peuvent toujours survenir: “La ‘crowdintelligence’ ne pourra éviter les bulles de savon. Celles-ci font partie de la nature même des marchés financiers.”

Prospectus

En Belgique, il n’y a heureusement pas encore de bulle en préparation selon Desclée. Il distingue plutôt un risque dans l’absence d’informations adéquates avec les projets de crowdfunding.

“L’on peut protéger le petit investisseur de deux manières”, indique Desclée. “Soit on limite le montant de son investissement, soit on lui donne un maximum d’informations. J’opte pour la seconde solution. En Belgique, un prospectus n’est obligatoire que pour des montants supérieurs à 1.000 euros par investisseur, à moins que l’initiateur veuille recueillir en tout plus de 300.000 euros. Optons pour la simplicité: supprimons les limites sur les montants et imposons un droit à l’information. Cela ne signifie pas que chaque initiateur doive rédiger un volumineux et coûteux prospectus. Mais garantissons pour chaque projet un minimum d’infos correctes et accessibles.”

MyMicroInvest s’engage à rédiger un prospectus pour chaque projet, quel que soit le montant visé. La plate-forme ne doit donc pas s’en tenir au maximum de 1.000 euros par investisseur.

Depuis son lancement en septembre 2012, la plate-forme a investi 3 millions d’euros. Elle combine l’apport des petits investisseurs avec celui des fonds d’investissement professionnels. De ces 3 millions, 2 millions proviennent de fonds et 1 million de petits investisseurs.

“Une minorité de 5 pour cent des petits investisseurs représente la moitié de l’apport total d’1 million”, explique Desclée. “Il y a donc de petits investisseurs qui mettent sur la table beaucoup plus de 1.000 euros. Cela signifie que MyMicroInvest perdrait directement pas mal d’argent, si elle ne rédigeait pas de prospectus et devait donc s’en tenir à la limite des 1.000 euros par petit investisseur.

Pourquoi cette limite est-elle nécessaire, si l’on prodigue suffisamment d’informations? En Belgique, n’importe qui aujourd’hui peut via internet demander 1.000 euros aux gens, sans la moindre info. L’on ne protège de cette façon pas l’investisseur.”

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